"C'est un nouveau couac dans le programme nucléaire français. Le 29 mars 2016, le collège de l’Autorité de sûreté nucléaire, organisme indépendant chargé de contrôler au nom de l'Etat la sécurité des installations nucléaires, a auditionné EDF sur sa stratégie de démantèlement des réacteurs de type « uranium naturel graphite-gaz » (UNGG). Ces réacteurs de première génération, arrêtés depuis plus d’une trentaine d’années, sont implantés sur les sites de Saint-Laurent-des Eaux, Chinon et Bugey.

L’ASN avait souhaité auditionner EDF pour s’assurer qu’elle mettait en œuvre des moyens suffisants pour démanteler ces réacteurs "dans un délai aussi court que possible", conformément aux dispositions législatives en vigueur. Or, au cours de cette audition, EDF a informé l’ASN qu’elle retenait une nouvelle stratégie de démantèlement. "Celle-ci modifie significativement la méthode, le rythme des démantèlements et les scénarios associés", écrit l'ASN. "(Elle) conduit à décaler de plusieurs décennies le démantèlement de certains réacteurs au regard de la stratégie affichée par EDF en 2001 et mise à jour en 2013".

Un coût incertain

Au départ EDF comptait ainsi déconstruire "intégralement et sans attendre" ses neuf réacteurs définitivement mis à l’arrêt. Cet engagement a été inscrit le 21 octobre 2005 dans un contrat de service public signé avec l’Etat et les chantiers de déconstruction ont bel et bien commencé à Saint-Laurent-des-Eaux, Chinon et au Bugey. Or, lors de sa récente audition, "EDF a présenté sa volonté de mener à bien le démantèlement complet d’un réacteur avant de commencer le démantèlement des autres réacteurs, dans le but de bénéficier du retour d’expérience associé", indique l'ASN. Ce qui impliquerait l'arrêt ou la suspension d'au moins deux des trois chantiers en cours. Le collège de l’ASN "a pris connaissance de cette nouvelle stratégie et a demandé à EDF de rendre public et de justifier de manière détaillée ce changement, en démontrant le respect des exigences législatives" mais aussi de lui fournir un programme détaillé d'avancement de ses travaux de démantèlement pour les 15 prochaines années. 

Il s'agit donc d'une nouvelle pierre dans le jardin d'EDF, fragilisé financièrement et qui va devoir investir jusqu'à 100 milliards d'euros au cours des dix prochaines années pour pouvoir continuer à exploiter son parc de centrales, selon la Cour des Comptes. A cela s'ajoute le coût du démantèlement des centrales à l'arrêt, comme celles pointées du doigt par l'ASN. Fin 2014, EDF évaluait ce coût à 19,3 milliards d'euros mais un rapport de la Commission européenne paru début 2016 l'estime, lui, à 74 milliards (y compris le coût de retraitement des déchets). Un chiffre pas très rassurant pour les finances publiques.
"