Les ministres français de l'Economie et des Finances se sont rendus lundi à Berlin pour demander plus de dépenses à leurs homologues allemands, indique Jean-Gabriel Attali, stratégiste Cross Asset Kepler Cheuvreux - Investment Solutions. On peut y voir selon lui un aveu d'échec de la France qui peine à se réformer et qui cherche toujours à l'extérieur les raisons de ses échecs, hier la faiblesse de la politique monétaire de la BCE, aujourd'hui le manque d'investissements Outre-Rhin.

Sans chercher forcément à dédouaner le gouvernement français de ses manquements, et ils existent, il y a malgré tout un diagnostic qui commence à être partagé, y compris en Allemagne, commente le stratégiste.

Championne des exportations, l'Allemagne en réalise tout de même l'essentiel en zone euro et il était écrit que, tôt ou tard, les politiques d'austérité qu'elle « impose » à ses voisins auraient un effet néfaste sur sa propre économie. Elle pourrait d'ailleurs bien être déjà en « récession technique » (i.e. 2 trimestres consécutifs de croissance négative), écrit Jean-Gabriel Attali.

Mais ce n'est pas son seul point de faiblesse et certains économistes allemands, dont Marcel Fratzscher, n'hésitent plus à parler de déclin, pointant le manque d'investissement de la part des grandes entreprises, mais également de l'Etat qui a laissé vieillir ses infrastructures. Pour illustration, l'autoroute A1 allemande est aujourd'hui interdite aux poids lourds au niveau du pont du Rhin obligeant, par exemple, le chimiste Bayer à détourner ses camions de plusieurs dizaines de kilomètres, explique le stratégiste.

Et quand les dirigeants allemands s'enorgueillissent d'atteindre l'équilibre budgétaire, poursuit-il, certains n'y voient que des effets de l'effondrement des naissances qui allège les factures liées aux gardes d'enfants ou à l'éducation. Mais cela ne tardera pas selon lui à avoir en retour des conséquences néfastes sur la première puissance économique européenne, à l'instar de ce que connaît le Japon depuis vingt ans.

Alors bien sûr, les dirigeants français feraient bien de poursuivre et même d'accentuer le rythme des réformes. Mais si les dirigeants allemands n'ont aucune intention d'utiliser leurs marges de manoeuvre budgétaire pour sortir la zone euro du marasme, l'enjeu est désormais de leur faire prendre conscience de la nécessité pour eux-mêmes d'un plan de relance, conclut Jean-Gabriel Attali.