* L'avion du chef de la diplomatie turque n'a pas été autorisé à se poser aux Pays-Bas

* La ministre de la Famille a été empêchée d'entrer dans le consulat de Turquie à Rotterdam

* Erdogan dénonce des "vestiges" du nazisme

* L'ambassade des Pays-Bas en Turquie fermée

* Les Pays-Bas votent mercredi à l'occasion d'élections législatives

par Toby Sterling et Tuvan Gumrukcu

AMSTERDAM/ANKARA, 11 mars (Reuters) - Les relations diplomatiques entre les Pays-Bas et la Turquie se sont enflammées samedi après la décision des autorités néerlandaises de refuser au ministre turc des Affaires étrangères d'atterrir à Rotterdam, où il entendait mener campagne auprès de la diaspora turque.

En début de soirée, une autre ministre turque, chargée de la Famille, n'a pu entrer dans le consulat de Turquie à Rotterdam qu'elle avait gagné par la route depuis l'Allemagne. Fatma Betul Sayan Kaya allait pénétrer dans le bâtiment quand des policiers néerlandais l'en ont empêchée, selon des images tournées par la chaîne de télévision publique NOS.

A Ankara, le président turc Recep Tayyip Erdogan a dénoncé la décision des autorités néerlandaises, y voyant des "vestiges du nazisme". Dimanche dernier, il avait fustigé dans les mêmes termes les autorités allemandes à la suite d'annulations similaires, s'attirant les foudres de la chancelière Angela Merkel.

Selon des sources proches du ministère turc des Affaires étrangères, les autorités turques ont fait fermer dans la soirée l'ambassade et le consulat des Pays-Bas en Turquie. Les résidences de l'ambassadeur néerlandais - absent de Turquie en ce moment -, du chargé d'affaires de l'ambassade et du consul général ont également été bouclées.

Les ministres turcs sont en campagne en Europe pour convaincre les membres de la diaspora de voter "oui" au référendum du 16 avril sur la réforme constitutionnelle. Le projet prévoit de renforcer les prérogatives du président.

Le chef de la diplomatie turque, Mevlut Cavusoglu, avait maintenu son déplacement à Rotterdam en dépit du refus des autorités de l'autoriser à y faire campagne qui lui avait été notifié la veille.

En fin de matinée, son avion a été interdit de se poser à l'aéroport desservant la ville.

CONTEXTE ELECTORAL

Le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, qui remettra son mandat en jeu lors des élections législatives de mercredi prochain, a justifié cette interdiction en invoquant un risque pour l'ordre public.

Il a ajouté que la menace de sanctions économiques invoquées samedi matin par Cavusoglu avait empêché de trouver une solution négociée.

"Beaucoup de citoyens néerlandais ayant des origines turques peuvent voter lors du référendum sur la Constitution turque. Le gouvernement néerlandais n'a aucun problème avec les rassemblements dans le pays pour les informer à ce sujet. Mais ces rassemblements ne doivent pas contribuer à des tensions dans notre société et quiconque veut organiser un rassemblement est obligé de suivre les instructions des autorités afin que l'ordre public et la sécurité soient garantis", a-t-il expliqué sur sa page Facebook.

Geert Wilders, chef de file du Parti pour la liberté (PVV), qui entend "désislamiser" les Pays-Bas, a lui aussi commenté la crise, publiant sur son compte Twitter un message destiné "à tous les Turcs des Pays-Bas qui sont d'accord avec Erdogan: allez en Turquie et ne revenez JAMAIS !!"

L'immigration a été l'un des sujets clés de la campagne pour les législatives de mercredi prochain et les autorités redoutent une menace à l'ordre public avec ces meetings de ministres turcs.

D'autres pays européens, dont l'Allemagne et l'Autriche, ont pris des mesures similaires.

A l'inverse, Erdogan, dont les relations avec ses partenaires européens se sont dégradées à la suite des purges mises en oeuvre depuis la tentative de putsch de l'été dernier, les accuse de chercher à favoriser une victoire du "non" au référendum, une issue qui serait un revers cuisant pour le président turc.

Prenant la parole devant des partisans, il a reproché aux Pays-Bas d'"ignor(er) la diplomatie et la politique". "Ce sont des vestiges du nazisme. Ce sont des fascistes", a-t-il ajouté avant de menacer le pouvoir néerlandais: "Vous pouvez dire non, une fois, deux fois, mais mon peuple finira par contrecarrer vos manigances. Vous pouvez annuler le vol de mon ministre des Affaires étrangères autant que vous voulez mais vous allez voir comment vos avions vont être reçus en Turquie désormais."

Contraint de rentrer à Istanbul avant d'arriver en début de soirée en France, où il participera dimanche à un rassemblement politique à Metz, Cavusoglu a affirmé de son côté que la décision des autorités néerlandaises constituait "un scandale" inacceptable et qu'elle aurait des conséquences. (Jean-Stéphane Brosse, Pierre Sérisier et Henri-Pierre André pour le service français)