WASHINGTON (Reuters) - Le ministre fédéral américain de la Justice a nommé jeudi un procureur spécial chargé d'enquêter sur les documents classés retrouvés au domicile du président démocrate Joe Biden, après avoir désigné un procureur distinct pour mener une enquête sur des documents emportés par Donald Trump, l'ex-locataire républicain de la Maison blanche.

Merrick Garland a choisi de confier à Robert Hur, procureur fédéral du Maryland durant le mandat de Donald Trump, l'enquête sur les archives classifiées retrouvées au domicile de Joe Biden et dans les locaux d'un cercle de réflexion à Washington où Biden avait occupé un bureau dans le passé. Ces documents datent du temps où il était le vice-président de Barack Obama.

Jack Smith, ancien procureur de crimes de guerre, mène lui l'enquête sur les documents classés confidentiels emportés en Floride par Donald Trump ou ses associés après le départ du républicain de la Maison blanche en 2021, ainsi que sur les tentatives d'obstruction à une enquête fédérale l'an dernier.

QUELLES SONT LES SIMILITUDES ENTRE LES DEUX DOSSIERS ?

Ni Donald Trump, ni Joe Biden ne devraient avoir en leur possession des documents classés. Il est prévu que, durant la période de transition entre deux administrations, les documents soient transmis au Bureau national des archives.

Déplacer ou conserver volontairement des documents classés est illégal, alors que se pose dans de tels cas la question des risques pour la sécurité nationale si ces documents n'étaient pas conservés de manière sûre et à même de tomber entre de mauvaises mains.

Joe Biden a dit devant les journalistes être surpris lorsqu'il a appris que des informations classifiées étaient en sa possession. Donald Trump avait lui déclaré sur les réseaux sociaux, sans apporter de preuve, qu'il avait déclassé les documents emportés - un argument que ses avocats se sont gardé d'évoquer dans des documents de justice.

QUELLES SONT LES DIVERGENCES ENTRE LES DEUX DOSSIERS ?

D'après des experts juridiques, il y a d'importantes divergences entre les deux affaires.

Concernant Donald Trump, le Bureau national des archives a tenté pendant plus d'un an après son départ de la Maison blanche de récupérer l'ensemble des documents emportés - en vain. Lorsque l'ex-président républicain a finalement remis en janvier 2022 une quinzaine de cartons contenant des documents, des représentants du Bureau national des archives ont découvert que parmi ceux-ci figuraient des informations classées.

Le dossier a été transmis au département de la Justice, qui a ordonné en mai dernier la restitution de tous les documents classés, avant de lancer par la suite une perquisition à la résidence floridienne de Donald Trump à Mar-a-Lago, où les avocats de Trump ont remis des documents supplémentaires et garanti qu'il n'y en avait plus sur place.

Cela s'est avéré faux. Des preuves supplémentaires obtenues par le FBI, dont des images de surveillance de Mar-a-Lago, ont poussé les agents fédéraux à demander un mandat de perquisition et ont fouillé en août le domicile de Donald Trump, craignant une possible entrave à la justice.

Quelque 13.000 documents supplémentaires ont été retrouvés par le FBI, dont une centaine frappés du sceau "confidentiel".

S'agissant de Joe Biden, les avocats de l'actuel locataire de la Maison blanche ont informé en novembre le Bureau national des archives et le département de la Justice qu'ils avaient découvert, plus tôt ce mois-là dans les tiroirs d'un bureau d'un think-tank de Washington, moins d'une dizaine de documents classés, a indiqué Merrick Garland.

A la suite de cette découverte, les avocats de Joe Biden ont mené des recherches supplémentaires aux deux domiciles de Biden à Wilmington, dans l'Etat du Delaware, où des documents ont été retrouvés le mois dernier et ce mois-ci. Tous ont été transmis aux autorités.

QUELS SONT LES RISQUES LÉGAUX POUR BIDEN ET TRUMP ?

Conserver et déplacer des documents classés constitue un crime seulement s'il s'agit d'une démarche intentionnelle.

Traditionnellement, les procureurs n'engagent pas de poursuites quand des documents ont été conservés par accident, mais s'ils trouvent des preuves d'une potentielle entrave à la justice, alors la donne peut changer.

Pour cette raison, ont dit des experts juridiques, Donald Trump encourt bien davantage de risques que Joe Biden.

Le département de la Justice n'a donné pour l'heure aucun élément suggérant que Joe Biden a volontairement conservé des archives ou refusé de rendre celles-ci au gouvernement.

Il est aussi peu probable que Joe Biden soit visé par des poursuites judiciaires en tant qu'actuel locataire de la Maison blanche.

Ce même statut avait contribué à protéger Donald Trump lorsqu'il était au coeur d'une enquête du procureur spécial Robert Mueller sur une possible collusion entre son équipe de campagne et la Russie pour l'élection présidentielle de 2016. Mueller s'était refusé à se prononcer sur l'implication éventuelle de Trump.

(Reportage Sarah N. Lynch; version française Jean Terzian)

par Sarah N. Lynch