STRASBOURG, 19 mars (Reuters) - Les nouvelles lois hongroises relatives à la justice et aux cultes religieux posent de sérieux problèmes par rapport aux règles démocratiques, estime la Commission de Venise, un organe du Conseil de l'Europe, dans un avis adopté lundi.

Ce collège international d'experts en droit constitutionnel avait été invité à analyser plusieurs réformes du gouvernement de Viktor Orban, au lendemain d'une triple procédure d'infraction ouverte le 17 janvier dernier à son encontre par la Commission européenne.

La procédure déclenchée par Bruxelles vise les lois relatives au pouvoir judiciaire, à la banque centrale et à l'autorité de contrôle des données, des textes dénoncés comme liberticides par l'opposition hongroise mais aussi par la gauche et le centre de l'échiquier politique européen.

S'agissant du système judiciaire, "la réforme, dans son ensemble, menace (son) indépendance", conclut la Commission de Venise (ou Commission européenne pour la démocratie par le droit, son nom officiel).

Les juristes, qui appartiennent à 58 Etats, dont les 47 Etats membres du Conseil de l'Europe, pointent comme principal problème "la concentration des pouvoirs placés entre les mains du président du 'Bureau national de la justice'".

Sous couvert d'indépendance, ce responsable est élu pour une durée de neuf ans par le parlement contrôlé aux deux tiers par la Fidesz (Union civique hongroise), le parti conservateur au pouvoir depuis 2010.

Or, constate la Commission de Venise, ce hiérarque, qui n'a de compte à rendre qu'en cas de violation de la loi, dispose de pouvoirs exorbitants allant de la définition de la politique judiciaire à l'élaboration de propositions de lois, en passant par la rémunération et la nomination de certains juges.

Quant à la mise à la retraite subite de 225 à 270 juges, soit près de 10% de la magistrature hongroise, du fait d'un abaissement brutal de la limite d'âge de 70 à 62 ans, les juristes s'inquiètent d'une perte de compétences peu justifiable à leurs yeux et suggèrent à Budapest une méthode moins "expéditive".

Ils jugent tout aussi brutale la réforme des règles relatives à la reconnaissance des cultes religieux, qui a vu leur nombre passer de plus de 300 à 32 aujourd'hui.

Si le changement des règles obéissait à de bonnes raisons - éviter que des cultes ne briguent une reconnaissance que pour des raisons financières -, les barrières érigés et le fait que le Parlement et non les juges soit désormais arbitre, sont, selon eux, discriminatoires et contraires à la liberté de religion. (Gilbert Reilhac, édité par Yves Clarisse)