A ce titre, ce fil rouge qui tient les marchés en haleine durant toute l’année, nécessite un rappel des faits et une nécessaire mise au point après une année 2016 déjà bien entamée.



De l’importance du suivi des minutes du FOMC

La publication du compte-rendu de la dernière réunion du comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) est toujours particulièrement suivie par les opérateurs de marché. La délimitation même des prérogatives de cette entité justifie cette attention particulière. En effet, le FOMC « examine les conditions économiques et financières, détermine l’orientation appropriée de la politique monétaire et évalue les risques à ses objectifs à long terme de la stabilité des prix et une croissance économique durable ». Les minutes du FOMC sont donc publiées par le Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale et sont un guide clair pour l’avenir de la politique de taux d’intérêt des Etats-Unis.

Ainsi, la Fed a relevé ses taux directeurs en décembre dernier, une première depuis une décennie. Si le rythme des interventions était déjà anticipé par les opérateurs avec entre deux et quatre hausses des taux au cours de l’année 2016, force est de constater après ces cinq premiers mois 2016 que le statu quo est de mise. Plusieurs intervenants éminents de la FED remettaient d’ailleurs en question ces remontées de taux au cours du premier trimestre. Ainsi, en février dernier, le président de la Fed de New York W. Dudley considérait que « les conditions financières s’étaient dégradées depuis la réunion du 16 décembre ».

La Présidente de la Réserve fédérale américaine faisait elle-même preuve d’une extrême prudence à propos d’une poursuite de la hausse des taux lors d’un discours prononcé fin mars devant The Economic Club of New York. Ainsi jugeait-elle qu’« étant donné les risques pesant sur les perspectives, il est approprié pour le Comité de politique monétaire de la Fed (FOMC) d’agir prudemment dans l’ajustement de sa politique ». Janet Yellen ne cachait d’ailleurs pas sa modération estimant que « les développements à l’étranger signifient qu’il faudra certainement, pour atteindre nos objectifs en matière d’emploi et d’inflation, suivre une trajectoire un peu plus basse que ce que nous avions anticipé en décembre ».

Dès lors, concrètement, la probabilité d’une hausse des taux directeurs de la Réserve fédérale pour cette année semblait s’amenuiser grandement il y a encore quelques semaines de cela. Les contrats à terme indiquaient d’ailleurs un statu quo pour les mois à venir. Comme le présente le tableau de probabilités suivant en date du 29 avril, la majorité n’envisageait qu’une hausse à compter de décembre. L’idée de l’absence totale de hausse des taux commençait même à faire son chemin !


Probabilité hausse des taux anticipée majoritairement au mieux pour décembre 2016



Les éléments qui pèsent dans le débat

Des risques récurrents demeurent sous-jacents tant que la croissance mondiale ne parvient pas à atteindre un rythme de croisière plus ferme. Tous membres confondus, les préoccupations majeures qui ont alimenté leurs positions attentistes depuis le début de l’année sont :

-          La morosité globale de l’économie mondiale
-          La montée de l’endettement en Chine
-          Les incertitudes sur la politique de taux de change
-         L’issue du vote Britannique. Certes, un possible « Brexit » n’influencera pas la décision monétaire de la Fed mais ce sujet fera partie des discussions du bureau le 15 juin prochain : les inquiétudes sur l’issue du référendum britannique une semaine après restent bien présentes
-          La problématique des flux de réfugiés en Europe
-         L’inflation américaine qui ne décolle pas suffisamment à cause notamment de la faiblesse des cours du pétrole et la vigueur du dollar


Des statistiques macro-économiques pour avril en très nette amélioration

Les chiffres très positifs pour avril publiés au cours du mois de mai s’accumulent. Le bureau exécutif de la Fed s’appuie sur certains indicateurs tels que le « Saint Louis Federal Reserve Bank Financial Stress Index » (ticker SLF FSI index). Cet indicateur prend notamment en compte 18 variables permettant d’évaluer le degré de stress financier sur les marchés américains et ainsi donner une idée de l’état futur de l’économie américaine.

Ainsi peuvent être cités :



Cette salve de bons chiffres économiques en avril explique aujourd’hui les différentes déclarations de membres de l’institution allant dans le sens d’un relèvement de taux plus tôt qu’anticipé.



Des propos sans ambiguïté

« La Fed doit relever progressivement et prudemment dans le temps son taux d’intérêt, et probablement dans les mois à venir une telle initiative serait opportune ». Ces propos attribués à la présidente Janet Yellen ressortent de la publication le 18 mai dernier du compte-rendu de la 4ème des 8 réunions annuelles du comité de politique monétaire de la Fed.

De cette simple phrase qui synthétise l’état d’esprit actuel de Janet Yellen, il convient d’en dégager les éléments suivants :
-          Une mise en garde contre un relèvement trop brutal des taux.
-          Une confiance accrue dans la solidité de l’économie américaine avec de très bonnes statistiques enregistrées récemment, en attente de confirmation.
-          Le redressement en cours de l’inflation avec un objectif toujours maintenu à 2%. Il faudra cependant que cette dernière se renforce nettement au 2nd trimestre, après un 1er trimestre décevant à +0.8% contre +2% et +1.4% lors des deux derniers trimestres 2015.
-          L’attention toute particulière à la reprise du marché du travail avec un taux de chômage à 5% actuellement, proche du seuil de plein-emploi.
-          Une croissance des salaires qui reste faible, ce qui lui laisse entrevoir qu’il existe toujours une marge d’appréciation à venir.

Plus récemment, la présidente de la Fed a, lors d’un discours à l’université d’Harvard le 27 mai, réaffirmé sa pensée en martelant que « L’économie continue de s’améliorer (…) la croissance semble accélérer ».
 
Même son de cloche de la part d’une majeure partie des membres de ce comité. A titre d’exemple :
-          Le Président de la Fed de Saint Louis, James Bullard précisait à la presse, suite à la publication des minutes du FOMC, que la plupart des responsables de la Fed ont jugé en avril que l’institution devrait relever ses taux en juin si les indicateurs macro-économiques restaient positifs.
 
-          Le président de l’antenne de la Réserve fédérale à Dallas Robert Kaplan a déclaré soutenir un relèvement des taux d’intérêt aux Etats-Unis « dans un avenir proche ».
 
-          « Depuis fin février des signes de dissipation des risques s’observent sur l’économie mondiale » selon J. Powell, l’un des gouverneurs de la banque centrale américaine.
 
Avec ces récentes déclarations, la probabilité d’une hausse des taux pour fin juillet dépasse désormais les 50%. Ce chiffre a plus que doublé en quinze jours puisqu’il était inférieur à 20% avant la publication des minutes du FOMC le 18 mai. Il convient de noter cependant que la probabilité d’une hausse des taux dès la réunion du 15 juin est de 30%, le bureau de la Fed attend des signes de confirmation macro-économique avant toute précipitation.


Probabilité hausse des taux avant minutes FOMC (le 16 mai)… seulement 4% pour juin prochain


 Au 30 mai, les pronostics tablent sur une hausse fin juillet


Propos conclusifs
 
La Fed se doit de bien préparer le terrain de la réduction de son soutien à l’économie américaine, dès l’instant où cette dernière sera considérée comme assez solide pour supporter une remontée des taux.

Après avoir relevé d’un quart de point le loyer de l’argent pour la première fois depuis dix ans en décembre dernier, une nouvelle hausse des taux apparaît quasi inévitable en juin prochain, ou fin juillet si des signes de confirmation sont avancés par les membres du FOMC pour justifier cette attente. Il convient de rappeler qu’au lendemain de la première hausse des taux en fin d’année dernière, le marché des dérivés sur les Fed Funds tablait pour une prochaine hausse seulement … en juin 2016. Nous y sommes donc !


Probabilité hausse des taux au 17 décembre2015

La fenêtre d’intervention reste restreinte et la Fed ne peut se permettre de rater le coche. De facto, la publication des chiffres de l'emploi non agricole sera très suivie et pourrait determiner l'échéancier de l'intervention de la Fed voir même le retarder. Le rythme des hausses de taux quel qu’il soit restera très progressif (de l’ordre de 0.25%) pour un objectif in fine de hausse de son taux directeur sur lequel toute la sphère financière s'interroge encore.