* Emmanuel Macron met en garde contre les extrêmes

* Marion Maréchal-Le Pen l'accuse de "récupération"

* Marine Le Pen réaffirme la rupture avec son père

PARIS, 30 avril (Reuters) - A une semaine du second tour de l'élection présidentielle, la confrontation entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen s'est cristallisée autour du devoir de mémoire dimanche, à l'occasion de la journée nationale des victimes de la déportation.

L'ex-ministre de l'Economie n'a eu de cesse cette semaine de ramener le Front national à ses origines, dans un travail de sape de la "dédiabolisation" opérée ces dernières années par son adversaire du second tour.

Mais Marine Le Pen a réaffirmé dimanche la rupture "définitive" avec son père, fondateur du parti d'extrême droite, tandis que Marion Maréchal-Le Pen, nièce de la candidate, a accusé Emmanuel Macron de "récupération" et de "chantage à la Seconde Guerre mondiale".

Après sa visite dans le village martyr d'Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne), vendredi, le candidat du mouvement En Marche ! a lancé une nouvelle mise en garde contre "les extrêmes" à l'issue d'une visite au mémorial de la Shoah à Paris.

"L'hommage que je souhaitais rendre aujourd'hui, c'était ce devoir que nous devons à toute ces vies fauchées par les extrêmes, par la barbarie", a-t-il déclaré à la presse au terme de ce déplacement.

"Nous avons aujourd'hui un devoir qui est double, le devoir de mémoire (...) et le devoir que cela n'advienne plus jamais en n'acceptant en rien l'affaiblissement moral qui peut tenter certains, le relativisme qui peut tenter d'autres, le négationnisme dans lequel certains trouvent refuge", a-t-il ajouté.

RUPTURE "DÉFINITIVE"

L'histoire du Front national a notamment été ponctuée par les déclarations répétées de son fondateur Jean-Marie Le Pen, mettant en cause la réalité de la persécution des juifs par les nazis.

L'ex-président du parti, dont la qualification inattendue pour le second tour de l'élection présidentielle le 21 avril 2002 avait provoqué un choc en France, a été exclu de sa formation politique en août 2015 après ses déclarations répétées sur les chambres à gaz nazies, "détail de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale" selon lui.

Marine Le Pen, qui a tenté de normaliser l'image du FN depuis qu'elle a succédé à son père en 2011, a réaffirmé dimanche sa différence.

Elle a notamment déclaré sur France 2 s'être "fait violence en rompant politiquement avec Jean-Marie Le Pen" tout en précisant avoir procédé à cette "rupture politique (...) définitive" parce que "l'intérêt supérieur du pays était en cause".

"Je n'entretiens plus de relation avec lui, je ne suis pas responsable de ses dérapages, de ses propos inadmissibles", a-t-elle également dit dans un entretien publié dans Le Parisien Dimanche.

Une nouvelle polémique concernant des propos négationnistes présumés du président par intérim du FN Jean-François Jalkh a par ailleurs incité ce dernier à se retirer vendredi.

"INDÉCENT"

La visite d'Emmanuel Macron au mémorial de la Shoah, deux jours après son déplacement à Oradour-sur-Glane, a suscité des critiques virulentes de la part de Marion Maréchal-Le Pen, la nièce de la candidate du FN.

Sans nommer directement l'ex-banquier d'affaires, la députée FN du Vaucluse a qualifié sur BFMTV son comportement d'"indécent", l'accusant de faire "de la récupération des morts et de ces déportations, du chantage à la Seconde Guerre mondiale".

"Rendre hommage à nos morts, à nos souffrances passées, c'est un devoir civique", a-t-elle dit. "Utiliser de façon indécente politiquement cela pour essayer de faire passer des messages moraux ou historiques assez malvenus, je trouve ça indécent."

"Je crois que nos adversaires politiques n'arrivent plus à nous attaquer sur le fond parce qu'ils sont complètement dépassés par leur bilan désastreux, et donc, à partir de là, ils essaient de faire de la morale", a-t-elle ajouté.

A l'issue d'une visite au mémorial des martyrs de la déportation, également à Paris, Emmanuel Macron a répliqué sèchement à ces accusations.

"Voudrait-elle, parce qu'elle a dans son parti et ses membres fondateurs, des gens qui le nient, voudrait-elle qu'on ne célèbre plus, qu'on n'exerce plus le devoir de mémoire (...) voudrait-elle qu'on ne fasse plus notre devoir ?" a-t-il dit à des journalistes.

"Allons, nous avons subi déjà bien des intimidations, nous en supportons déjà beaucoup de sa part, pour que fièrement, résolument, nous puissions encore défendre ce que nous sommes, notre histoire, la mémoire de celles et ceux qui ont péri et la volonté farouche et jusqu'au bout que cela ne revienne jamais", a-t-il ajouté. "Madame Le Pen et les siens peuvent bien se plaindre, je ne leur céderai rien".

Le grand rabbin de France Haïm Korsia a pour sa part dénoncé les propos de Marion Maréchal-Le Pen. "Je crois que lorsqu'on parle d'opportunisme c'est finalement qu'on ne comprend pas l'importance de se recueillir", a-t-il déclaré.

Marine Le Pen avait pour sa part rendu hommage aux victimes de la déportation dans la matinée à Marseille sans avoir annoncé ce déplacement à la presse.

Elle a déposé une gerbe devant une stèle commémorative en compagnie de Stéphane Ravier, sénateur des Bouches-du-Rhône et maire du septième secteur de Marseille, selon des photos publiées sur Twitter par Kévin Pfeffer, membre de son équipe de campagne. (Emmanuel Jarry et Myriam Rivet, édité par Danielle Rouquié)