* Un militant frontiste devenu apparatchik

* Maire et plus jeune sénateur de la Ve République

* Un rouage essentiel dans la stratégie de Marine Le Pen

LYON, 5 février (Reuters) - Il est au premier rang face à Marine Le Pen, assis entre Marion Maréchal-Le Pen et Florian Philippot, entre la nièce et le conseiller le plus écouté.

David Rachline a gagné sa place au plus près de la présidente du Front national (FN)FN, au sein du cercle restreint, comme ce dimanche de février où la candidate à la présidentielle prononce, à Lyon, son premier discours de campagne.

Dans la stratégie de conquête du pouvoir voulue par la chef de file, il occupe l'un des premiers rôles, parmi ceux qui s'efforcent de transformer le parti d'extrême droite en machine électorale capable de remporter scrutins locaux et nationaux.

Cet apparatchik frontiste, aguerri par 15 années de militantisme, a montré la voie en devenant maire de Fréjus (Var) en 2014 puis quelques mois plus tard, à l'âge de 26 ans, le plus jeune sénateur de l'histoire de la Ve République.

Certaine de tenir en lui un cadre fiable et loyal, Marine Le Pen a choisi le jeune maire à la rondeur de notable pour diriger sa deuxième campagne présidentielle.

"J'en pense beaucoup de bien", disait en 2014 la présidente du FN venue le soutenir dans le Var pour les municipales. "Il fait partie de cette jeune génération qui s'est investie très tôt au bénéfice des autres. C'est, je crois, un parcours remarquable qu'est celui de David."

Il est vrai que ce "mariniste" revendiqué a suivi une ascension spectaculaire depuis son adhésion au FNJ, la branche jeune du FN, au lendemain de l'accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle de 2002.

"Ma passion, c'était la politique. Mes copains jouaient au foot ou faisaient du vélo et moi, le mercredi, je rentrais pour regarder les questions à l'Assemblée nationale", raconte-t-il à Reuters, l'hebdomadaire Valeurs actuelles posé devant lui.

Avec Jean-Marie Le Pen, la figure réprouvée par un FN en quête de respectabilité, il a des désaccords mais pas sur "l'essentiel".

Immédiatement après son arrivée, David Rachline exerce des responsabilités dans son département puis est propulsé, en 2009, à la tête du FNJ national.

Au cours de ces années, il cultive ses réseaux à l'extrême droite, où il fréquente un temps Alain Soral jusqu'au départ du parti de ce polémiste plusieurs fois condamné par la justice, notamment pour incitation à la haine raciale, ou l'ancien président du Groupe union défense (GUD) Frédéric Chatillon, un "ami".

POSITION CENTRALE AU FN

Le dirigeant en devenir troque par ailleurs le jean contre un costume qu'il ne quitte plus lors de ses apparitions publiques et auquel il agrafe depuis quelques semaines une discrète rose bleue, le logo de campagne de Marine Le Pen.

Aujourd'hui, David Rachline occupe une position centrale au FN où, toutes tendances confondues, on loue son "professionnalisme", son "dévouement", sa "capacité de travail" et son habileté politique.

Dans le Var, ses opposants lui reconnaissent également un sens tactique et un talent pour s'attirer les faveurs des Fréjussiens. Mais l'accusent dans le même temps de brutalité et de gouverner comme un chef de bande.

"Vente massive et opaque du foncier municipal aux opérateurs privés", "propagation de rumeurs ordurières", "embauches opaques d'amis politiques", écrit la conseillère municipale de droite Françoise Cauwel dans un manifeste publié sur internet.

"C'était le petit faf (militant d'extrême droite-NDLR) du lycée", dit la socialiste Elsa Di Méo, qui était surveillante lorsque lui était élève.

"Ma conviction profonde est qu'il n'a pas changé sur le fond mais seulement dans la posture. Il est devenu un animal politique froid", poursuit la secrétaire nationale du PS, qui a récemment officié comme porte-parole de Manuel Valls.

Avec ses 53.000 habitants, Fréjus est la plus grande ville actuellement dirigée par le FN, qui fonde une partie de sa stratégie de conquête sur ces communes, comme Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) ou Beaucaire (Gard), érigées en vitrines de la bonne gouvernance frontistes.

Une tactique assumée par David Rachline.

"N'hésitez pas à prendre nos villes en exemple", a-t-il dit samedi à des militants réunis à Lyon pour les "assises" présidentielles de Marine Le Pen. "Les sacrifices et la gestion en bon père de famille portent leurs fruits : baisse de la dette de plus de vingt millions d'euros, aucune augmentation des impôts locaux, baisse de la délinquance."

"Essayez le FN, c'est l'adopter", a-t-il ajouté, reprenant là, comme l'a parfois fait Marine Le Pen, un vieux slogan publicitaire.

Le voilà désormais chargé de réussir au niveau national ce qu'il est parvenu à faire dans son département : conquérir le pouvoir.

Mais l'électorat n'est pas le même dans le Var et dans le reste de la France : les sondages placent systématiquement la présidente du FN en tête du premier tour de la présidentielle mais anticipent sa défaite au second.

(Simon Carraud, édité par Yann le Guernigou)