Au premier jour de cotation depuis que l'affaire a été révélée samedi par le New York Times et l'Observer, l'action du groupe a été malmenée à Wall Street, où elle a perdu près de 7%. La capitalisation boursière du groupe, qui s'établissait à 538 milliards de dollars (436 milliards d'euros) au cours de clôture de vendredi, a fondu d'environ 30 milliards.

Les investisseurs anticipent un durcissement de la législation qui pourrait nuire à l'activité de publicités ciblées qui alimente le chiffre d'affaires de la firme de la Silicon Valley.

"On est en train d'ouvrir le couvercle de la boîte noire des pratiques de Facebook en matière de données, et le tableau n'est pas joli à voir", relève Frank Pasquale, professeur de droit à l'Université du Maryland et spécialiste de l'utilisation des données par les géants d'Internet.

Aux Etats-Unis, mais aussi outre-Atlantique, les appels d'élus se sont multipliés pour réclamer des explications à Facebook.

Le groupe a annoncé lundi avoir chargé une société spécialisée dans les enquêtes juridico-informatiques, Stroz Friedberg, de mener un audit global de Cambridge Analytica. Le cabinet d'analyses a accepté de donner à l'entreprise de cybersécurité l'accès complet à ses serveurs et systèmes.

INFLUENCER LES CHOIX DES ÉLECTEURS

Selon l'hebdomadaire britannique The Observer, Cambridge Analytica a utilisé ces données, volées début 2014, pour concevoir un logiciel capable de prévoir et d'influencer les choix des électeurs et améliorer la visibilité et l'efficacité de la campagne électorale de Trump.

Le journal cite le témoignage d'un des fondateurs de la société qui affirme que ce logiciel était capable de dresser un portrait des utilisateurs et de leur adresser des publicités ciblées.

D'après l'Observer, les 50 millions de profils d'utilisateurs représentent environ un tiers de membres actifs de Facebook en Amérique du Nord et près d'un quart des électeurs américains.

Cambridge Analytica a vigoureusement démenti lundi ces informations du journal britannique. Il a dit avoir obtenu les données de Facebook auprès d'une tierce partie en 2014 mais les avoir détruites après avoir appris que ces éléments ne respectaient pas les règles sur la protection des données.

D'autres allégations visant le cabinet d'analyses ont émergé lundi. La chaîne britannique Channel 4 News a diffusé une vidéo dans laquelle des dirigeants de Cambridge Analytica expliquent comment ils utilisent des pots-de-vin, d'anciens espions ou des prostituées ukrainiennes pour piéger des responsables politiques. Cambridge Analytica a également démenti.

Quant à Facebook, les appels à plus de régulation ont été lancés dès samedi au Congrès. Lundi, le sénateur républicain John Kennedy a réclamé que le PDG du réseau social, Mark Zuckerberg, témoigne en personne devant le Congrès. Facebook envoie généralement ses avocats à ce genre d'auditions.

Certains lobbyistes du secteur technologique commencent à reconnaître en privé que l'époque où les géants de la Silicon Valley agissaient en toute impunité pourrait bien être révolue.

"Il est clair que ces plates-formes ne savent pas s'autodiscipliner", a dit la sénatrice démocrate Amy Klobuchar sur son compte Twitter.

Le président du Parlement européen, Antonio Tajani, a annoncé lundi que les députés européens allaient enquêter sur l'utilisation éventuellement abusive de ces données, ajoutant que ces allégations constituaient "une violation inacceptable du droit à la vie privée de nos citoyens".

Facebook a déclaré vendredi avoir appris en 2015 qu'un professeur de psychologie de Cambridge University avait menti à la société et violé ses règles en transférant des données à Cambridge Analytica pour une application de tests psychologiques qu'il avait créé.

Le réseau a suspendu les sociétés et chercheurs concernés, tout en ajoutant que les données avaient subi un usage détourné mais n'avaient pas été volées, les utilisateurs ayant donné leur autorisation à leur consultation.

(Catherine Mallebay-Vacqueur, Juliette Rouillon et Jean-Stéphane Brosse)

par Munsif Vengattil et Dustin Volz