Le conseil d'administration du FMI se réunit à Washington pour départager les deux postulants à la succession de Dominique Strauss-Kahn, inculpé à New York pour tentative de viol et agression sexuelle : la ministre française de l'Economie et le gouverneur de la Banque centrale du Mexique Agustin Carstens.

Un sondage informel réalisé par Reuters auprès des pays votants suggère que Christine Lagarde devrait obtenir haut la main la majorité, malgré une fronde des pays émergents.

En dépit du soutien de la quasi-totalité de l'Amérique latine, du Canada et de l'Australie, Agustin Carstens risque de ne pas pouvoir mettre fin au monopole de l'Europe sur la direction générale du FMI.

Représentant les 187 Etats membres du FMI, les 24 membres du conseil d'administration vont s'efforcer de dégager un consensus qui permettrait d'éviter de devoir organiser un vote formel.

La bataille pour la succession de Dominique Strauss-Kahn aura quoi qu'il en soit été la plus âpre de l'histoire du FMI.

Par convention, la direction du FMI revient à un Européen depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, tandis que les Etats-Unis héritent de la présidence de la Banque mondiale.

Dès le début de la procédure de succession, les pays émergents ont lancé des mises en garde contre la tentation des Européens de vouloir garder la mainmise sur le FMI, leur rappelant la responsabilité des pays développés dans le déclenchement de la crise financière.

Un certain nombre de candidats potentiels ont toutefois renoncé à se déclarer, jugeant trop infimes leurs chances de succès.

C'est donc à Agustin Carstens qu'il est revenu de contester le caractère automatique de la désignation d'un Européen à la tête du Fonds. Pugnace, il a fait valoir ses compétences d'économiste et d'ancien responsable du FMI.

LA DETTE EN ZONE EURO

La dernière inconnue majeure était la position des Etats-Unis, demeurés jusqu'à mardi neutre sur la question.

Le secrétaire aux Trésor Timothy Geithner a exprimé mardi le choix des Etats-Unis, en annonçant que Washington soutenait Christine Lagarde, saluant son "talent exceptionnel" et sa "grande expérience".

Soucieux de préserver les relations diplomatiques américaines avec les pays émergents et de maintenir en même temps une tradition qui garantit aux Américains la place de numéro un de la Banque mondiale, Washington se bornait auparavant à souligner la qualité des deux candidatures.

Timothy Geithner a d'ailleurs loué une nouvelle fois la "candidature solide et crédible" présentée par Agustin Carstens.

Répartis au prorata des contributions au FMI, les droits de vote au conseil d'administration donnent l'avantage à Christine Lagarde : l'Europe en détient 40%, les Etats-Unis 17% et la Chine, la Russie et le Brésil, trois fortes composantes des BRIC, ont annoncé leur ralliement à la Française.

Quant à l'Inde et l'Afrique du Sud, les deux autres pays du BRIC, ils n'ont rien laissé transparaître de leurs intentions.

Parmi les autres soutiens de la ministre française figurent l'Egypte, l'Arabie saoudite et les pays africains francophones, mais leur poids est marginal.

Au-delà de la simple arithmétique, la probabilité du succès de Christine Lagarde doit également à l'accentuation des tensions sur le front de la dette souveraine européenne, expliquent des responsables du Fonds.

Dans la discrétion, quelques-uns d'entre eux ont toutefois fait part de leurs inquiétudes devant l'hypothèse de la désignation d'une personnalité politique française dont le destin judiciaire n'est pas encore scellé.

Christine Lagarde pourrait faire l'objet d'une enquête pour abus d'autorité dans l'arbitrage rendu en faveur de l'homme d'affaires Bernard Tapie. La Cour de justice de la République a mis sa décision en délibéré au 8 juillet.

Selon une source proche du conseil d'administration, une solution pourrait consister à offrir à la ministre un contrat qui démarrerait une fois rendue la décision de la Cour.

Nicolas Delame et Gregory Schwartz pour le service français, édité par Danielle Rouquié