"Le Cac 40 enregistre une chute de 15% depuis le début de l’année ? Quels commentaires cela vous inspire-t-il ?
Nous ne sommes pas tellement surpris par la tendance baissière. La violence du mouvement peut en revanche paraitre surprenante. Elle s’explique, à mon sens par le fait que la majeure partie des investisseurs sont orientés dans la même direction : les gérants, les fonds de hedge fund, les banques qui gèrent des books... Aussi, lorsque les positions sont coupées, elles le sont toutes en même temps, et il n’y a personne qui se met en face. C’est ce qui crée un phénomène d’amplification massif.

Êtes-vous inquiet par la situation ?

L’inquiétude vient du fait que les banques, qui constituent le nerf de la guerre en ce qu’elles assurent le financement de l’économie réel par la distribution de crédits, sont de nouveau fortement attaquées.
Sans l’aide des banques, les banques centrales ont beau injecter toute la liquidité qu’elles souhaitent, il ne se passera bien. La liquidité mise sur le marché sera thésaurisée.
Ainsi la mise à mal des banques rend clairement les choses plus compliquées à résoudre.

Comprenez-vous cette mise à mal ?

On peut la comprendre en effet. Depuis 2008 les banques n’ont pas fait grand-chose. Elles se sont vaguement réorganisées, ont quelque peu réduit leurs couts, ont marginalement repensé leur modèle. Mais les problèmes n’ont pas été réglés de fond en comble.
En particulier, la visibilité sur la détention des créances douteuses n’est pas bonne.

Comment voyez-vous la suite des évènements. Pour beaucoup, le seuil de 4 000 points est est le niveau « dangereux » à ne pas franchir à la baisse sous peine de voir la correction accélérer sa vitesse. Or ce seuil a été dépassé...

Le seuil des 4000 points est effectivement un seuil psychologique important qui déclenche de petites ventes entre des mains pas très solides.
Assurément, il va falloir plusieurs semaines avant de pouvoir retrouver une vie normale sur les marchés. Les mauvaises nouvelles continueront à être interprétées immédiatement et sauvagement. Les bonnes nouvelles seront mises de coté.
Tant qu’il n’y a pas quelqu’un quelque part qui signe la fin de la récréation, l’agitation perdurera, le marché continuera à tester les limites.

Y a-t-il lieu de passer short agressif, ce seuil des 4000 points franchi ?

Cela me parait très dangereux. Il vaut mieux patienter. Tout au plus, y a-t-il lieu de réeallouer les portefeuilles pour les rééquilibrer. C’est ce que nous faisons tant sur un plan sectoriel que géographique.

Vous attendez-vous à ce que les banques centrales sortent l’artillerie lourde ?

Même si les banques centrales ont perdu de la puissance, elles sont les seules à pouvoir faire en sorte d’apporter un peu d’accalmie. L’effet des banques centrales sur les actions a baissé mais il reste.
Lorsque le marché est inondé de liquidité, il tient. Les banques retrouvent de la marge de manœuvre. Celles-ci pèsent 20-25% des indices. Cela relâche la pression sur le compartiment du crédit, le segment des CDS. Les vendeurs arrêtent de se couvrir n’importe comment.

Peut-on escompter une action coordonnée des banques centrales ?

Pas dans l’immédiat je le crains. Je ne vois pas comment il pourrait y avoir un accord entre la Fed et la PBOC. Les intérêts sont divergents. Il n’y aura une entente que si l’on se rapproche sérieusement du bord du précipice. J’ai bien peur que celui-ci ne soit pas à un Cac à 4000 points mais bien plus bas.
On a l’impression que ce qui est recherché par les banques centrales c’est de parvenir au meilleur taux de change effectif réel pour leur devise domestique afin d’avoir la meilleure position de force autour de la table des négociations.

Que faudrait-il pour que cette action coordonnée ait lieu ?
Le défaut d’un gros pays émergent, comme le Vénézuela qui est très fragilisé ou pire encore le Brésil, ou la déroute d’une grande société comme Petrobras ou bien encore un problème plus aigu dans le secteur bancaire.

Au-delà de l’action des banques centrales, il est nécessaire d’accentuer l’assainissement du secteur bancaire ?

Il va falloir qu’il y ait moins de banques et que donc les banques les moins solides disparaissent. Dit autrement les gouvernements vont devoir organiser la fin de vie de quelques structures qui entretiennent le doute sur tout le secteur.
Il faudrait également probablement que les banques se spécialisent. Dans un monde ultra compétitif sur tous les maillons de la chaîne de valeur il paraît difficile d’avoir autant de banques qui sont sur tous les fronts en même temps.

D’aucuns estiment que c’est le modèle de banque universelle qui a permis aux banques françaises de résister à la crise de 2008 ?
Les banques françaises ont surtout résisté grâce à l’aide de l’Etat et de la BCE.
Sans ces deux institutions leurs fragilités les auraient peut-être condamnées à des regroupements !

Vous détenez en portefeuille CASA et BNP ?

Nous pensions que les banques les plus domestiques dont le business modèle était plus tourné vers le crédit à la consommation seraient à l’écart. Cela ne s’est pas avéré exact pour le moment.

Notre choix de revenir sur CASA s’est justifié par les efforts entrepris pour réduire considérablement le profil de risque de la banque. Ceci s’est traduit par le fait qu’il n’y a plus d’investissement pour compte propre, seulement de l’intermédiation et qu’il n’y a plus de volatilité liée à la banque d’investissement.

Dans le cas où vous deviez revenir sur le marché actions, vers quels titres se dirigerait votre préférence ?

Les grandes valeurs à visibilité qui sont en mesure de générer au moins 3-5% de croissance sur les prochaines années, qui distribuent du dividende, et dont on comprend le business model à l’instar d’Airbus, Air Liquide, LVMH, Carrefour, Axa.

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