* Florence Parly déterminée à fléchir Bercy

* Le ministère des Comptes publics temporise

* Cornut-Gentille s'alarme des "incertitudes" budgétaires

* Des arbitrages qui pèseront sur la future LPM

par Sophie Louet

PARIS, 13 décembre (Reuters) - La ministre des Armées a assuré mercredi que l'hypothèse d'un déblocage des 700 millions d'euros de crédits militaires "gelés" restait ouverte, sans pour autant lever les inquiétudes sur les marges budgétaires de la Défense pour 2017 et ultérieurement.

Le député François Cornut-Gentille, spécialiste des questions de Défense et membre de la commission des Finances de l'Assemblée, s'est ainsi alarmé de "l'incertitude budgétaire" qui pèse selon lui sur les missions futures des armées et la préparation de la loi de programmation militaire 2019-2025.

Le rapporteur spécial du budget de la Défense, invité de l'Association des journalistes de Défense, a déploré l'attentisme du ministère des Comptes publics quant aux 700 millions d'euros de crédits "gelés" sur l'exercice 2017, après la suppression de 850 millions d'euros de crédits en juillet.

Florence Parly répète se battre pour leur dégel, mais l'étape de l'exécution budgétaire approche sans le moindre indice.

"Vous pouvez compter sur ma détermination pour continuer à convaincre de la nécessité d'obtenir un dégel de crédits à hauteur de 700 millions", a-t-elle réaffirmé lors de la séance des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale. "Sans préjuger de rien, je crois pouvoir dire que l'hypothèse d'un arbitrage favorable reste ouverte", a-t-elle ajouté.

"LE MINIMUM"

A Bercy, on rappelle que les dégels de crédits en réserve nécessitent de déterminer précisément l'état de l'exécution budgétaire, du déficit public et de l'exécution des recettes et des dépenses. Une "procédure classique de cette période", explique-t-on sans plus de précisions sur le sort de cette manne. "Si c'est dégelé, il faut que ce soit dégelé à temps", relève François Cornut-Gentille (Les Républicains).

Le président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat, Christian Cambon (LR), s'est lui-même irrité fin novembre de l'absence d'arbitrage sur la question et de son impact possible sur la "remontée en puissance" annoncée en 2018 : "Qu'attend le gouvernement pour sortir ces 700 millions d'euros du congélateur? Qu'ils ne soient plus consommables?"

Le budget des armées a été porté pour 2018 à 34,2 milliards d'euros de crédits, soit une hausse de 1,8 milliard par rapport à la loi de finances 2017.

"On peut avoir le sentiment d'une période plutôt positive, la progression du budget est réelle, je pense en réalité qu'on est dans une période de très grande incertitude", juge François Cornut-Gentille.

Une source au sein de la commission des Finances de l'Assemblée s'alarme des bombes à retardement budgétaires de la loi de programmation militaire 2014-2019, comme l'a relevé la Cour des comptes dans un référé rendu public le 23 novembre.

"A l'Assemblée, tout le monde pense que le budget 2018 est génial, à part les spécialistes. Ce budget, c'était le minimum pour que le tout n'explose pas", explique cette source, évoquant entre autres la sous-budgétisation des opérations extérieures dans l'actuelle LPM ou la surévaluation des recettes exceptionnelles.

"UN DOUTE SUR L'AVENIR"

Même si les 700 millions d'euros attendus sont dégelés, le report de charges de 2017 sur 2018 risque d'atteindre les 3,5 milliards d'euros, une situation inédite qui bridera toute marge de manoeuvre budgétaire.

"En vantant son budget 2016 - à juste titre -, en disant que tout allait bien, (l'ex-ministre de la Défense) Jean-Yves Le Drian a retourné une communication positive contre son propre ministère", estime cette même source.

"En procédant ainsi, vous humiliez Bercy, qui va se venger. (...) Florence Parly se traîne cette difficulté" et, rapporté à l'aune budgétaire, "son cabinet est faible", ajoute la source. "D'autant qu'à Bercy, avec la réduction des effectifs des cabinets, un seul interlocuteur s'occupe de cinq à six budgets. Avant, c'était pénible, mais il y avait des discussions, avec des spécialistes".

Au nombre des difficultés à surmonter, François Cornut-Gentille met en exergue l'explosion au dessus du plafond de 50 milliards d'euros (50,4) des "restes à payer" au 31 décembre 2016 - les autorisations d'engagement consommées (c'est-à-dire les contrats passés par la Défense) mais non couvertes par des crédits de paiement.

Une équation connue qui contraint le gouvernement à renégocier les contrats pluriannuels pour étaler dans le temps les commandes, ce qui lui impose une surcharge d'intérêts moratoires. "Pour moins dépenser, on dépense plus", grince le député LR. "En résumé, les difficultés s'accumulent et jettent plus qu'un doute sur l'avenir", estime-t-il. (avec Myriam Rivet, édité par Yves Clarisse)