* Une réforme du statut du parquet annoncée

* Misère de l'univers judiciaire, surpopulation des prisons

* Les syndicats a priori favorables

PARIS, 16 mai (Reuters) - Le nouveau gouvernement nommé mercredi aura a priori l'appui des syndicats et des principales organisations du monde judiciaire s'il tient les promesses de réformes censées donner plus d'indépendance aux procureurs et garantir l'impartialité du système.

Pourtant, le Premier ministre et la nouvelle ministre Christiane Taubira seront toujours en terrain miné, du fait de la misère et de l'archaïsme du système, classé au 37e rang par le Conseil de l'Europe pour l'effort budgétaire, avec 2,5% du budget de l'Etat, soit 7,1 milliards d'euros en 2011, dont la moitié pour la pénitentiaire.

Ils seront surtout confrontés à un monde pénitentiaire au bord de l'explosion, avec plus de 67.000 détenus pour 57.000 places au 1er avril, une surpopulation historique. Les syndicats de gardiens ont mené des actions de protestation durant une partie de la campagne.

Pendant la campagne, le Syndicat de la magistrature, classé à gauche, a appelé à voter François Hollande, tandis que l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), sans donner de consigne de vote, publiait en pleine campagne un bilan présenté comme calamiteux du quinquennat Sarkozy.

D'une manière générale, le monde judiciaire est en ébullition après cinq années de polémiques, notamment sous le premier garde des Sceaux de Nicolas Sarkozy, Rachida Dati, dont la réforme de la carte judiciaire a réduit à grands frais le nombre des juridictions de 1.206 à 819, en affaiblissant selon les syndicats le service rendu.

RÉFORME DU STATUT DU CHEF DE L'ETAT

Les péripéties des enquêtes sur des proches du pouvoir exécutif, notamment la très controversée procédure menée par le procureur de Nanterre (Hauts-de-Seine) Philippe Courroye sur l'héritière de L'Oréal Liliane Bettencourt, ont attisé les accusations de mise sous tutelle de la justice.

Une résolution signée par 126 des 163 procureurs a été publiée en décembre dernier pour demander un changement de statut.

L'avalanche de lois pénales votées au rythme de faits divers a aussi heurté le corps judiciaire.

Dans ce contexte, François Hollande a promis un retour à une indépendance totale par la justice qui s'appliquerait d'abord, a-t-il dit, au chef de l'Etat, qui verra son régime d'immunité pénale quasi-supprimé.

Il a surtout prévu de réformer le statut des procureurs, magistrats chargés de déclencher ou non les poursuites et de soutenir l'accusation, qui seraient désormais nommés après avis "conforme" du Conseil supérieur de la magistrature (CSM).

La composition du CSM serait elle-même modifiée. Cette réforme de valeur constitutionnelle n'est pas acquise car elle nécessite soit une majorité des 3/5emes au Parlement, soit un référendum.

Elle doit s'accompagner de plus d'une suppression de la Cour de justice de la République (CJR), juridiction spéciale pour les ministres.

Le nouveau président a aussi promis l'introduction de "l'action de groupe", inspirée de la "class action" à l'américaine, qui permet aux victimes d'un même préjudice sanitaire, commercial, industriel de viser par une même procédure en réparation l'auteur supposé des faits.

Ce programme très chargé risque d'être mis en oeuvre sur fond de développement des "affaires" susceptibles de mettre en cause Nicolas Sarkozy. (Thierry Lévêque, édité par Patrick Vignal)