(Actualisé avec précisions, avocat du Rwanda)

BORDEAUX, 1er juillet (Reuters) - La justice française s'est prononcée mardi en faveur de l'extradition vers le Rwanda d'Innocent Bagabo, accusé par son pays d'origine d'avoir participé au génocide de 1994, a-t-on appris mercredi de source judiciaire.

La décision définitive quant à son éventuelle extradition appartient toutefois au ministère de l'Intérieur, et, selon l'usage, elle ne devrait pas être prise tant que toutes les voies de recours n'ont pas été épuisées.

Or son avocat, Me Arthur Vercken, a indiqué à Reuters qu'il allait se pourvoir en cassation après la décision de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Poitiers (Vienne).

La décision de la cour va à contre-courant des réquisitions du ministère public.

Le parquet général avait invoqué en février dernier la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle le crime de génocide n'était pas inscrit dans le code pénal rwandais à l'époque des faits, et ne peut donc pas fonder une demande d'extradition.

D'après cette jurisprudence, si poursuites il devait y avoir, elle devraient se faire en France.

Contacté par Reuters, l'avocat du Rwanda, Me Gilles Paruelle, s'est dit "satisfait" de la décision rendue mardi.

"Je ne désespère pas que la Cour de cassation modifie la position qui est la sienne", a-t-il dit.

Tutsi par sa mère et Hutu par son père, Innocent Bagabo, 49 ans, a bénéficié du statut de réfugié politique en France où il a obtenu la nationalité française.

Accusé par la justice rwandaise d'avoir tué de ses mains, à la machette ou à la grenade plusieurs dizaines de Tutsi, y compris des enfants, pendant le génocide de 1994, il a reçu le soutien d'Amnesty International.

Son père et sa soeur ont été assassinés par les hommes du Front patriotique rwandais (FPR) aujourd'hui au pouvoir, selon son avocat.

Innocent Bagabo s'est réfugié en Tanzanie après le génocide avant de rentrer spontanément au Rwanda où il a agi aux côtés des ONG et intégré un comité de réconciliation.

"Il avait refusé quelques années plus tard de porter de fausses accusations contre des personnes suspectées d'avoir elles aussi participé au génocide, ce qui lui avait valu de se retrouver en mauvaise situation avec le pouvoir en place", dit Me Arthur Vercken.

Le génocide de 1994 a fait 800.000 morts en à peine 100 jours au Rwanda, Tutsi pour la plupart, mais aussi Hutu modérés.

Plusieurs procès de Rwandais accusés de génocide sont prévus en France en 2015 et 2016, après le premier du genre début 2014.

Pascal Simbikangwa, ancien militaire et agent des renseignements rwandais condamné le 15 mars 2014 à 25 ans de prison, doit être jugé en appel d'ici fin 2015.

Deux anciens bourgmestres rwandais seront par la suite jugés à partir de mai 2016. (Claude Canellas avec Chine Labbé)