* Recyclage de deux milliards d'euros d'une mesure censurée
* Une simplification du barème de l'impôt sur le revenu
* Une mise en oeuvre techniquement complexe (Avec précision de Christian Eckert)
par Emmanuel Jarry
PARIS, 17 septembre (Reuters) - Le gouvernement français portera à plus de trois milliards d'euros les baisses d'impôts en faveur des ménages modestes et des classes moyennes en 2015, a déclaré mercredi le secrétaire d'Etat au Budget, Christian Eckert.
Il a précisé que la suppression de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu (IR), annoncée quelques heures plus tôt par le Premier ministre, Manuel Valls, serait inscrite dans le projet de loi de finances 2015.
Quatre millions de foyers fiscaux, avec des revenus jusqu'à 1,1 fois le smic, bénéficieront déjà en 2014 d'une première réduction, a rappelé Christian Eckert lors des questions d'actualité à l'Assemblée nationale.
"Nous allons amplifier cette mesure pour la porter à plus de trois milliards d'euros" en 2015, a-t-il ajouté.
Pour financer cette mesure, le gouvernement recyclera deux milliards d'euros initialement prévus pour des baisses de cotisations salariales, censurées cet été par le Conseil constitutionnel, a-t-il confirmé sur RTL.
A quoi s'ajouteront les 1,3 milliard d'euros de la réduction d'impôt décidée pour 2014 et reconduite en 2015.
"C'est avec ces 3,3 milliards que nous faisons cette restructuration et cette simplification du bas du barème de l'IR", souligne le député socialiste Dominique Lefebvre, vice-président de la commission des finances de l'Assemblée.
Le Premier ministre entend ainsi compenser l'annulation d'une mesure censée contrebalancer les baisses de charges du pacte de responsabilité pour les entreprises et augmenter le pouvoir d'achat des ménages modestes et des classes moyennes.
UNE MISE EN OEUVRE COMPLEXE
Il a apparemment pris par surprise sa majorité et au moins une partie du gouvernement en annonçant, au lendemain de sa déclaration de politique générale, une mesure envisagée en 2009 par Nicolas Sarkozy. Son coût avait alors été évalué entre trois et cinq milliards d'euros.
Cette simplification, couplée à un renforcement de la décote accordée aux contribuables modestes, profitera en 2015 à neuf millions de ménages, dont trois millions seront ainsi "sortis" de l'impôt, six millions bénéficiant d'allègements, a précisé Christian Eckert.
Les 3,3 milliards d'euros sont déjà comptabilisés dans le
déficit public annoncé la semaine passée par le ministre des
Finances, Michel Sapin. Ils ne creuseront donc pas de "trou
supplémentaire" et les plus hauts revenus ne paieront pas non
plus pour la suppression de la première tranche d'IR, ont assuré
Christian Eckert et Dominique Lefebvre. Ce que Manuel Valls a
également promis sur i
Sous son apparente simplicité, la suppression de la tranche
à 5,5% sur les revenus imposables situés entre 6.011 et 11.991
euros s'annonce cependant techniquement complexe.
Comment éviter, par exemple, qu'elle se traduise par un
alourdissement de l'impôt pour les contribuables assujettis aux
tranches suivantes (14% de 11.991 à 26.632 euros, 30% de 26.631
à 71.397) ou un allègement pour les tranches supérieures (41% de
71.397 à 151.200 euros et 45% au-delà) ? EFFET NUL POUR LES HAUTS REVENUS
La suppression pour l'ensemble des contribuables de la
tranche à 5,5% sera compensée par un nouveau barême et une
refonte des seuils, a expliqué le secrétaire d'Etat au Budget.
Les foyers les plus aisés verront bien disparaître la
fraction correspondant aux 5,5% mais "avancer un petit peu les
autres tranches, ce qui fait que pour eux, l'effet sera nul",
a-t-il déclaré.
Pour le député socialiste Christophe Caresche, membre de la
commission des finances de l'Assemblée, d'autres problèmes
techniques se profilent cependant.
"Si vous n'êtes plus soumis à l'IR, vous échappez à d'autres
prélèvements, comme la taxe d'habitation. Est-ce que cela va
être compensé ?" demande-t-il. Une question cruciale pour les
collectivités territoriales, notamment.
Mais pour le député UMP Gilles Carrez, président de la
commission des finances, le problème principal est ailleurs :
dans le rétrécissement de la base de l'IR.
"Un pour cent des ménages payent 45% de l'IR. A force de
concentrer l'IR sur une toute petite partie des ménages, nous
sommes entrés dans une zone d'immense vulnérabilité", a-t-il dit
à Reuters. Une cause, selon lui, d'une moins-value de l'impôt
sur le revenu qu'il évalue entre cinq et sept milliards d'euros,
après cinq milliards l'an dernier.
(Avec Jean-Baptiste Vey, Elizabeth Pineau et Grégory Blachier,
édité par Yves Clarisse)