(Répétition sans changement d'une dépêche diffusée dimanche soir)

* Philippe et Collomb à Lyon pour un rapport sur l'intégration

* Le projet de loi asile et immigration au conseil des ministres mercredi

* Patronat et syndicats veulent intégrer les réfugiés à l'emploi

PARIS, 19 février (Reuters) - Une semaine décisive s'est ouverte lundi pour la politique d'asile, d'immigration et d'intégration portée par Emmanuel Macron, à l'heure où le gouvernement s'apprête à préciser dans la loi une question qui froisse des sensibilités au sein même de sa majorité.

Jugé trop répressif par la gauche, laxiste par la droite, le projet de loi "pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif" sera présenté mercredi en conseil des ministres.

L'examen du texte à l'Assemblée nationale, prévu en mars, est susceptible de donner lieu à de vifs débats au sein d'une majorité pour partie échaudée par la circulaire sur l'hébergement des migrants publiée en décembre, ou pourrait a minima trancher le débat sur son caractère "godillot".

La semaine dernière, les députés La République en marche (LaRem) se sont promis en outre de reporter sur l'examen du projet de loi les frustrations liées à l'adoption d'une proposition de loi sur la rétention des étrangers.

Lundi, le Premier ministre Edouard Philippe et le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb sont attendus à Lyon au siège territorial de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofpra), puis à la préfecture où leur sera remis un rapport du député LaRem Aurélien Taché sur la refonte de la politique d'intégration.

Volet social de la politique migratoire du gouvernement, ce rapport préconise notamment une multiplication du nombre d'heures de cours de français pour les étrangers dès l'obtention d'un titre de séjour.

Il devait également proposer des pistes pour améliorer l'insertion des étrangers sur le marché du travail, à l'heure où la France peine à y intégrer les réfugiés.

Les demandeurs d'asile ont interdiction de travailler pendant neuf mois suivant leur demande en France, contre trois mois en Allemagne ou six aux Etats-Unis, ce qui fait de la France un des pays de destination les plus restrictifs en la matière.

UN INVESTISSEMENT RENTABLE

Selon une enquête dédiée d'Eurostat de 2014, 58,4% des personnes ayant obtenu l'asile en France y travaillent. Cette part augmente à 64,5% pour les réfugiés y résidant depuis 10 ans ou plus, souligne Philippe Legrain, chercheur associé à la London School of Economics et fondateur de l'institut de réflexion Open.

En 2016, le taux d'emploi global des populations immigrées dans l'OCDE était de 67,4%, contre 55,3% en France, dans le bas du classement au côté de l'Espagne et de la Belgique.

La question de l'emploi est d'autant plus sensible que des rapports d'experts, notamment le dernier en date de l'OCDE en 2017, soulignent son caractère crucial pour l'intégration.

"On peut faire plein de cours de français et de formation professionnelle mais s'il n'y a pas d'opportunité sur le marché du travail pour les réfugiés, c'est un gâchis", note Philippe Legrain.

Dans un rapport de 2016, il estime, en s'appuyant sur des données du Fonds Monétaire International, qu'investir un euro dans l'accueil et la formation des réfugies peut générer deux euros de dividendes économiques en 5 ans.

Si le patronat se montre favorable à l'intégration de cette nouvelle main-d'oeuvre - le président du Medef Pierre Gattaz qualifiait en décembre les réfugiés de "bonne nouvelle économique" sur France Inter - les syndicats soulignent eux sa vulnérabilité, notamment pour les étrangers dépourvus de titre de séjour.

Impliquée la semaine dernière dans un mouvement de grève touchant une centaine d'employés sans papiers en région parisienne, la CGT demande ainsi le retrait d'un article du projet de loi en préparation qui menace selon eux de sanctionner ces personnes.

Selon une version provisoire du projet diffusée en janvier, l'article 16 rend en effet passible de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende "l'usage frauduleux des titres de séjour qui permettent, accompagnés d'un passeport étranger, d'entrer sur le territoire sans disposer d'un visa, de s'y maintenir et, dans la plupart des cas, d'y travailler", quand la loi en vigueur ne faisait pas de référence explicite au travail. (Julie Carriat, édité par Jean-Stéphane Brosse)