* Décès d'une patiente de 28 ans

* L'anesthésiste souffre d'alcoolémie chronique

* Le procureur demande son placement en détention (Actualisé avec placement en détention provisoire)

par Claude Canellas

BORDEAUX, 2 octobre (Reuters) - Une anesthésiste de la maternité d'Orthez (Pyrénées-Atlantiques) impliquée dans le décès d'une jeune femme à la suite d'un accouchement difficile a été mise en examen jeudi pour "homicide involontaire", apprend-on de source judiciaire.

La victime, âgée de 28 ans, avait été transférée dans un état grave à l'hôpital de Pau à la suite d'un accident d'anesthésie lors de son accouchement par césarienne dans la nuit de vendredi à samedi derniers. Elle est décédée mardi soir.

Le nouveau-né est en bonne santé.

A la suite d'une plainte du père, le parquet de Pau a ouvert une enquête qui a conduit mercredi au placement en garde à vue de l'anesthésiste, une praticienne de 45 ans d'origine belge qui avait été recrutée l'été dernier et a reconnu souffrir d'"alcoolémie chronique".

Elle a été présentée jeudi après-midi au Juge de la liberté et de la détention (JLD) et placée en détention provisoire.

Le chef d'"homicide volontaire" est aggravé du chef de "violation manifestement délibérée d'une obligation de prudence et de sécurité", qui peut valoir jusqu'à cinq ans d'emprisonnement.

"Il y a deux sources de manquement à l'obligation de prudence et de sécurité. La première concerne le choix des produits, les conditions de l'intubation de la patiente et sa ventilation", a expliqué à Reuters le procureur Jean-Christophe Muller.

"La deuxième source est le comportement de la personne. Lorsque ce médecin a été convoqué pour être entendu par la gendarmerie, elle avait un taux d'alcoolémie de 2,18 grammes d'alcool par litre de sang. Elle a reconnu avoir des problèmes d'alcoolémie chronique", a ajouté le magistrat.

VERS LA FERMETURE DE LA MATERNITÉ

Le procureur a rapproché cette information des témoignages des personnels soignants se trouvant sur place lors de l'accouchement.

"Cela nous conduit à nous interroger sur les conditions de son intervention et sur les problèmes de compréhension qu'ils ont notamment constatés. L'information judiciaire confiée à un juge d'instruction permettra de dire si elle était sous l'emprise de l'alcool au moment des faits", a dit Jean-Christophe Muller.

L'Agence régionale de santé (ARS) d'Aquitaine avait annoncé lundi la fermeture temporaire de la maternité, déjà en sursis faute de gynécologues-obstétriciens suffisants. Quelque 800 personnes ont manifesté samedi dernier pour réclamer son maintien.

L'avenir de l'établissement paraît aujourd'hui fortement compromis.

"C'est une maternité pour laquelle des réflexions étaient engagées. Donc l'avenir de cette maternité dépendra des analyses qui pourront être faites et réalisées à partir de cet accident", a déclaré jeudi la ministre de la Santé Marisol Touraine.

"Il faut évidemment pouvoir garantir l'accès des femmes dans les meilleures conditions possibles, c'est-à-dire dans les conditions de proximité, mais cela ne peut jamais se faire au détriment de la sécurité", a-t-elle ajouté devant la presse avant une réunion du gouvernement à Matignon.

Jeudi matin, le directeur de l'ARS Aquitaine Michel Laforcade, qui avait diligenté une enquête après que l'hôpital d'Orthez, où se trouve la maternité, eut signalé l'accident au procureur, a dit sur France Bleu Béarn son souhait de voir le service définitivement fermé.

Comme la règlementation le prévoit, "une commission spécialisée de l'organisation des soins se réunira vendredi pour prendre la décision", a dit à Reuters le service de communication de l'ARS. (Avec Elizabeth Pineau à Paris, édité par Sophie Louet)