Les marchés européens ont encore mis le pied sur le frein hier, sans trop s’éloigner des fameux records dont tout le monde parle depuis quelques jours. Comme la veille, je n’en dirai pas plus sur les places du vieux continent qui ont clairement décidé de se laisser porter par le cousin américain pour terminer l’année. Encore plus que d’habitude, je veux dire. On y avait pourtant cru il y a quelques jours, au réveil de la vieille Europe, toute ragaillardie par la découverte que, peut-être, la BCE allait pouvoir se permettre de brûler la politesse à la Fed en lançant le grand spectacle des baisses de taux. Ça a fonctionné deux, trois jours et puis ça a fait flop et on se retrouve une fois de plus à la ramasse des Yankees.

Le maître de cérémonie Jerome Powell, officiait justement hier soir. Comme d’habitude, son one-man-show va éclipser ceux de Christine Lagarde pour la BCE, Andrew Bailey pour la Banque d’Angleterre, Thomas Jordan pour la Banque nationale suisse et Ida Wolden Bache pour la Banque de Norvège. Car ces quatre banques centrales rendront aujourd’hui ce qui sera leur dernière décision de politique monétaire 2023, sauf cataclysme planétaire dans les quinze jours qui viennent (ne riez pas, on était aussi insouciants le 19 février 2020). Au pire des cas, ils pourront faire une petite coinche en déblatérant sur ce qu’a dit Jerome Powell la veille.

Justement, qu’a-t-il dit, Jay ? Je suis toujours partagé dans ces moments entre me dire "je vais encore écrire un truc que j’ai écrit 160 fois depuis trois ans, est-ce que les lecteurs vont s’en rendre compte ?" et "je vais utiliser une ficelle grossière de mon arsenal de ficelles grossières pour expliquer". Eh ben même pas ! Par chance, je ne vais pas voir à trop me répéter cette fois : il s'est passé quelque chose d'un peu différent hier soir. Powell a implicitement reconnu que le pic de taux de la Fed est passé (le marché savait que la Fed le savait mais qu'elle faisait semblant de faire croire le contraire). Il a aussi ouvert la voie à des baisses de taux l'année prochaine, en adoptant un ton "pro-croissance" plus marqué que ce que prévoyait le marché. Le graphique en points qui résume les pronostics des propres membres de la banque centrale pour les taux pointe sur 75 points de base de baisse en 2024. C'est un peu moins que ce que prévoit le marché (110 points), mais cela suffit à démontrer que les banquiers centraux ont clairement pivoté. D'ailleurs, la Fed a révisé en baisse ses anticipations d'inflation de base pour 2023, 2024 et 2025.

Pour résumer, les planètes s'alignent sur le scénario "ciel bleu" voulu par les marchés, c’est-à-dire une Fed qui va entamer son cycle d'assouplissement monétaire, en l'accélérant au besoin si l'économie chancelle. L'outil FedWatch du CME pronostique à 88% une première baisse de taux en mars, alors que la probabilité n'était que de 41% la veille et de 10,5% un mois plus tôt. Les rendements obligataires américains sont descendus par l'ascenseur plutôt que par l'escalier, avec une échéance 10 ans à moins de 4%, une première depuis le mois de juillet dernier, pendant que les trois gros indices gagnaient plus de 1%, permettant au passage au Dow Jones de passer le cap des 37 000 points pour signer un nouveau record historique. Le S&P500 et le Nasdaq devront encore patienter un peu, mais le zénith se rapproche. J'ajoute au trio ce matin l'indice des valeurs moyennes américaines, le Russell 2000, dont nous parlons régulièrement parce qu'il est en général le principal bénéficiaire de ces phases de changement de paradigme monétaire. Et de fait, il a bondi hier de 3,5%, signe d'un appétit toujours fort des investisseurs pour ce compartiment.

Dans le reste de l'actualité, la COP28 a accouché d'un accord un peu plus ambitieux que ce qui avait semblé se dessiner lundi. Il a été décidé d'une transition vers l'abandon des énergies fossiles, qui sont apparemment évoquées dans leur ensemble pour la première fois dans un texte final, alors que seul le charbon avait jusqu'ici été formellement brocardé. Aux Etats-Unis, le congrès a approuvé l'ouverture d'une enquête en destitution de Joe Biden à cause des affaires réalisées par son fils à l'étranger. Le projet n'a toutefois quasiment aucune chance d'aboutir, même s'il contribue à polariser un peu plus les factions à moins d'un an de l'élection présidentielle américaine. En Europe, les eurodéputés sont parvenus à s'entendre sur la réforme du marché européen de l'électricité, histoire de disposer d'un écosystème plus serein et moins volatil pour les consommateurs.

Côté sociétés, Vivendi a fait part hier soir de son souhait de se scinder en trois entités cotées. Une sorte de retour à des choses déjà vues, puisqu'Havas et Canal+ pourraient retrouver le chemin de la bourse. La troisième division serait plus fourre-tout, mais avec les parts dans Lagardère. En Chine, Country Garden Holdings est apparemment parvenue à honorer une échéance. Pourquoi celle-là ? Pourquoi maintenant ? Je l'ignore, mais l'annonce a fait un peu reculer le spectre des faillites immobilières en cascade dans le pays. Pour terminer, un mot des Etats-Unis où le Nasdaq a connu des dysfonctionnements techniques qui ont affecté les échanges et fait apparemment perdre quelques ordres à des intermédiaires.

On pouvait s'attendre à une vague verte en Asie Pacifique, mais ce n'est pas le cas. La faute au Japon au rebond du yen, qui entraîne le Nikkei 225 en baisse de 0,7% ce matin. Toujours dotée d'une sorte de dynamique propre, la Chine continentale baisse aussi. Hong Kong reprend 0,8% avec les secteurs immobilier et technologique. Les autres marchés ont une réaction plus rationnelle face aux annonces de la Fed : les gains dépassent 1% en Corée du Sud, à Taïwan et en Inde. Mention spéciale à l'Australie où l'ASX200 termine en hausse de 1,65%. Les indicateurs avancés européens sont haussiers en attendant les annonces des différentes banques centrales, qui ne devraient pas briser la dynamique héritée des Etats-Unis. Le CAC40 démarre la séance en hausse de 1,2% à 7635 points, nouveau pic pour l'indice. Le SMI gagne 0,3% à 11 189 points. Le Bel20 est en hausse de 1,8% à 3772 points.

Les temps forts économiques du jour

La journée a débuté avec la production industrielle au Japon (5h30), suivie par une salve de banques centrales : la BNS à 9h30, la BoE à 13h00 et la BCE à 14h15. Enfin, aux Etats-Unis, les nouvelles demandes d'allocations de chômage (14h30), les ventes au détail (14h30) et les stocks d'entreprises (16h00) seront disponibles. Tout l'agenda ici.

L'euro remonte 1,0898 USD. L'once d'or rebondit à 2031 USD. Le pétrole se stabilise, avec un Brent de Mer du Nord à 74,53 USD le baril et un brut léger américain WTI à 69,65 USD. Le rendement de la dette américaine sur 10 ans chute à 3,98%. Le bitcoin recule remonte à 42 800 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Accelleron Industries: Deutsche Bank maintient sa recommandation d'achat et relève l'objectif de cours de 29 CHF à 30 CHF.
  • Accor: JP Morgan maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours réduit de 39 à 38 EUR.
  • Ageas: Morningstar passe de conserver à acheter avec un objectif de cours relevé de 37 EUR à 64,50 EUR.
  • Ams-Osram: Jefferies passe de conserver à acheter avec un objectif de cours réduit de 4,60 CHF à 2,70 CHF.
  • Aperam: JP Morgan maintient sa recommandation de souspondérer et relève l'objectif de cours de 20 à 24,70 EUR.
  • Arcelormittal: JP Morgan passe de neutre à surpondérer avec un objectif de cours relevé de 20 à 30 EUR.
  • Bbva: Renta 4 SAB passe de surperformance à performance de marché avec un objectif de cours relevé de 8,39 à 8,90 EUR.
  • Brunello Cucinelli: Mediobanca maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours relevé de 86 à 89 EUR.
  • Carl Zeiss Meditec: Landesbank Baden-Wuerttemberg passe de acheter à conserver avec un objectif de cours réduit de 112 EUR à 100 EUR.
  • Crédit Agricole: Societe Generale passe de conserver à acheter avec un objectif de cours relevé de 12,20 EUR à 13,50 EUR.
  • Edenred: JP Morgan maintient sa recommandation de surpondérer avec un objectif de cours relevé de 69 à 72 EUR.
  • Elior Group: JP Morgan passe de souspondérer à neutre avec un objectif de cours relevé de 2,30 EUR à 3 EUR.
  • Getlink: HSBC maintient sa recommandation d'achat et relève l'objectif de cours de 18,20 à 19 EUR.
  • Inditex: Mediobanca maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours relevé de 33 à 36 EUR. Telsey Advisory Group maintient sa recommandation de performance de marché avec un objectif de cours relevé de 38 à 40 EUR.
  • Logitech International: Goldman Sachs maintient sa recommandation d'achat et relève l'objectif de cours de 78 à 87 CHF.
  • Lvmh: Société Générale maintient sa recommandation d'achat et relève l'objectif de cours de 790 à 832 EUR.
  • Opap: JP Morgan maintient sa recommandation de surpondérer avec un objectif de cours relevé de 18,50 à 20 EUR.
  • Publicis Groupe: Citi passe d'achat à neutre avec un objectif de cours réduit de 100 EUR à 90 EUR.
  • Sodexo: JP Morgan maintient sa recommandation neutre avec un objectif de cours relevé de 110 à 115 EUR.
  • Vinci: Société Générale maintient sa recommandation d'achat et relève l'objectif de cours de 127,90 à 136 EUR.

En France

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Vivendi envisage une scission en trois entités cotées en bourse : Havas, Canal+ et une société d'investissement comprenant Lagardère.
  • Carrefour a été durement affecté hier par l'annonce de la dévaluation du peso argentin. Le pays pèse 4% des revenus annuels du distributeur.
  • Arkema acquiert Arc Building Products en Irlande.
  • Air France-KLM tient aujourd'hui une journée investisseurs.
  • Seb tient aujourd'hui une journée investisseurs.
  • Le plan d’actionnariat salarié de Vallourec entraîne une dilution de 0,21% pour 5115 participants.
  • Gecina renforce son conseil d’administration.
  • Onepoint monte à 11,4% du capital d'Atos et réclame une amélioration du projet de scission.
  • Rallye a déposé un recours suspensif contre la sanction de l’AMF.
  • Fnac Darty a renégocié une ligne de crédit pour allonger sa maturité et étend sa ligne DDTL non tirée.
  • BOA Concept va racheter jusqu'à 1 M€ d'actions.
  • Obiz émet 4 M€ d'obligations Relance avec Audacia.
  • Nicox publie de nouvelles données non cliniques sur le NCX 470, démontrant une réduction plus efficace de la pression intraoculaire comparé au Lumigan.
  • Le petit coin de la dilution : Acheter-Louer obtient un prêt de 1,5 M€ à 15% d'intérêts plus un nantissement sur ses filiales de la part de RETO, faute de pouvoir exercice son financement dilutif.
  • Les principales publications du jour : Focus, Hunyvers, Graines Voltz, Innelec, Haffner...

Dans le vaste monde

Résultats des entreprises (les commentaires sont donnés à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres, sauf pour les échanges post-séance aux Etats-Unis, qui reflètent normalement bien la tendance)

  • Adobe, confronté à des problèmes antitrust, prévoit un chiffre d'affaires inférieur à ses estimations. Le titre perdait 5% hors séance.
  • Brunello Cucinelli estime que la croissance de son chiffre d'affaires en 2023 sera supérieure à 20%.
  • Bunzl prévient d'une baisse potentielle du chiffre d'affaires du groupe pour l'exercice 2023.
  • Serco confirme ses prévisions de chiffre d'affaires pour l'exercice 2023.

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Farfetch en pourparlers avec Apollo Global pour un accord de sauvetage, selon Sky News.
  • UBS fait la chasse aux centaines de millions de primes en espèces versées par le Crédit Suisse à ses traders pour les convaincre de ne pas quitter le navire avant la chute.
  • Apple doit faire face à une ordonnance antitrust de l'UE sur les règles de l'App Store.
  • Tesla rappelle 2 millions de véhicules pour mettre à jour l’Autopilot.
  • Walt Disney et Comcast augmentent leurs dépenses publicitaires sur Instagram après avoir abandonné X.
  • Shell acquiert 100% du champ de Kaikias dans le golfe du Mexique.
  • Berkshire Hathaway achète 589 M$ d'actions d'Occidental Petroleum
  • Neuberger Berman, actionnaire de Cedar Fair, s'insurge contre la fusion de 8 Mds$ avec Six Flags.
  • Leonardo et le consortium franco-allemand KNDS créent une alliance pour les chars d'assaut.
  • SMA Solar Technology va construire un site de production aux États-Unis.
  • Le président de Telecom Italia envisage de se retirer alors que Vivendi prépare une action en justice contre l'accord sur le réseau de téléphonie fixe.
  • Deutz reprend divers moteurs industriels de Rolls Royce Power Systems.
  • L'ancien patron de BP Plc, Bernard Looney, devra renoncer à 32 millions de livres sterling pour mauvaise conduite.
  • Les principales publications du jour : Costco, Lennar, Jabil, BunzlTout l’agenda ici.

Lectures