par Randall Palmer et Andrea Hopkins

OTTAWA/TORONTO, 23 octobre (Reuters) - De vives critiques se sont élevées mercredi au Canada contre les conditions de sécurité dans la capitale Ottawa, où un homme armé s'est introduit à l'intérieur du parlement et est parvenu très près du Premier ministre Stephen Harper avant d'être abattu.

Le fait que le tireur ait pu pénétrer dans le bâtiment pendant qu'une réunion aussi importante s'y tenait, après avoir selon les médias locaux abattu un soldat près du mémorial de la guerre tout proche, interroge les experts.

Parliament Hill est "un symbole du pays et on aurait été en droit de s'attendre à ce que ce soit l'une des cibles les plus difficiles à atteindre. Il est donc particulièrement préoccupant que cela ait pu se produire", commente David Harris, consultant en sécurité et ancien agent des services de renseignement canadiens.

"Il ne semble pas y avoir beaucoup d'obstacle pour pouvoir entrer dans le parlement", constate-t-il.

Fait aggravant: la fusillade de mercredi s'est produite deux jours après une autre attaque, commise par un homme converti à l'islam qui a renversé à l'aide de sa voiture deux soldats près de Montréal et au lendemain de l'annonce par le gouvernement du relèvement du niveau d'alerte antiterroriste.

Alors que depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, la plupart des pays occidentaux ont renforcé les mesures de sécurité autour des bâtiments officiels, le parlement d'Ottawa était jusqu'à présent resté assez facile d'accès pour le grand public.

Pour pénétrer dans le bâtiment principal, le Centre Block, où se trouvent les deux chambres du parlement et les bureaux du Premier ministre, il suffit littéralement de pousser la porte d'entrée.

LE RENSEIGNEMENT EST LA CLÉ

Des gardes se trouvent bien de l'autre côté, mais il n'y a ni portique de sécurité ni barrière pour empêcher un éventuel assaillant de se précipiter dans les couloirs ornés de marbre.

Le personnel parlementaire ou les visiteurs accrédités, comme les journalistes, peuvent entrer dans le bâtiment sans contrôle supplémentaire. Les autres doivent passer par une autre porte équipée d'un détecteur de métaux.

"La fusillade d'Ottawa va sans aucun doute inciter à durcir les mesures de sécurité et à restreindre l'accès", estime Paul Pillar, un ancien agent de la CIA qui enseigne à l'université Georgetown de Washington.

Le problème de la sécurité autour du parlement d'Ottawa n'est pas nouveau.

En 2012, un rapport du Bureau du vérificateur général du Canada avait pointé du doigt les flottements en la matière, résultant notamment du fait que la zone est placée sous la responsabilité de quatre services de police et de sécurité différents.

Certains des problèmes mis en avant par ce rapport n'ont toujours pas été corrigés aujourd'hui.

Pour certains experts, la solution n'est cependant pas de transformer tel ou tel bâtiment en camp retranché, mais plutôt de renforcer les moyens des services de renseignement pour leur permettre de déjouer ce type d'attaques.

"Si vous renforcez la sécurité autour d'une cible, ils (les terroristes) en choisiront une plus facile", souligne Christian Leuprecht, expert en sécurité au Collège militaire royal du Canada. "Réfléchir uniquement en termes de sécurité physique revient à passer à côté du principal problème qui est de savoir comment assurer efficacement la sécurité."

(Tangi Salaün pour le service français) )