Depuis quelques jours, toutes les raisons sont bonnes à prendre pour broyer du noir. Après la chute du pétrole, le ralentissement de la Chine et des Etats-Unis, maintenant voilà que les craintes se portent désormais sur les banques ou encore sur les valeurs technologiques. Les marchés ne croient plus à une reprise de la croissance mondiale. Les « esprits animaux » prennent le dessus et les investisseurs sombrent dans l'exagération et l'irrationnel.

Il est vrai que les banques se cherchent. Elles ont besoin de renouveler leur business model pour être en phase avec l'apport du numérique mais elles restent solides et dégagent de confortables résultats. De même, les startups, parties sur les chapeaux roues, nécessitent des ajustements mais leurs perspectives de croissance sont réelles.

En Chine, les autorités locales ont du mal à communiquer mais leurs objectifs de long terme sont clairement identifiés. La phase de transition menée afin de développer le secteur des services au détriment de l'industrie commence à porter ses fruits avec des pans de l'économie qui s'en trouvent déstabilisés. Mais pouvait-il en être autrement ? On n'abandonne pas un secteur au profit d'un autre sans dommage collatéral.

Aux Etats-Unis, s'il est vrai que l'économie commence à montrer des signes d'essoufflement après six ans de croissance discontinue, reste que le potentiel au niveau du secteur des services demeure. De même, rappelons que les mesures prises par la Federal Reserve pour sortir le pays de la crise de 2008 ont fonctionné. Les trois Quantitative Easing lancés successivement entre 2008 et 2014 ont permis de relancer la machine économique. L'activité américaine est peu à peu repartie, le chômage a régressé. La confiance des ménages et des entreprises est venu en soutien de la croissance.

Le début de la fin annoncée par les marchés

Mais, si la déprime boursière se confirme, les marchés vont finalement avoir raison induisant des phénomènes auto-réalisateurs. Un éventuel krach boursier ne serait sans conséquence sur l'économie réelle. La contamination passera par les ménages américains. Lorsque les bourses vont plier, leur richesse diminueront et avec elle, leur envie d'y croire et de dépenser. Les deux tiers de la croissance américaine sont engendrées par les dépenses des ménages. Si les américains consomment moins, les chinois produiront encore moins et les effets de compression et de contagion se diffuseront par le commerce mondial.

La zone euro, « les promesses de l'aube » évanouies

La zone euro, à peine sortie la tête de l'eau, verra son économie sombrer de nouveau dans une croissance sans allant. Pourtant, le contre-choc pétrolier cumulé à la faiblesse de l'euro et les taux d'intérêt bas constituaient ensemble un contexte conjoncturel inédit et rarement égalé pour soutenir l'activité de l'économie européenne. 2016 devrait être l'année du rebond européen. L'investissement allait enfin sortir la tête de l'eau grâce à l'octroi de crédits facilité par le système bancaire. Déjà, la BCE se félicitait du bien-fondé de sa politique monétaire non-conventionnelle lancé en mars 2015 et annonçait vouloir en faire davantage dès mars prochain. Mais, ce qui marche pour les uns, ne fonctionne pas forcément pour les autres. La conduite des actions de la BCE n'arrive plus à convaincre et les effets stimulants de sa politique sur les marchés boursiers se délitent.

Les marchés ont fini, en effet, par douter de l'efficacité des quantitative easing qui risquent de se transformer peu à peu en pierre d'achoppement contre laquelle les indices boursiers vont invariablement buter. A la décharge des marchés, leurs craintes proviennent peut-être aussi de l'incapacité de la zone euro à se renouveler et à remettre à plat les modèles du passé pour envisager à l'unisson les voies de la croissance pour demain. A quoi, en effet, des liquidités supplémentaires serviraient-elles si les perspectives de développement ne sont pas au rendez-vous ?

Les marchés financiers ont su miser sur le rebond de la croissance américaine depuis fin 2009 mais semblent aujourd'hui avoir du mal à envisager une réelle reprise en zone euro sans le soutien des Etats-Unis et de la Chine. Et même l'injection massive de liquidités n'arrive plus à stimuler l'enthousiasme. La capacité de la zone euro à prendre seul le relais de la croissance des deux premières puissances économiques qui s'essouffle semble peu probable.

Heureux qui comme les Etats-Unis ont connu les bienfaits de la croissance pendant plus de six ans. En zone euro, alors que la crise est venue d'outre-Atlantique, les perspectives restent conditionnées aujourd'hui à la capacité de la bourse américaine à ne pas sombrer trop rapidement dans le rouge. Les 10% de la population européenne au chômage qui pouvaient entrevoir un espoir de retour à l'emploi vont pour la plupart être empêchés par une croissance qui n'arrivera pas à renaître de ses cendres. Tel semble être le scenario économique que prévoient aujourd'hui les marchés financiers pour 2016.

La Sté GIE Humanis Fonctions Groupe a publié ce contenu, le 11 février 2016 et est seule responsable des informations qui y sont renfermées. Les contenus ont été diffusés non remaniés et non révisés, le 11 février 2016 12:28:22 UTC.

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