PARIS, 15 novembre (Reuters) - La résistance de la croissance au sein de la zone euro au troisième trimestre n'a pas empêché un regain de tension sur les dettes souveraines européennes, les investisseurs s'inquiétant des perspectives d'affaiblissement de l'activité en termes réels mais plus encore en termes nominaux au sein du bloc.

Les écarts entre les rendements des emprunts d'Etat des pays dits périphériques (Grèce, Irlande, Italie, Portugal, Espagne) et le Bund allemand considéré comme le plus sûr au sein de la zone euro se sont à nouveau élargis. Mais le mouvement a aussi concerné la Belgique, la France ou l'Autriche, la signature triple A de ces deux derniers pays auprès des agences de notation apparaissant de plus en plus fragile.

Graphique de l'évolution des spreads des "périphériques" depuis début septembre :


Graphique de l'évolution des spreads de la France, de l'Autriche et de la Belgique :


L'affaiblissement attendu de la croissance en zone euro est susceptible d'exacerber la dynamique défavorable de la dette dans certains pays. Moins de croissance implique le déclenchement des "stabilisateurs automatiques" liés à de moindres rentrées fiscales et à une augmentation des déficits sociaux avec la dégradation des marchés de l'emploi, qui accroît les déficits publics, lesquels alimentent la dette à moins que des mesures correctrices soient prises. Mais ces mesures d'austérité sont elles-même susceptibles de contribuer au ralentissement de l'activité.

PERTE DE COMPÉTITIVITÉ

Pour ne rien arranger, la dynamique de dette est liée à la croissance nominale et la dérive des ratios dette publique/PIB aurait été sensiblement plus marquée dans certains pays sans l'effet de la hausse des prix qui, tout en restant contrôlée à l'échelle de la zone euro dans le cadre du mandat statutaire de la BCE, a connu des évolutions très contrastées d'un pays membre à l'autre, comme l'illustre par exemple la comparaison des indices des prix de l'Italie, de la France et de l'Allemagne.

Graphique comparant les indices des prix des trois pays :


L'Italie affiche ainsi une performance impressionnante en termes nominaux comparée à l'Allemagne.

Le produit intérieur brut de l'Italie aux prix courants a en effet progressé de près de 50% depuis l'introduction de l'euro à la fin des années 1990, quand la progression de celui de l'Allemagne a été d'à peine 30%. Pour la France, la hausse est de 44% sur la période.

En termes réels, les performances de l'Italie et dans une moindre mesure de la France sont beaucoup moins spectaculaires : l'économie italienne a à peine crû sur la période et son PIB réel est sensiblement inférieur à son niveau d'avant le déclenchement de la crise financière de 2008-2009. La France fait plus ou moins jeu égal avec l'Allemagne, qui a toutefois dépassé le niveau de PIB réel qui prévalait avant la crise, quand la France ne l'a pas encore retrouvé...

Graphique de l'évolution comparée des PIB en termes nominaux et réels en Allemagne, France et Italie depuis début 1999 :


Le maintien d'une inflation plus soutenue en Italie ou en France qu'en Allemagne pourrait certes favoriser la maîtrise de leur ratio d'endettement public mais cette dynamique des prix a contribué à la perte de compétitivité des économies française et italienne, notamment par rapport à l'économie allemande.

L'évolution comparée des coûts salariaux unitaires dans les différents pays permet d'en apprécier l'ampleur, et par conséquent de jauger l'effort qui devra être consenti pour revenir à la dure réalité de la croissance et de la dette en termes réels.

Graphique de l'évolution des coûts salariaux unitaires en Allemagne, France et Italie depuis 1998:


C'est aussi cela que mesure l'écartement des spreads avec l'Allemagne. (Marc Joanny, édité par Dominique Rodriguez)