2 septembre (Reuters) - La baisse continue des taux d'intérêt à long terme aux Etats-Unis depuis le début de l'année est allée à l'encontre des anticipations de marché et si la courbe des taux américaine s'est aplatie avec le relèvement des taux courts, plusieurs facteurs continuent de peser sur la hausse des rendements obligataires.

L'accélération de la reprise américaine et les signaux envoyés par la Réserve fédérale sur la sortie progressive de sa politique monétaire ultra-accommodante ont alimenté un consensus de marché à partir du début de l'année sur une remontée progressive des taux américains.

Le mouvement s'est effectivement réalisé sur la partie courte de la courbe - non sans volatilité - et a contribué à l'appréciation du dollar notamment contre l'euro en raison de la forte corrélation entre l'évolution du change et de l'écart des rendements européens et américains sur les échéances à deux ans.

Graphique sur l'évolution du rendement des Treasuries à deux ans depuis le début de l'année : http://bit.ly/1Cn0aEE

Graphique sur l'évolution de l'EURUSD et de l'écart de rendement Bund-Treasuries à deux ans : http://bit.ly/1qxaow1

Dans le même temps, le rendement des Treasuries à dix ans est passé de près de 3% en début d'année à moins de 2,35% actuellement tandis que sur les échéances à 30 ans il a cédé presque 100 points de base pour tomber à peine à plus de 3% actuellement.

Graphique sur l'évolution des rendements des Treasuries à 10 ans et 30 ans depuis le début de l'année: http://bit.ly/W6QNrI

NE PAS CAPITULER TROP VITE

Plusieurs facteurs peuvent expliquer a posteriori ce recul des taux longs depuis le début de l'année: une croissance américaine plus faible que prévu au premier trimestre, la demande d'obligations américaines par les investisseurs du fait de la forte croissance de la liquidité mondiale et plus récemment la recherche de valeurs refuges avec la montée des tensions géopolitiques, notent les analystes d'Exane BNP Paribas et de Natixis.

"Les rendements à long terme des Treasuries sont sur une tendance baissière depuis le début des années 80 cohérente avec celle des anticipations d'inflation", relève aussi Pierre-Olivier Beffy responsable de la recherche économique d'Exane BNP Paribas.

"Pour nous, c'est le crédit qui fait la monnaie et tant que le secteur privé se désendette, la croissance du crédit sera modérée et l'inflation structurelle sera faible."

Depuis la crise financière, il y a un facteur additionnel qui pousse les rendements à long terme à la baisse, c'est le surplus d'épargne à l'échelle globale, ajoute-t-il.

Pour lui, l'aplatissement de la courbe des taux américaine va se poursuivre avec la hausse des taux courts mais il y a un risque que les taux à 10 ans ne remontent pas significativement comme lors de la période 2004-2006 où ils étaient demeurés stables en dépit d'une remontée de 300 points de base des rendements à deux ans.

Il souligne que les pressions inflationnistes devraient rester contenues avec l'excédent d'offre à l'échelle mondiale sur le marché du travail.

Par ailleurs, l'accélération attendue de la croissance mondiale ne sera pas suffisante pour absorber les excédents d'épargne. Enfin, l'arrêt prochain des rachats d'actifs de la Réserve fédérale pourrait coïncider avec un nouvel assouplissement quantitatif au Japon et de nouveaux assouplissements monétaires en Chine et au sein de la zone euro.

"En net, cela signifie que les banques centrales garderont une orientation accommodante et exerceront une pression à la baisse sur les rendements à long terme."

Les investisseurs ne doivent pas capituler trop vite sur les taux longs américains, prévient toutefois Tristan Abet, stratégiste de Louis Capital Market qui estime le plancher du rendement des Treasuries à 30 ans à 3%.

"C'est un peu la même petite musique qu'au printemps dernier quand le passage en positif de la balance courante de la zone euro avait été présentée comme un nouveau paradigme" expliquant la résistance à la baisse de la devise européenne, écrit-il dans une récente note de recherche.

"Comme les positions courtes sur l'euro contre dollar se sont révélées gagnantes à la fin, nous nous attendons à un résultat similaire pour les positions courtes sur les obligations américaines."

Il recommande ainsi de vendre la courbe des taux américains avant les prochains chiffres de l'emploi aux Etats-Unis, qui seront publiés vendredi et qui devraient surprendre, selon lui par leur vigueur.

Sources :

*The easy listening song. Louis Capital Markets. 1er septembre 2014

*Pourquoi les taux d'intérêt à long terme sont-ils beaucoup plus bas que ce qui était anticipé par les marchés financiers ? Flash Marchés. Natixis. 28 août 2014

*The bond market conundrum. Global Macro Thoughts. Exane BNP Paribas. 25 août 2014 (Marc Joanny, édité par Jean-Michel Bélot)