* Des journalistes mis en cause

* SOS Racisme demande l'ouverture d'une enquête

* Des membres du gouvernement soutiennent les victimes (Actualisé avec Les Inrockuptibles, Brain Magazine, Nouvelles Ecoutes)

PARIS, 11 février (Reuters) - Libération a mis à pied deux journalistes et Les Inrockuptibles ont engagé une procédure de licenciement contre un rédacteur en chef, après la révélation de leur participation à un groupe accusé d'avoir harcelé des dizaines de personnes sur Internet.

Parallèlement à la mise à pied "à titre conservatoire" d'Alexandre Hervaud (service Internet) et de Vincent Glad (collaborateur), une enquête les concernant a été lancée à Libération, a précisé la société des journalistes du quotidien.

Cette mise à pied "ne préjuge en rien d'une culpabilité quelconque" des journalistes, a déclaré lundi le directeur de la rédaction de Libération, Laurent Joffrin, au quotidien Le Monde.

La procédure de licenciement pour faute grave engagée contre David Doucet s'accompagne d'une mise à pied, a-t-on appris auprès des Inrockuptibles.

Vincent Glad a expliqué sur Twitter avoir créé le groupe Facebook "La ligue du LOL", dont des membres se sont adonnés au début des années 2010 à des pratiques qualifiées aujourd'hui de harcèlement pas certains de leurs auteurs.

Certaines de leurs cibles ont dénoncé ces derniers jours des entraves à leur carrière et un dénigrement systématique et coordonné de la part de membres du groupe ou de leur entourage, étayant leurs témoignages de photos de messages violents.

Des femmes, notamment journalistes ou blogueuses féministes, semblent avoir été particulièrement visées.

Vincent Glad a assuré que l'objectif du groupe "n'était pas de harceler des femmes. Seulement de s'amuser. Mais rapidement, notre manière de s'amuser est devenue très problématique". "On parlait de trolling, c'était du harcèlement", a-t-il ajouté.

"PARMI LES BOURREAUX"

Dans un autre message d'excuses, Alexandre Hervaud déclare n'avoir "aucune responsabilité dans des faits graves (usurpation d'identité, canulars, menaces...) évoqués par certains".

David Doucet a quant à lui fait part de son "effroi" d'avoir pris conscience qu'il comptait "parmi les bourreaux".

Brain Magazine, avec lequel Vincent Glad travaille également, a annoncé suspendre sa collaboration avec lui "car continuer à faire bosser des gens qui ont participé, facilité ou laissé faire ce système de harcèlement, ce serait le cautionner".

Le studio de podcast Nouvelles Ecoutes a annoncé mettre fin à sa collaboration avec un quatrième membre du groupe, Guilhem Malissen, expliquant ne pouvoir "tolérer de voir notre entreprise et nos podcasts associés à des actes sexistes, racistes, grossophobes ou homophobes".

Guilhem Malissen a expliqué sur Twitter qu'il n'avait à l'époque "pas conscience de harceler". "J'en ai honte aujourd'hui", écrit-il.

Christophe Carron, rédacteur en chef du site Internet Slate, s'est quant à lui dit "désolé" d'avoir fait partie de ce groupe. "Je crois n'avoir nui socialement ou professionnellement à personne, ni harcelé quiconque", a-t-il précisé dans un autre message.

Stephen des Aulnois a pour sa part reconnu avoir participé au groupe "dont les actions répétées sont du harcèlement" et annoncé son retrait du poste de rédacteur en chef d'un magazine pornographique sur Internet.

SOS RACISME DEMANDE UNE ENQUÊTE

L'association SOS Racisme a annoncé avoir procédé à un signalement auprès du parquet de Paris afin qu'une enquête préliminaire soit ouverte sur des agissements qu'elle qualifie "de harcèlements à caractère sexiste, homophobe ou raciste".

Fustigeant dimanche "des lâches et des harceleurs", le secrétaire d'Etat au Numérique, Mounir Mahjoubi, a "invité les victimes à rendre publics les faits, même prescrits, et pour ceux non prescrits à déposer plainte".

La secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, Marlène Schiappa, a dit sa solidarité avec les "blogueuses et journalistes qui ont eu à subir le harcèlement sexiste de la #LigueDuLol".

"Ce n’est pas 'Internet' qui est impitoyable, c’est ce qu’on en fait", a-t-elle écrit sur Twitter.

L'organisation de défense des journalistes, Reporters sans frontières, a déclaré que "celles et ceux qui couvrent les sujets sur les femmes sont les premières victimes du cyber-harcèlement. Navrant que des journalistes s'y prêtent".

LOL est l'acronyme de "laugh(ing) out loud" (rire bruyamment), utilisé sur Internet pour marquer une intention humoristique ou sarcastique. (Jean-Baptiste Vey, édité par Yves Clarisse)