Le sellier a choisi en 2008 de créer de toute pièce une marque alliant la création contemporaine et un artisanat d'exception menacé de disparition par les ravages de la Révolution culturelle.

Alors que le luxe a longtemps rimé en Chine avec les grandes marques occidentales, Shang Xia (qui signifie littéralement "dessus-dessous") offre une vitrine, la première du genre, à des produits d'un luxe raffiné et épuré, venant d'un pays plus connu pour ses usines de production de masse.

Sous la houlette de sa directrice générale et directrice artistique Jiang Qiong Er, la marque propose vêtements, mobilier et des arts de la table aux lignes épurées, très éloignés des dragons et pagodes du folklore chinois.

L'entreprise, dans laquelle Hermès investit plus de 10 millions d'euros par an depuis sa création, est détenue à 90% par le groupe français et à 10% par Jiang Qiong Er.

La marque qui compte deux boutiques en Chine - à Shanghai et Pékin - et dont la clientèle est très majoritairement chinoise, réalise pour le moment moins de 10 millions d'euros de chiffre d'affaires.

A Paris, "Shang Xia s'adresse à tout le monde, à la clientèle française comme aux Chinois qui voyagent en Europe", a déclaré à la presse sa directrice générale.

La vitrine parisienne devrait ainsi accroître la notoriété de la marque en Chine, compte tenu de l'attrait de la capitale pour les achats de produits de luxe vendus entre 30% et 50% moins chers qu'en Chine.

UN INVESTISSEUR DE LONG TERME

En mêlant savoir-faire ancestraux et design contemporain, Shang Xia s'adresse à tous les publics, contrairement à d'autres marques chinoises appartenant à de grands groupes, comme Shanghai Tang (Richemont), qui visent principalement la clientèle occidentale voyageant en Asie.

En Chine, où les mesures anti-corruption touchent de plein fouet les ventes de produits de luxe, Shang Xia est, aux dires de sa directrice générale, très prisée des officiels, fiers de la valorisation des savoir-faire du pays.

Jiang Qiong Er dit avoir trouvé, avec Hermès, l'investisseur de long terme qui "a le temps devant lui et qui ne réclame pas de retour sur investissement dans les trois ans".

"Patrick Thomas (co-gérant du sellier) pense que la philosophie d'Hermès peut bien fonctionner dans une autre civilisation riche d'une forte histoire artisanale", dit-elle.

Pour l'heure, aucune autre ouverture de boutique n'est prévue.

L'entreprise qui n'a pas de problème de stocks aujourd'hui, pourrait cependant voir son expansion limitée par le manque de main d'oeuvre qualifiée auprès de la trentaine d'ateliers spécialisés avec lesquels elle travaille.

La production est à 90% chinoise, le reste provenant de Mongolie, pour les feutres de cachemire, d'Inde pour des fils de soie dorée ou du Vietnam pour la laque à la coquille d'oeuf.

La boutique parisienne, située dans le 6e arrondissement juste en face du magasin Hermès, est entièrement tapissée de rectangles de porcelaine blanche, rappelant les liens commerciaux historiques entre l'Europe et la Chine.

D'amples capes de feutres de cachemire voisinent avec des services en porcelaine ultra-fine et bambou tressé, des bijoux de jade aux anneaux taillés dans la masse, ou des meubles de bois faits de pièces emboitées, inspirés de la dynastie Ming.

Les prix oscillent entre quelques centaines d'euros pour un foulard en soie à 20.000 euros pour un pendentif en or blanc.

Peintre et décoratrice, issue d'une famille d'artistes, Jiang Qiong Er, 36 ans, avait créé son agence de design avant d'être repérée par Hermès alors qu'elle décorait les vitrines de la marque en Chine.

Passée par les Arts décoratifs à Paris, elle est l'épouse de Guillaume Brochard, un des deux co-fondateurs de la marque de bijoux Qeelin rachetée par Kering en décembre dernier.

Edité par Jean-Michel Bélot

par Pascale Denis