* Elargissement politique avec l'entrée de trois écologistes

* Jean-Marc Ayrault effectue son grand retour

* Les autres ministères régaliens stables

* Hollande et Valls veulent réformer "jusqu'au bout" (Actualisé avec Hollande)

par Elizabeth Pineau et Jean-Baptiste Vey

PARIS, 11 février (Reuters) - François Hollande a élargi jeudi l'assise du gouvernement de Manuel Valls à un peu plus d'un an de l'élection présidentielle en y incluant l'ex-Premier ministre Jean-Marc Ayrault, trois écologistes et le président du Parti radical de gauche.

Dans cette équipe de 38 membres - 18 ministres et 20 secrétaires d'Etat - les ministères de l'Economie, des Finances, de la Défense et de l'Intérieur ne changent pas de gestionnaire, signe d'un souci de stabilité dans une période marquée par les menaces d'attentat et un chômage record.

"C'est un gouvernement qui doit agir, réformer, avancer", a déclaré François Hollande sur TF1 et France 2 en soulignant qu'il avait été "élargi" avec l'entrée d'écologistes -- dont il a dit avoir "toujours" souhaité le retour -- et du patron du Parti radical de gauche Jean-Michel Baylet.

La nomination comme ministre des Affaires étrangères de Jean-Marc Ayrault, qui bénéficie d'une image moins "sociale-libérale" que Manuel Valls, est aussi une manière de rassembler en rappelant un homme "d'expérience", au moment où la France est confrontée à de multiples défis, dont le terrorisme.

"Il a été Premier ministre et il sera un bon ministre des Affaires étrangères, il connaît les dossiers", a-t-il expliqué, son entourage évoquant la réforme de l'Union européenne.

"Je ne voulais pas qu'il y ait le moindre temps perdu pour former un nouveau ministre des Affaires étrangères et j'ai gardé Jean-Yves Le Drian (à la Défense-NDLR) parce qu'il est aujourd'hui le ministre de la Défense qui connaît le mieux les sujets qui nous concernent", a-t-il ajouté.

COSSE AU LOGEMENT, COMME DUFLOT

François Hollande s'est défendu d'avoir eu pour objectif dans ce remaniement de renforcer sa position pour l'élection présidentielle de 2017, échéance à laquelle, a-t-il dit, il ne s'autorisera à penser que s'il y a des "résultats".

Le gouvernement se sépare de Marylise Lebranchu et de Fleur Pellerin, qui est remplacée au ministère de la Culture par Audrey Azoulay, conseillère à l'Elysée sur ce secteur.

Ségolène Royal reste à l'Ecologie mais récupère le dossier du climat, deux mois après le succès de la conférence internationale de Paris sur le réchauffement climatique (COP21).

Chez les écologistes, Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d'Europe Ecologie-Les Verts, est la seule de son parti à entrer, au ministère du Logement et de l'Habitat durable, au prix d'un reniement de ses critiques de la politique de François Hollande sur l'écologie mais aussi sur la déchéance de nationalité.

Elle paye sa décision par sa mise à l'écart des instances du parti, qui "désapprouvent" sa décision, mais François Hollande a donné satisfaction aux écologistes en annonçant l'organisation d'un référendum local sur la construction de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, niant céder à un "marchandage".

Le sénateur Jean-Vincent Placé, qui n'a jamais caché son désir d'obtenir un jour un maroquin, et la députée Barbara Pompili avaient quitté EELV ces derniers mois.

L'un est chargé de la Réforme de l'Etat et de la Simplification en tant que secrétaire d'Etat et l'autre des Relations internationales sur le climat et de la biodiversité.

Le président du Parti radical de gauche, Jean-Michel Baylet, un magnat de la presse présent dans la vie politique depuis un demi-siècle, est nommé ministre de l'Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales.

Au ministère du Travail, Clotilde Valter viendra prêter main forte à Myriam El Khomri en tant que secrétaire d'Etat de la Formation professionnelle et de l'Apprentissage.

RASSEMBLEMENT

Deux secteurs jugés essentiels pour l'emploi, principal échec de François Hollande, qui a fait de la baisse du chômage une condition de sa candidature pour un second mandat.

Dans une France soumise à l'état d'urgence jusqu'à fin mai, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, et celui de la Défense, Jean-Yves Le Drian, restent à leurs postes "essentiels pour la sécurité des Français", a-t-on expliqué à l'Elysée.

Donné partant ces derniers jours, Stéphane Le Foll demeure ministre de l'Agriculture, domaine touché par une crise profonde. Il reste aussi le porte-parole du gouvernement, qui se réunira mercredi prochain en conseil des ministres.

Les analystes divergent sur la lecture de ce remaniement.

Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l'Ifop, insiste sur l'élargissement de l'assise de la majorité.

"Le message que veut envoyer François Hollande, c'est sa volonté d'élargir sa base au premier tour de la présidentielle en essayant d'agréger au PS des alliés", a-t-il dit à Reuters.

"Il essaye d'élargir sa base au-delà du PS, pour lutter contre les velléités d'autres candidatures (a gauche) et rassembler le plus possible autour de sa candidature."

Gaël sliman, président d'Odoxa, est très critique, estimant que le nouveau gouvernement manque de cohérence.

"C'est une occasion gâchée de donner un sentiment de rebond ou d'élan et la présence d'Ayrault, qui a plombé l'exécutif et François Hollande au début du quinquennat, renforce l'idée d'un profond immobilisme. C'est un mauvais signal, même si les gens n'en attendaient pas grand-chose", a-t-il dit à Reuters.

"Ça ne garantit pas à Hollande qu'il sera le seul représentant de la gauche en 2017 et ça n'interdit pas à EELV de présenter un candidat. Il prend également le risque d'avoir une voix dissonnante dans quelques mois au sein de son gouvernement", a-t-il ajouté. (Avec Emmanuel Jarry et Ingrid Melander, édité par Yves Clarisse)