(Complète réaction de MSF)

par Idrees Ali

WASHINGTON, 29 avril (Reuters) - Le bombardement par l'aviation américaine d'un hôpital tenu par Médecins sans frontières (MSF) à Kunduz, l'an dernier en Afghanistan, n'est pas assimilable à un crime de guerre et s'explique par une succession d'erreurs, conclut un rapport d'enquête militaire présenté vendredi par le Pentagone.

Quarante-deux personnes ont été tuées et 37 autres blessées dans la destruction de l'établissement le 3 octobre dernier dans la ville du nord de l'Afghanistan.

"L'enquête a conclu que certains membres du personnel n'avaient pas respecté les règles de l'engagement et le droit des conflits armés. Cependant, l'enquête n'en conclut pas que ces manquements constituent un crime de guerre", a déclaré à la presse le général Joseph Votel, commandant de l'US Central Command, le Commandement central américain qui couvre notamment le Moyen-Orient.

L'officier a expliqué qu'il ne s'agissait pas d'un crime de guerre parce qu'aucun militaire ne savait qu'un hôpital était visé. Selon les conclusions de l'enquête, l'incident a été causé par des "erreurs humaines non intentionnelles, des erreurs de procédure et des défauts d'équipement".

Le rapport ajoute la fatigue et "un rythme élevé d'opérations" comme autres facteurs explicatifs.

Dans un rapport d'enquête préliminaire diffusé en novembre, le Pentagone avait dit que les forces américaines avaient cru prendre pour cible un autre bâtiment de la ville en raison d'un problème technique du système de cartographie embarqué dans l'appareil qui a mené l'attaque, un AC-130.

INCOMPRÉHENSIBLE

Réagissant à la publication du rapport, la présidente de MSF Meinie Nicolai a déclaré qu'il revenait à reconnaître "qu'une opération militaire hors contrôle aurait été menée dans une zone urbaine densément peuplée, lors de laquelle les forces américaines ne seraient pas parvenues à suivre les règles de base de la guerre".

"Il est incompréhensible que dans les circonstances décrites par l'armée américaine, l'attaque n'ait pu être avortée", a-t-elle ajouté.

Le général Votel a déclaré que des indemnités avaient été versées à 170 individus et familles, à raison de 6.000 dollars par personne tuée et 3.000 dollars par blessé, et qu'une somme de 5,7 millions de dollars avait été approuvée pour reconstruire l'hôpital de MSF.

Jeudi, à la veille de la publication du rapport, le gouvernement américain avait fait savoir que seize militaires, dont un général, avaient écopé de sanctions disciplinaires, allant de la suspension à des lettres de réprimande. Cinq d'entre eux, qui sont revenus aux Etats-Unis, font l'objet d'investigations menées par le général Votel.

MSF a jugé que ces sanctions étaient trop faibles, "hors de proportion avec la destruction d'une installation médicale protégée".

"Il est inenvisageable pour nous de renvoyer nos équipes -dont les collègues qui ont survécu à l'attaque - travailler à Kunduz sans avoir obtenu des parties au conflit qu'elle s'engagent à tout mettre en ÷uvre pour que ce type d'événement n'arrive plus", a encore déclaré Meinie Nicolai.

L'organisation a réclamé par le passé une enquête indépendante et douté que les raids sur son hôpital aient été une erreur.

"L'attaque a eu lieu malgré le fait que MSF ait fourni les coordonnées GPS de l'hôpital à la coalition et aux autorités militaires et civiles afghanes, pas plus tard que le jeudi 29 septembre. L'attaque s'est poursuivie plus de 30 minutes après que nous avons alerté les autorités militaires américaines et afghanes à Kaboul et à Washington que l'hôpital était frappé", avait déclaré l'ONG en décembre dernier. (Jean-Stéphane Brosse pour le service français)