par Nathalie Olof-Ors et Victoria Bryan

ZURICH, 20 janvier (Reuters) - Trouver de nouveaux fournisseurs, payer plus cher ou produire soi-même: les marques horlogères suisses cherchent par tous les moyens à compenser la baisse des livraisons de mouvements et de composants de Swatch Group, que les autres fabricants peinent à compenser.

Plus connu pour ses montres bon marché, Swatch Group est également le premier fabricant de composants horlogers. Sa filiale ETA SA produit près de 80% des mouvements fabriqués en Suisse tandis que Nivarox, également propriété du groupe, se trouve en situation de monopole sur des pièces incontournables, telles que le spiral.

Mais depuis le 1er janvier, le groupe est autorisé à réduire les livraisons aux tiers, en attendant les conclusions d'une enquête ouverte en juin dernier par les autorités helvétiques de la concurrence.

Girard-Perregaux, une marque de prestige qui produit environ 10.000 montres par an, a immédiatement observé un bond de la demande de mouvements fabriqués par sa manufacture.

"Nous avons reçu beaucoup de demandes de gens qui viennent frapper à notre porte pour nous demander des mouvements. Mais la plupart du temps, voire dans presque tous les cas, nous sommes obligés de refuser", a indiqué à Reuters Stefano Macaluso, son directeur général, lors du salon horloger de Genève.

Contrôlée par PPR, cette manufacture, qui fournit Boucheron et Bottega Veneta, dépend elle-même de Nivarox pour ses approvisionnement en spiraux.

"Cela ne nous affecte pas beaucoup. Nous produisons un nombre limité de montres et avons une très bonne relation avec Nivarox", a-t-il ajouté.

UN MILLION DE MOUVEMENTS EN MOINS

Greubel Forsey, une marque de niche dans laquelle Richemont détient une participation de 20%, a également vu la demande exploser.

"Aujourd'hui nous avons cinq clients, et on en prendra peut-être un ou deux nouveaux cette année, mais pas plus. On ne peut pas augmenter la production d'un jour à l'autre," a déclaré Emmanuel Vuille, qui dirige la société depuis 2009.

Cette marque, dont les montres se vendent entre 350.000 et 750.000 francs (290.000 à 620.000 euros), conçoit des mouvements très haut de gamme par le biais de sa filiale CompliTime, notamment pour le joaillier américain Harry Winston.

Selon Jon Cox, analyste chez Kepler capital Markets, les prix des calibres horlogers sont appelés à grimper.

"Les marges des fabricants de montres qui utilisaient les mouvements bon marché et fiables de Swatch Group vont baisser puisqu'ils devront soit s'approvisionner ailleurs en payant des prix plus proches de conditions d'un marché libre, soit investir dans leur propres capacités de production", estime-t-il.

D'après ses estimations, l'industrie horlogère devrait avoir besoin d'environ 8,2 millions de mouvements en 2012, mais Swatch Group pourrait réduire les livraisons d'environ un million.

Parmigiani Fleurier, une des très rares manufactures capables de produire des spiraux, est donc assaillie par les propositions de partenariats.

Cette maison indépendante, qui produit des mouvements pour Hermès et Richard Mille et s'apprête à fournir Bulgari, le joaillier italien racheté l'an passé par LVMH , fabrique également environ 20.000 spiraux par an.

RECHERCHE SPIRAL, DÉSESPÉRÉMENT

"Nos spiraux sont plus chers que ceux de Nivarox car nous avons besoin d'amortir nos investissements", a expliqué Jean-Marc Jacot, son directeur général, en soulignant que les clients sont aujourd'hui prêts à payer les prix demandés, faute d'alternative sur cette pièce.

Certaines marques commencent cependant à se lancer elle-même dans la fabrication de spiraux, à l'instar de Vacheron Constantin, une des marques de Richemont.

"Nous n'utilisons pas de mouvements ETA dans nos montres", a indiqué Juan-Carlos Torres, son directeur général. "Nous sommes en train d'internaliser les spiraux avec l'aide du groupe Richemont et de plusieurs marques",

"Toute la question est de maîtriser la technologie", a poursuivi le directeur de cette marque de référence dans l'horlogerie suisse.

Richemont dispose du savoir-faire nécessaire au sein de son portefeuille de marques, notamment avec Roger Dubuis, qui produit ses propres spiraux.

"Nous ne dépendons d'aucune source extérieure", a souligné Jean-Marc Pontroué, qui prendra les commandes de la société le 1er février.

Alors que les marques du groupe Richemont tendent à mettre en avant leurs bonnes relations avec Swatch Group, l'approvisionnement en spiraux se pose avec plus d'urgence pour Tag Heuer, la marque la plus importante au sein du pôle horloger de LVMH.

Nivarox n'a en effet pas souhaité renouveler son contrat avec la société lorsque celui-ci est arrivé à terme, selon Jean-Christophe Babin, le directeur général de Tag Heuer.

"Nous sommes en train de travailler avec la fondation Sandoz pour passer sur des spiraux d'Atokalpa", a-t-il expliqué à Reuters, en précisant que la marque disposait de stocks pour assurer la transition. (avec Caroline Copley, édité par Marc Angrand)