Exemple avec le numéro un mondial des montres : Swatch Group

Le groupe suisse a annoncé il y a quelques semaines un « profit warning » sur ses résultats en communiquant sur la baisse attendue de plus de 50% de son bénéfice semestriel. La raison invoquée est la faiblesse des ventes sur les marchés d’Europe et de Hong Kong notamment. En clôture, le titre avait abandonné 8% à la Bourse de Zurich. Suite à cette annonce Aurel BGC avait même dégradé sa recommandation de « acheter » à « conserver », ramenant son objectif de cours à 300 francs suisses.

Une fois publié, ces résultats semestriels ont confirmé cet avertissement. Le chiffre d’affaires s’est détérioré de plus de 11% à 3.67 milliards de francs suisses. De même le bénéfice net a été divisé par deux à 263 millions CHF désormais. La majorité des analystes suivant cette valeur maintiennent leurs recommandations à neutres, à l’exception de Morgan Stanley qui conseille ni plus ni moins de « se débarrasser » de l’action Swatch à cause du « manque de visibilité généralisé » dans le domaine du luxe. Crédit Suisse vient quant à lui de révoquer son précédent conseil acheteur de « surperformance » pour se positionner à la vente avec un objectif de cours ramené de 340 à 230 francs suisses.


Variation du cours de l’action Swatch en données hebdomadaires depuis quatre ans



Une Industrie en perte de vitesse, un secteur tout entier à la peine

Le second semestre 2015 avait déjà laissé percevoir un déclin des exportations de l’ordre de 6.8%. Le début d’année 2016 a confirmé cette tendance (-8% en janvier). Il s’agit ni plus ni moins du 8ème mois consécutif de baisse. Les principaux marchés qui marquent un coup d’arrêt sont les Etats-Unis (-33%) et le Japon (-9.5%).

Au sein de la Confédération helvétique, les principales maisons horlogères ont tenté d’endiguer en vain cette difficulté en faisant évoluer leur stratégie commerciale par le développement de la distribution en nom propre avec une multitude de nouveaux magasins. Même si courant 2015, le secteur comptait près de 60.000 employés, soit 10.000 de plus qu’en 2011, les annonces de licenciements ne cessent de s’accroître depuis ces derniers mois. Les usines tournent clairement au ralenti. L’appartenance des maisons horlogères à des grands groupes du luxe se maintiennent hors de l’eau grâce à leur trésor de guerre accumulé durant les années dorées. Mais pour combien de temps encore ? Le canton de Neuchâtel, principal pourvoyeur de sous-traitant est logiquement le plus touché par les difficultés. Mais finalement, les premières victimes d’un retournement conjoncturel sont bien les marques indépendantes qui subissent plus grandement ce phénomène de baisse.


De multiples grains de sables enraillent la mécanique, tels que :

- Le marché asiatique pèse sur les résultats des acteurs du secteur notamment du côté de Hong Kong et de la Chine.
L’industrie à Hong Kong s’est fortement repliée avec un effondrement de 22% soit une perte sèche de plus de 900 millions d’euros. D’ailleurs, selon une enquête de Crédit Suisse, il en ressort que le marché clé de Hong Kong n’aurait pas encore atteint son point bas !


Un marché chinois en berne avec des exportations vers l'Empire du Milieu qui connaissent une diminution de plus de 4.7% en 2015. ceci s'explique notamment par:
  • Une campagne active de lutte anti-corruption initiée par le président Xi Jinping
  • Une baisse de la croissance en Chine
  • Une politique de taxation des produits de luxe afin de relancer la croissance. A titre d'exemple, les taxes relatives au commerce en ligne transfrontalier et les achats effectués par les ressortissants chinois à l’étranger ont été doublées récemment, passant de 30% à 60%.
 
- La forte appréciation du franc suisse depuis début 2015 joue contre l’exportation par l’augmentation des coûts de fabrication des montres « Swiss made ». En créant une énorme surprise avec l’abolition du cours plancher de 1.20 franc pour un euro, la Banque Centrale Suisse, n’a pas aidé le secteur de l’horlogerie. Le prix trop élevé des montres pénalise les ventes. En effet, selon le patron de Swatch Group, « c’est près d’un milliard de francs de chiffre d’affaires perdu avec cette décision ». 


Cours de l’EUR/CHF depuis janvier 2014



Les montres connectées peuvent-elles réellement être salutaires pour le secteur?

Durant ces deux dernières années, ces montres, véritables « ovnis » dans un secteur aussi traditionnel et conservateur que l’horlogerie, ont été considérées comme l’un des facteurs du ralentissement du marché. Ernst Thomke, l’un des pères de la montre Swatch des années 80 estimait récemment dans une interview au journal Schweiz am Sonntag que « L’horlogerie suisse a commis l’erreur de considérer la montre intelligente comme un simple gadget ». Il ajoute de surcroît que « le secteur horloger s’est endormi ou n’a pas vu venir la tendance constituée par la montre connectée ».

En effet, l’émergence des montres connectées dites « smartwatch » par les grandes marques d’électroniques (Samsung, Apple, Sony, Motorola, LG…) ont pesé et pèsent encore sur le marché des montres « mécaniques ». Apple avait véritablement lancé les hostilités il y a un peu plus d’un an (avril 2015) en proposant un modèle unique par sa technologie mais décliné en différentes versions lui permettant de toucher autant le grand public que le secteur du luxe (certaines Apple Watch sont vendues en or 18 carats à 20.000 euros).

En réponse, Tag Heuer (propriété du groupe de luxe français LVMH) avait annoncé lors du Baselworld 2015, le salon mondial de l’horlogerie et de la bijouterie, vouloir concurrencer Apple grâce à un partenariat avec Google et Intel en proposant un modèle de luxe. Finalement sortie sous le nom de « Tag Heuer Connected », cette montre vendue 1500 euros devrait selon les dernières estimations être vendue à plus de 20.000 exemplaires dans un premier temps, avec une demande en forte progression (80.000 montres pour 2016).

Longtemps réticent, le secteur de l’horlogerie ne cache plus sa confiance désormais dans ce marché des smartwatch. Selon Jean-Claude Biver, président de la division montres de LVMH : « dans trois ans, je pense que le succès de cette technologie sera encore plus grand car les technologies portables ont de l’avenir…. Elles seront partout… ».