"Quel regard portez-vous sur la valorisation du secteur des foncières cotées ?
Nous pouvons distinguer au sein du secteur un traitement différent entre les sociétés.
La prime ou la décote sont beaucoup fonction de l’importance de la capitalisation boursière et du pipeline. Il est intéressant de constater que les plus fortes surcotes sont observées pour Unibail, Klépierre et Alterea. Ce sont toutes trois des foncières de commerce en mesure de construire des actifs susceptibles de créer une richesse future anticipée par les investisseurs. Les petites valeurs sont beaucoup moins bien loties du fait de la moindre diversification des actifs et de l’illiquidité qu’elles présentent.

D’aucuns estiment que la surcote de la valorisation boursière observée pour certaines grandes capitalisations par rapport à leur ANR est à relativiser en raison du retard pris par les experts immobiliers dans leur évaluation par rapport à la réalité du marché. Qu’en pensez-vous ?
Les experts ont effectivement tendance à travailler avec des éléments du passé. Pour déterminer la valeur d’un immeuble aujourd’hui, ils considèrent à juste titre les transactions intervenues jusqu’à hier. S’ils voient un fait qui n’est pas en ligne avec le reste du faisceau d’indices qu’ils ont constitué, ils ont tendance à ne pas l’intégrer jusqu’à avoir des preuves supplémentaires allant dans la même direction. Il y a de ce fait toujours une forme d’inertie de quelques mois.

Nous pouvons penser qu’au second semestre, toute chose égale par ailleurs, nous aurons une hausse de la valeur des actifs. Cette hausse sera surtout visible dans les bureaux parisiens et pour les grands centres commerciaux. Ce sont essentiellement dans ces deux poches que l’on a pu voir un afflux de liquidité faire monter les prix. Les taux d’intérêt des emprunts d’Etat ayant considérablement reculé, les investisseurs se sont rabattus sur ces actifs immobiliers de qualité, considérés comme « actifs sans risque ».

Une tendance inverse a cependant été notée dans le cas des bureaux en périphérie, en banlieue ou à la Défense…
Effectivement, dans ces zones le taux de vacance est demeuré important poussant vers le bas les loyers et les prix en conséquence.
C’est ainsi qu’une société comme Gecina a indiqué à l’issue du premier semestre une valeur de son patrimoine quasi inchangée car la hausse de la valeur de ses bureaux dans Paris avait était négativement compensée par la diminution de la valeur de ses bureaux en banlieue avait baissé. Foncière Lyonnaise a en revanche connu une augmentation sensible de la valeur de son patrimoine (+ 5,3 %) car elle détient uniquement des bureaux dans Paris. Tour Eiffel qui a essentiellement des bureaux en banlieue a, de son côté vu la valeur de son patrimoine décroitre (- 2 %).

Au-delà du segment de marché, la revalorisation des actifs est également dépendante de la localisation.

D’aucuns escomptent qu’une réactualisation des ANR aboutirait à une forte décote du secteur de 20% à 30% ?
Cela semble quelque peu excessif.

Quels enseignements tirez-vous des résultats semestriels ?
Un fait remarquable réside dans le fait que globalement les résultats opérationnels ont résisté. Sur certains segments la vacance s’est amplifiée, la réévaluation des loyers a été stable voire négative. Cependant cela n’a pas entrainé de mauvaises surprises au niveau des résultats à l’issue des six premiers mois de l’année.

Certains estiment qu’après cinq années de vastes opérations de cession d’actifs, nous sommes entrés dans un nouveau cycle où les foncières redeviennent investisseurs nets et non plus vendeurs nets...
En théorie les foncières se sont plutôt désendettées et sont dorénavant plutôt acheteuses. Dans la pratique, elles ont beaucoup de mal à trouver des opportunités intéressantes.
Ainsi Gecina et Terreïs ont indiqué devoir ralentir leur programme d’investissement car elles faisaient face à des actifs trop chers.
Tour Eiffel a certes procédé à sa première acquisition après quatre ans. Toutefois le montant investi n’a été 20 millions alors que 200 millions avaient pu être engrangés des différentes ventes d’actifs.

La seule grande annonce que nous avons eue dernièrement a été la reprise de Corio par Klépierre, mais payée en titres.

Ces résultats semestriels auraient également été emprunt d’une surprise : un cout plus important que prévu de la couverture de la dette ?

Comme beaucoup d’autres acteurs du marché, les foncières n’ont pas anticipé que les taux descendraient aussi bas. C’est ce qui explique que le cout de la couverture ait plombé la valeur de l’ANR.

Quelle analyse faites-vous de la consolidation du secteur ? Il est admis que le retard des prix du secteur par rapport au marché physique favorise la multiplication d’opérations financières.
Cet argument explique l’offre de Klépierre sur Corio. La prime importante de Klépierre lui permet d’échanger une partie de sa surcote face à des actions Corio et renforce ainsi l’intérêt de la transaction.
En termes de cible, il n’y a plus aucune société de commerce à vendre à mon sens.
Dans le segment des bureaux, nous avions en 2007, sur les 40 foncières identifiées, 2 foncières opéables car elles avaient un large flottant : Foncière Paris France et Tour Eiffel. Les deux ont fait l’objet d’une tentative de prise de contrôle avec surenchère.
A présent nous pourrions voir des petites sociétés se faire absorber par des plus grosses. Toutefois, après une douzaine d’opérations déjà, le nombre de dossiers est limité. Une opération qui pourrait faire sens est l’acquisition de Foncière des murs par Foncière des régions.

Mis à part la recherche d’économies de coûts par les entreprises, la quête d'une plus grande qualité des services, et l'obsolescence réglementaire, à quels autres principaux défis est confronté le secteur ?
Le défi de l’Internet dans le commerce. La montée en puissance de la vente en ligne génère une concurrence vive et une pression forte sur les prix.

Qu’en est-il des risques ? Peut-on craindre que le marché ne soit plus différenciant dans son ensemble ?
C’est un risque mais pas à court terme. On voit encore clairement une différence entre les actifs que tout le monde s’arrache et les actifs qui ne suscitent pas beaucoup d’intérêt.

Une forte remontée des taux d’intérêt est-elle à redouter ?
La bourse ne croit pas au marché obligataire. Si les taux devaient rester durablement bas, à 1% pendant 10 ans, la Bourse et les actions des foncières en particulier devraient être beaucoup plus chères.

L’écart entre le rendement de dividende du secteur et l’OAT à dix ans est historiquement élevé donnerait aux dires de certains un confort face à une remontée des taux à au moins 4% ?

4% me parait exagéré. Cependant, il est indéniable qu’il existe une marge de manoeuvre et qu’une hausse de l’OAT de 50 bp voire 100 bp n’aurait vraisemblablement pas grande répercussion.

Avez-vous un objectif de performance pour le secteur ?
Les potentiels de revalorisations sont désormais limités sauf, justement, à imaginer que nous sommes entrés dans un scénario de taux longs à 1 % pour une très longue période.

*Benoît Faure-Jarrosson a été élu « Meilleur analyste immobilier de l’année » aux Trophées des SIIC en 2013

"