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DOSSIER DE PRESSE

Paris, le 11 juin 2015 « L'économie française » Sommaire du dossier de presse

· Vue d'ensemble En 2014, la croissance peine à redémarrer

· Dossier 1 Performances compatées des entreprises françaises sur le marché domestique et à l'étranger

· Dossier 2 Depuis la crise de 2008, les ménages réduisent leurs achats des biens et services les plus faciles à couper ou reporter

· Dossier 3 PIB et bien-être en Europe depuis vingt ans

Service de presse de l'Insee

Tél : 01.41.17.57.57

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bureau-de-presse@insee.fr

Vue d'ensemble - En 2014, la croissance peine à redémarrer

La croissance toujours pénalisée par la demande intérieure et les performances à l'exportation

En légère accélération en 2013 (+0,7 % après +0,3 % en 2012), la croissance de l'économie française n'excède pas +0,2 % en 2014 malgré plusieurs facteurs favorables comme la désinflation et la dépréciation de l'euro. Certes, le pouvoir d'achat des ménages progresse (+0,8 %) pour la première fois depuis 2011. Il est stimulé à la fois par une progression des salaires nominaux relativement soutenue, par une progression modérée des impôts et cotisations après plusieurs années de forte hausse, et par le fort ralentissement des prix. Pour autant, la dépense de consommation des ménages n'accélère que mollement (+0,6 % en volume après +0,4 % en 2013), même si la chute des achats d'automobiles est enfin enrayée. Toutefois, les autres composantes de la demande demeurent mal orientées : les exportations accélèrent (+2,4 % en volume après +1,7 %) mais progressent moins que la demande mondiale adressée à la France. Surtout, les importations en volume connaissent un net rebond (+3,8 % après +1,7 %), progressant beaucoup plus rapidement que la demande intérieure. Pour la première fois depuis 2007, la contribution des échanges extérieurs à la croissance du PIB est donc fortement négative (-0,5 point). Enfin, la baisse de l'investissement s'accentue (-1,2 % en volume après -0,6 % en 2013).

Contribution des principaux agrégats à la croissance du PIB

variation annuelle en %, contributions en points

3

PIB

2

1

0

-1

-2

Consommation des ménages Demande publique

-3 Investissement privé Échanges extérieurs

Variations de stocks

-4

2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014

Source : Insee, Comptes nationaux, base 2010.

La construction en berne

La contraction globale de l'investissement en 2014 recouvre toutefois des situations très différentes : l'investissement hors construction, qui est principalement le fait des sociétés non financières (SNF), croît en effet de 0,8 % en volume après une mauvaise année 2013 (-0,6 %). Le taux d'investissement des SNF augmente d'ailleurs de +0,3 point pour s'établir à 23,1 %. En revanche, l'investissement en construction connaît une nouvelle chute (-3,4 % en 2014), la valeur ajoutée de la branche construction se contractant de 4,0 % en volume. Le logement et les travaux publics sont particulièrement affectés. Les travaux publics ont pâti de la forte baisse de l'investissement des administrations publiques locales (-9,6 % en valeur) après une bonne année 2013 (+5,2 %). L'investissement local marque traditionnellement le pas après des élections municipales mais la chute de 2014 n'a pas d'équivalent dans le passé et traduit le resserrement de la contrainte budgétaire. Le logement souffre de son côté de la chute des autorisations de mise en chantier, qui n'ont pas cessé de se replier depuis la mi-2013. L'investissement des ménages en logement accentue donc son recul en 2014 (-5,9 % en volume après -3,1 % en 2013) : il retrouve ainsi son niveau de la fin des années 1990, bien en deçà du pic de

2007-2008. Début 2015, l'indicateur synthétique du climat des affaires dans le bâtiment demeure à des niveaux très bas.

L'investissement des ménages en logement

FBCF en volum e, en m illiards d'euros

35

en m illiers de logem ents individuels par m ois

35

30 30

25 25

20 20

15 15

10 10

FBCF des m énages totale (échelle de gauche)

5 FBCF des m énages en cons truction (échelle de gauche) 5

Autoris ations de m is es en chantier (échelle de droite)

0

0

1982

1986

1990

1994

1998

2002

2006

2010

2014

Sources : Insee, Comptes nationaux, base 2010 ; SoeS.

Hausse de la part des dépenses publiques dans le PIB liée à la mise en œuvre du CICE

Le déficit public se réduit très légèrement en 2014 (4,0 % du PIB après 4,1 % en 2013) : les dépenses comme les recettes publiques progressent en proportion du PIB (+0,5 et +0,6 point respectivement). Les crédits d'impôts sont comptabilisés en dépenses bien qu'en règle générale, ils se matérialisent pour les contribuables par une réduction de l'impôt dû. La mise en œuvre du Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) joue ainsi à hauteur de +0,4 point sur la part des dépenses publiques dans le PIB et explique donc l'essentiel de sa progression en 2014. Hors opérations imputées (donc notamment hors impact du traitement des crédits d'impôt), la dépense publique est quasi stable en proportion du PIB.

La France continue d'afficher une dépense publique en proportion du PIB particulièrement élevée par rapport aux pays européens de taille comparable : presque 11 points de plus en 2013 que la moyenne calculée pour l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni. L'analyse des dépenses par finalité montre que les deux tiers de cet écart sont imputables aux dépenses de santé et de protection sociale, les écarts sur les autres postes étant beaucoup plus réduits.

Évolution des dépenses et des recettes publiques

59%

57%

55%

53%

51%

49%

47%

45%

Dépenses publiques



Dépenses publiques hors opérations imputées

Recettes publiques



Recettes publiques hors opérations imputées

Source : Insee, Comptes nationaux, base 2010.

Dossier 1 Performances comparées des entreprises françaises sur le marché domestique et à l'étranger

En France, le solde commercial s'est dégradé presque continûment depuis la fin des années 1990. En excédent en 1999, la France a commencé à enregistrer un déficit dès 2005. Il s'est creusé jusqu'en
2011, avant de connaître une amélioration au cours des deux années suivantes. La dégradation des échanges extérieurs provient presque exclusivement des biens industriels, notamment des produits énergétiques et dans une moindre mesure des autres produits industriels. Elle est liée en premier lieu à la hausse du prix du pétrole mais aussi aux volumes échangés en produits manufacturés. Les pertes sont concentrées sur les biens d'équipement et autres produits industriels, et, d'un point de vue géographique, vis-à-vis de la Chine et de l'Allemagne.

De nombreuses études insistent sur les pertes de parts de marché à l'exportation. Mais qu'en est-il de la performance des entreprises en France sur le marché domestique ?

La performance de l'économie française s'est nettement dégradée à l'exportation, mais modérément sur le marché domestique

Deux indicateurs sont construits pour rendre compte des performances de l'économie française aussi bien sur le territoire national qu'à l'étranger. Le premier correspond à la part du produit intérieur brut servie par la production domestique. Le second rapporte les ventes à l'étranger à la demande adressée à la France. Une hausse de ces indicateurs rendrait compte de gains de parts de marché. Pour tenir compte du développement du commerce international, ils sont corrigés de la tendance commune des pays de l'OCDE.

La performance à l'exportation recule au cours des quinze dernières années, surtout entre 2002 et 2008. Corrigé de la tendance commune aux pays avancés, le recul est deux fois moindre. La performance sur le marché intérieur affiche même une quasi-stabilité sur la période.

Performance de l'économie française

indice base 100 en 1999

110

105

100

95

90

85

80

...à l'exportation - indicateur brut

75 ...à l'exportation - indicateur net de la tendance commune aux pays de l'OCDE

...sur le marché domestique - indicateur brut

...sur le marché domestique - indicateur net de la tendance commune aux pays de l'OCDE

70

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

Sources : Insee, comptes nationaux, base 2010 ; OCDE, base des perspectives économiques n°96 ; calculs Insee.

Un lien faiblement négatif entre performances à l'exportation et sur le marché domestique

La performance sur chacun des marchés est la résultante de plusieurs forces contraires, certaines allant dans le sens d'une substitution entre les ventes sur chacun des marchés, tandis que d'autres jouent plutôt en faveur d'une complémentarité.

Dans une stratégie d'implantation ou de renforcement de sa présence sur un marché, une entreprise peut décider d'y allouer davantage de ses ressources (dépenses publicitaires, participation à des foires,…), ce qui mécaniquement pèsera sur les moyens affectés aux autres marchés. De même, l'existence de contraintes de production entraîne une substituabilité entre marchés : par exemple, comme une augmentation des ventes sur un marché occasionne une hausse des coûts de production
(appel à des heures supplémentaires, à l'emploi intérimaire,…), l'entreprise pourra la contrebalancer en augmentant ses prix de vente sur l'autre marché, ce qui aura des répercussions sur sa demande et, en corollaire, sur sa production destinée à cet autre marché.
À l'inverse, si l'entreprise fait face à des contraintes de liquidité, un choc favorable pour l'entreprise sur un marché pourrait permettre de relâcher ces contraintes et faciliter des ventes supplémentaires sur l'autre marché. D'autres facteurs favorisent la complémentarité entre les performances tels des chocs de coût (allègement des cotisations, des impôts) ou technologiques (application d'un processus de production plus efficace) dont l'impact porte à la fois sur les exportations et les ventes domestiques.

Sur la période 2003-2012, les facteurs contribuant à la substituabilité des performances l'emportent légèrement sur ceux favorisant la complémentarité. Une substituabilité d'ampleur modérée entre marché domestique et marchés à l'exportation ressort pour l'entreprise industrielle exportatrice « moyenne » : une hausse de la performance de 10 points sur le marché domestique tendrait à s'accompagner d'une moindre performance de 3 points à l'exportation.

Lien entre les performances

40

30

20

10

0

-10

-20

-30

-40

-50 -40 -30 -20 -10 0 10 20 30 40 50

Crois s ance des ventes dom es tiques nette de la crois s ance de la dem ande intérieure (en %)

Sources : Insee, données douanières, BACI, calculs des auteurs.

Mais face à un choc de demande, les ventes progressent de concert pour les PME

industrielles…

En détaillant l'analyse, il apparaît que face à un choc positif de demande sur le marché intérieur, l'entreprise vend davantage à l'étranger. Comment expliquer l'inversion de la relation ? Ici, seul l'impact de la croissance des ventes domestiques imputable à la croissance globale du marché intérieur servi par l'entreprise est considéré. Le lien positif qui apparaît alors peut s'interpréter de la manière suivante : une progression des ventes sur un marché procure des liquidités qui permettent de relâcher la contrainte d'offre et de financement subie par l'entreprise. Le succès sur un marché constitue un signal positif qui facilite le financement externe des entreprises, et permet donc d'accroître les ventes sur l'autre marché.

Dans l'ensemble, il apparaît aussi que face à un choc de demande intérieure, la complémentarité des ventes domestiques et à l'exportation concerne principalement les petites et moyennes entreprises exportatrices industrielles. L'absence de complémentarité pour les entreprises les plus grandes traduirait de moindres contraintes de production et de liquidité pour celles-ci.

…ce qui nuance le rôle de la bonne tenue de la demande intérieure française au milieu des années 2000 comme facteur explicatif des pertes de parts de marché à l'exportation

Ainsi, la dégradation de la balance commerciale en France ne serait pas imputable au dynamisme de la demande intérieure. En effet, les entreprises confrontées à une hausse de la demande intérieure, au pire, n'ajustent pas en réponse les ventes sur les marchés étrangers pour les plus grandes d'entre elles, et, au mieux, en profitent même pour augmenter leurs exportations. Sachant qu'une large part des exportations françaises est le fait d'un faible nombre d'acteurs, à savoir les plus grandes entreprises, il n'y aurait donc pas, au niveau agrégé, de substituabilité entre les ventes domestiques et à l'étranger du fait d'une demande intérieure résiliente.

Dossier 2 Depuis la crise de 2008, les ménages réduisent leurs achats des biens et services les plus faciles à couper ou reporter

La crise de 2008 a des conséquences durables sur la dépense de consommation : le pouvoir d'achat ralentit, malgré une progression très faible du prix de la consommation effective. Cela limite la progression de la dépense de consommation, qui se replie même en 2012. Le net ralentissement de la consommation se traduit par des évolutions contrastées au sein des différents postes de consommation, les ménages réduisant leurs achats des biens et services les plus faciles à couper ou reporter.

Évolution du PIB, de la dépense de consommation et de la consommation en volume par unité de consommation, et du taux d'épargne

25%

Taux d'épargne

Evolution du pouvoir d'achat par unité de cons om m ation

Evolution de la dépens e de cons om m ation en volum e par unité de cons om m ation

Evolution du produit interieur brut en volum e par unité de cons om m ation

20%

15%

10%

5%

0%

-5%

Source : Insee, comptes nationaux base 2010.

Des dépenses de logement et alimentaires peu affectées par la crise

Les dépenses répondant aux besoins primaires (logement et alimentation) peuvent difficilement être ajustées à court terme et elles s'infléchissent peu, voire pas du tout avec la crise.

Le logement, qui reste le principal poste de dépense des ménages, demeure dynamique en valeur.

Alors que les dépenses de loyers en volume sont traditionnellement peu heurtées et les dépenses énergétiques sont globalement stables, l'évolution en valeur est portée par les hausses des prix des loyers et de l'énergie. En effet, l'évolution des prix des loyers est supérieure à celle du déflateur de la consommation. Cette tendance s'explique par des tensions sur le marché du logement induites, en partie, par le repli de l'activité immobilière. Quant aux prix de l'énergie, hormis une baisse marquée en
2009, puis de nouveau à partir de la mi-2014, ils connaissent des rythmes de croissance élevés du fait des prix du gaz et du fioul domestique, et du prix de l'électricité, très dynamique depuis 2011. Ainsi, le poids du logement dans la consommation effective des ménages progresse encore sur la période récente (+ 0,13 point en moyenne chaque année entre 2007 et 2014 après + 0,14 point en moyenne chaque année de 1960 à 2007).
De même, les dépenses alimentaires sont peu affectées par le ralentissement du pouvoir d'achat.
Structurellement installées sur un rythme très modéré et régulier, les dépenses des ménages consacrées à l'alimentation à domicile progressent de 0,4 % en volume en moyenne par an entre
2007 et 2014, après + 0,6 % entre 2000 et 2007. Comme la dynamique des prix est nettement plus soutenue que celle de l'ensemble de la consommation, leur part repart à la hausse de 2008 à 2013. Cette hausse interrompt ainsi une tendance baissière à l'œuvre depuis le début des années 1960. Néanmoins, cette part baisse à nouveau en 2014.

D'autres dépenses subissent les effets de la crise, notamment les transports, l'habillement, la communication, la culture et les loisirs

L'ajustement de la consommation au net ralentissement du revenu porte donc sur les dépenses pouvant être coupées car elles ne répondent pas à des besoins primaires ou pouvant être reportées. Les achats des biens durables (automobiles, meubles) ou semi-durables (textiles, habillement) et

1

certains services (hôtels, restaurants, édition) subissent ainsi nettement le ralentissement du revenu et se contractent ou freinent fortement.
Ainsi, la consommation des ménages en transports diminue en volume depuis 2008 (- 1,3 % en
moyenne par an), pénalisée par le recul des achats de véhicules (- 2,7 % par an) et des dépenses d'utilisation (- 1,6 %). Facilement reportables, notamment pour les achats de véhicules, ces postes pâtissent aussi du renchérissement du prix des carburants et des services d'entretien et réparations. L'instauration du bonus/malus écologique en janvier 2008 et la mise en œuvre d'un mécanisme de prime à la casse entre décembre 2008 et décembre 2011 n'a stimulé que transitoirement le marché de l'automobile. Les services de transports progressent en volume (+ 1,5 % par an), mais à un rythme moins soutenu que lors de la période précédente.
Aisément arbitrable à court terme, la consommation des ménages en articles d'habillement et chaussures diminue depuis 2008 (- 1,0 % par an en volume), malgré un rebond en 2014. La mise en place des soldes flottantes en 2008 et les innovations technologiques ne parviennent pas à en redresser la consommation. Elle subit également des hausses de prix plus soutenues qu'avant la crise.
Depuis 2008, la consommation des ménages en communication, loisirs et culture progresse de
1,2 % par an en volume, alors qu'elle augmentait à un rythme annuel supérieur à 5,0 % en volume durant les années 2000. Ses prix chutant, la part dans le budget des ménages atteint 14,7 % en 2014, soit son plus bas niveau depuis 1998. Ces évolutions reflètent d'abord celles des produits de l'économie de l'information, qui, en plus des effets de la crise, pâtissent d'un fort taux d'équipement des ménages. Les innovations technologiques et les prix en nette baisse ne parviennent pas à redynamiser globalement cette consommation. Toutefois, les téléphones mobiles et les services de télécommunications soutiennent la dépense en produits de l'économie de l'information. En revanche, l'édition se contracte fortement en raison notamment de la diffusion de l'information via des journaux gratuits et internet. Les autres dépenses dites de loisirs et de culture (hôtels, cafés, restaurants, voyages, jeux de hasard,…) sont stables, voire se contractent.

La consommation en matière de santé et d'action sociale soutenue par une importante prise en charge publique

Les dépenses bénéficiant d'une importante prise en charge publique (dépenses de santé et d'action sociale) ont une place à part. Elles ne sont pas en effet directement affectées par le ralentissement du pouvoir d'achat du revenu. Mais, face au ralentissement des ressources disponibles pour les financer, des mesures sont prises par les pouvoirs publics pour en limiter la croissance. Dans le domaine de la santé, ces dernières aboutissent essentiellement à une stabilisation de prix alors que leur croissance était encore de + 1,7 % par an au début des années 2000. De ce fait, la consommation effective en biens et services de santé, dont les trois quarts sont pris en charge par les administrations publiques, ralentit en valeur, mais continue de croître significativement en volume au même rythme qu'entre 1994 et 2007 (+ 2,8 % par an après + 2,9 %).
La consommation effective en action sociale (crèches, assistantes maternelles, maisons de retraite, aide à domicile,…) progresse moins rapidement entre 2007 et 2014 qu'au début des années 2000 en volume, mais le rythme reste plus soutenu que celui de l'ensemble de la consommation effective (+ 1,8 % contre + 0,8 % par an en moyenne). Les prix de l'action sociale augmentent toujours nettement, passant d'un rythme annuel de 3,2 % entre 2000 et 2007 à + 2,4 % sur la période récente.

Part de chaque poste de dépense dans la consommation effective ménages en 2001, 2008 et 2014

30%

25%

2000

2007

2014

20%

15%

10%

5%

0%

Alim entation Habillem ent Logem ent Santé Trans ports Lois irs Autres biens et s ervices

Source : Insee, comptes nationaux base 2010.

2

Dossier 3 - PIB et bien-être en Europe depuis 20 ans

Entre 1995 et 2007, le PIB par habitant a crû d'environ un tiers en moyenne dans les pays européens. Après la crise, les évolutions sont assez contrastées. Si, en 2013, une majorité de pays affiche un PIB par habitant proche de celui de 2007, les pays du Sud ont connu en revanche des baisses importantes tandis que l'Allemagne est un des rares pays à avoir dépassé le niveau de 2007. Néanmoins, ces évolutions du revenu économique des pays ne reflètent pas nécessairement celles du bien-être des ménages, comme le souligne le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi.

Le bien-être subjectif : trois groupes de pays

Il existe plusieurs façons de mesurer le bien-être des populations. Un indicateur possible est celui du bien-être subjectif, tel qu'il est ressenti par les personnes, appréhendé par une question sur la satisfaction dans la vie.

Entre 1995 et 2007, celui-ci évolue moins favorablement que le PIB par habitant. Il stagne ou au mieux augmente faiblement dans la plupart des pays. C'est le « paradoxe d'Easterlin ». Depuis la crise, le bien-être subjectif a reculé ou au mieux stagné. Trois groupes de pays peuvent être distingués : les pays du Sud de l'Europe (Grèce, Italie, Portugal, Espagne) dans lesquels il a fortement baissé ; les pays de l'Est de l'Europe (Pologne, République tchèque et Slovaquie) où il a baissé, mais plus modestement ; enfin, les autres pays, dont la France (qualifiés de « Nord-Ouest » de l'Europe) où il est en moyenne stable.

Satisfaction dans la vie depuis 1995

indic e de bien-êtr e s ubjec tif, éc helle de 0 à 10

8,0

7,5

7,0

6,5

6,0

5,5

5,0

4,5

4,0

Pay s-Bas R oy aum e-U ni Allem agne

Irlande Franc e R épublique Tc hèque

Pologne Italie G rèc e

3,5

1995 1998 2001 2004 2007 2010 2013

Source: Veenhoven, R., World Database of Happiness, Erasmus University Rotterdam. Lecture : le degré de satisfaction moyen en France en 2013 est de 6,3 sur 10.

Cependant, les mesures du bien-être subjectif présentent des limites : elles sont sensibles à la psychologie des personnes (phénomènes de comparaison sociale et d'adaptation), leurs échelles sont bornées contrairement à la consommation des ménages par ex., et les différentes enquêtes indiquent des résultats parfois divergents.

Une mesure de l'utilité des individus

Complétant les mesures fournies par le PIB et le bien-être subjectif, il est possible de s'appuyer sur la théorie économique pour enrichir les mesures de consommation et approcher une mesure de l'utilité économique des ménages. C'est la démarche suivie dans ce dossier, avec la construction d'une mesure de l'utilité qui tient compte de la valorisation du temps de loisir et de l'effet de la taille des ménages sur la mutualisation du coût des consommations collectives. En effet, certaines dépenses ne croissent pas proportionnellement à la taille des ménages. Or le nombre moyen de personnes par ménage a tendance à diminuer dans la plupart des pays, ce qui renforce les coûts fixes et pèse négativement sur le pouvoir d'achat des individus.
La comparaison des deux périodes 1995-2007 et 2007-2012 permet d'illustrer la façon dont l'évolution de l'utilité dépend de facteurs structurels (taille des ménages, temps de loisir) et d'un facteur sensible à la crise (la consommation par habitant).

Évolution des médianes des taux de croissance annuels moyen des composantes de l'utilité par sous période

Paramètres dans le calcul de l'utilité 1995-2007 2007-2012 Variation entre les 2 périodes

Consommation effective par tête

Taille des ménages

Loisir

0,45 2,3 -0,1 -2,4

0,225 -0,4 -0,3 0,1

0,55 0,2 0,2 0,0

Utilité

/// 1,0 0,0 -1,0

PIB par tête

/// 2,4 -0,6 -3,0

Source : OCDE et auteurs.

Dans la période de croissance 1995-2007, la médiane du taux de croissance de l'utilité s'élève à 1,0 % par an ce qui représente environ la moitié de la médiane des taux de croissance du PIB (2,4 % par an). D'un côté, la consommation effective croît à un rythme équivalent à celui du PIB, ce qui favorise la croissance de l'utilité. Mais de l'autre, la croissance de la consommation ne contribue que pour 45 % à l'évolution de l'utilité. En effet, celui-ci dépend aussi, à hauteur de 55 %, du loisir. De plus, la baisse tendancielle de la taille des ménages ralentit l'utilité en limitant les économies d'échelle au sein des ménages. Dans la période de crise, l'utilité stagne alors que le PIB par habitant diminue plus nettement (-0,6 %). Cette tendance reflète le caractère moins cyclique de la consommation des ménages (-0,1 %). La poursuite de la décohabitation contribue à la baisse de l'utilité. À l'inverse, l'évolution toujours positive du temps de loisir (+0,2 %) apporte une contribution positive à l'utilité.

Au total, entre les deux périodes, les évolutions du temps de loisir et de la taille des ménages sont peu modifiées. Le temps consacré au loisir augmente de 0,2 % par an aux deux périodes, la taille des
ménages diminue de 0,4 % par an dans la première période, de 0,3 % dans la seconde. Ces deux

variables contribuent à rendre l'utilité moins sensible que le PIB au cycle.

PIB, utilité et satisfaction dans la vie avant et après la crise

Entre 1995 et 2007, si on remplace le PIB par habitant par l'utilité, sa corrélation avec le bien-être subjectif devient significativement positive, mais reste faible. Ainsi la prise en compte de la consommation effective, de la taille des ménages et du loisir permet de se rapprocher de l'évolution du bien-être subjectif.

Avec la crise de 2008, une relation plus nette apparaît entre bien-être subjectif et l'utilité. Cependant, celle-ci recouvre des situations variées. Dans les pays du Sud de l'Europe où la chute de l'utilité a été la plus forte, la satisfaction a nettement diminué. Cette baisse est beaucoup plus importante que ce qu'on attendrait au vu de la relation établie sur l'ensemble des pays (les pays du Sud de l'Europe sont situés en dessous de la droite de régression). Dans les pays de l'Est de l'Europe, la médiane de l'utilité a crû de 0,4 % par an, mais la satisfaction a diminué de l'ordre de

0,02 point. Comme pour le groupe précédent, l'évolution de la satisfaction est moins favorable que celle qu'indiquerait l'utilité. Enfin, dans les autres pays (« Nord-Ouest » de l'Europe), l'évolution de la satisfaction est supérieure à ce qui serait attendu au regard de l'évolution de l'utilité.

Utilité et satisfaction dans la vie, variation entre 2007 et 2012

É v o l u t i o n d e l a

s a t i s f a c t i o n d a n s l a v i e

0 , 1

N o r d - o u e s t d e l ' E u r o p e

R o y a u m e - U n i

F r a n c e

A l l e m a g n e

0 , 0

D a n e m a r k

S u è d e

B e l g i q u e

A u t r i c h e

P a y s - B a s

E s t o n i e

F i n l a n d e

S l o v a q u i e

P o l o g n e

- 0 , 1

I r l a n d e

R é p u b l i q u e t c h è q u e

I t a l i e

E s t d e E u r o p e

- 0 , 2

E s p a g n e

P o r t u g a l

S u d d e l ' E u r o p e

- 0 , 3

G r è c e

- 0 , 4

- 2 , 0 - 1 , 5 - 1 , 0 - 0 , 5 0 , 0 0 , 5 1 , 0 1 , 5

T a u x d e c r o i s s a n c e d e l ' u t i l i t é , e n %

Source : OCDE, Veenhoven, R., World Database of Happiness, Erasmus University Rotterdam, auteurs

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