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Guillaume Lubatti et Alexandre Bernaudeau, division Industrie et agriculture, Insee

Résumé

En 2014, dans l'Union européenne à 28, la valeur de la production agricole diminue sensiblement, la hausse des volumes produits ne compensant pas la forte baisse des prix. La valeur des consommations intermédiaires décroît aussi avec le prix des intrants. Au total, le revenu des facteurs de la branche agricole par actif en termes réels fléchit légèrement ; son niveau est quasiment stable depuis 2011.

En France, selon les données provisoires les plus récentes, ce revenu se redresse nettement (+ 10,5 %), après le fort recul de 2013. Cette progression provient essentiellement des productions de vin et de lait.

L'excédent extérieur français en produits agroalimentaires se réduit, passant de 11,7 à 9,7 milliards d'euros.

Publication En France, la valeur de la production agricole repart à la hausse

par actif se redresse nettement, après un repli important en 2013 (). Hors subventions sur les produits, la valeur de la de la branche agricole augmente en effet de 1,1 % par rapport à 2013 (figure 2) : cette croissance concerne aussi bien la production végétale (+ 0,7 %) que la production animale (+ 1,6 %). Pour la production végétale, le bond réalisé en volume est en grande partie effacé par un nouveau recul des prix. Ces mouvements sont particulièrement marqués pour les grandes cultures, l'abondance de la récolte mondiale venant peser sur les cours. Mieux orientée cette année, la viticulture bénéficie d'une augmentation conjuguée des volumes et des prix. Pour la production animale dans son ensemble, la croissance des volumes va de pair avec une diminution des prix. Celle-ci est sensible pour le bétail et la volaille. Seul le lait bénéficie d'une hausse simultanée des volumes et des prix, ces derniers étant soutenus par une importante demande mondiale.

Figure 2 - France : de la production à la valeur ajoutée (1)
Valeur 2014 (en milliards d'euros) Évolution 2014/2013 (en %)
Volume Prix Valeur
(1) Voir définitions.
(2) Autres plantes industrielles : tabac, lin textile, houblon, canne à sucre, etc.
(3) Services : production des entreprises de travaux agricoles, des coopératives d'utilisation de matériel agricole, services entre agriculteurs, agri-tourisme...
(4) Services d'intermédiation financière indirectement mesurés (définitions).
Source : Insee, compte provisoire de l'agriculture arrêté fin mai 2015, base 2010.
Production hors subventions (a) 74,3 + 6,5 - 5,1 + 1,1
Produits végétaux 42,6 + 9,8 - 8,3 + 0,7
Céréales 11,0 + 7,2 - 12,3 - 6,0
Oléagineux, protéagineux 2,6 + 20,5 - 11,5 + 6,6
Betteraves industrielles 0,9 + 10,0 - 16,0 - 7,6
Autres plantes industrielles (2) 0,5 + 6,0 + 4,3 + 10,5
Fruits, légumes, pommes de terre 6,9 + 6,3 - 14,4 - 9,0
Vins 12,4 + 12,1 + 2,5 + 14,9
Fourrages, plantes, fleurs 8,3 + 10,6 - 10,4 - 0,9
Produits animaux 27,0 + 2,4 - 0,8 + 1,6
Bétail (bovins, porcins, ovins, caprins, équidés) 11,3 + 0,6 - 4,5 - 4,0
Volailles, œufs 4,8 + 2,7 - 4,8 - 2,2
Lait et autres produits de l'élevage 10,9 + 4,4 + 5,6 + 10,3
Services (3) 4,7 + 0,2 + 1,2 + 1,4
Subventions sur les produits (b) 1,1 + 2,6 - 1,2 + 1,3
Production au prix de base (1) (c) = (a) + (b) 75,4 + 6,5 - 5,1 + 1,1
Consommations intermédiaires, dont : (d) 46,7 + 1,8 - 4,8 - 3,1
achats 39,7 + 0,3 - 2,5 - 2,2
Sifim (4) 1,1 + 1,7 + 11,4 + 13,3
Valeur ajoutée brute (e) = (c) - (d) 28,7 + 15,0 - 5,6 + 8,6
Consommation de capital fixe (f) 11,1 + 0,2 - 0,4 - 0,2
Valeur ajoutée nette (g) = (e) - (f) 17,6 + 25,8 - 8,6 + 15,0
Production végétale : la récolte progresse fortement, les prix reculent à nouveau

La production végétale fait un bond de 9,8 % en volume en 2014. Les récoltes de céréales se redressent nettement. Pour le blé tendre et l'orge, la hausse des rendements se conjugue avec celle des surfaces ensemencées. A contrario, la production de blé dur continue de refluer, desservie par un prix qui s'est rapproché de celui du blé tendre, moins coûteux à produire. Pour les oléagineux, la progression de la récolte est particulièrement forte, traduisant le rétablissement des rendements du colza à des valeurs plus habituelles. De même, la récolte de pommes de terre augmente nettement. La production de fruits et de légumes s'accroît légèrement ; les températures douces du premier semestre ont entraîné un début de campagne précoce pour de nombreuses variétés. Après deux années médiocres, la production de vins se redresse, excepté celle des vins de Champagne.

En conséquence, le prix de la production végétale (hors subventions sur les produits) diminue en moyenne de 8,3 %, accentuant son repli de l'année précédente. Les cours des céréales, oléagineux et protéagineux poursuivent leur recul. L'abondance des récoltes à l'échelle mondiale - en particulier, le blé, le maïs et le soja atteignent des niveaux historiques - pèse en effet lourdement sur les cours. Les prix des fruits fléchissent nettement. De plus, la chute du prix de la pomme de terre s'accélère, compte tenu des difficultés de commercialisation d'une partie de la récolte. Seule la viticulture bénéficie d'une fermeté des cours soutenus par la relative faiblesse des stocks.

Production animale : une année médiocre pour le bétail, favorable pour le lait

La production animale s'accroît de 2,4 % en volume. La production de gros bovins progresse légèrement après deux années de repli, avec en particulier une hausse des abattages de vaches de réforme dans la perspective de la fin des quotas laitiers. Celle des veaux diminue à un rythme ralenti et reste à un niveau bas. La production de porcins augmente timidement, les exportations étant notamment pénalisées par l'embargo russe pour motif sanitaire, et celle des ovins-caprins, tendanciellement en baisse, se redresse. La production de volailles est en hausse, tout comme celle des œufs. La collecte laitière s'accroît sensiblement, stimulée par la bonne orientation des prix.

Le prix de la production animale (hors subventions) décroît en moyenne de 0,8 %. Pour les gros bovins, le prix reflue, mais reste supérieur à son niveau moyen des cinq dernières années. Celui des veaux évolue peu. Le prix des porcins décroche, en lien avec l'importance de l'offre européenne. En revanche, celui des ovins-caprins augmente, en raison de moindres disponibilités. Le prix des volailles se retourne à la baisse, mais celui des œufs interrompt sa chute de 2013. Les cours du lait conservent leur dynamisme de l'année précédente, grâce notamment à la vigueur de la demande mondiale.

Le coût des intrants décroît

La valeur des consommations intermédiaires de la branche agricole diminue de 3,1 % en 2014 sous l'effet du recul des prix. Cette baisse intervient après trois années de hausse, l'alourdissement des charges entre 2010 et 2013 atteignant 18,8 %.

Ainsi, les achats en aliments pour animaux (hors produits agricoles intraconsommés) se contractent de 7,8 % : les prix des différentes catégories d'aliments sont en net repli, dans le sillage de la chute des cours des matières premières entrant dans leur composition (céréales, oléagineux, etc.). Globalement, les quantités d'aliments consommées sont en léger recul par rapport à celles de l'année précédente, avec une progression pour les bovins, une stabilité pour les volailles et une baisse pour les porcins et l'allaitement des veaux. La facture énergétique diminue en raison du recul des prix. Son niveau reste cependant élevé, après les hausses enregistrées de 2010 à 2012. Le prix moyen des différents produits pétroliers régresse de 5,7 % dans le sillage de celui du baril de pétrole (- 9 %). Le prix du gaz naturel est également en baisse tandis que celui de l'électricité se renchérit. Les dépenses en engrais décroissent sensiblement, en lien avec la chute des prix de toutes les catégories d'engrais. Les quantités consommées restent globalement stables : l'augmentation des utilisations d'engrais contenant de l'azote est compensée par la réduction de celles d'engrais à base de phosphore et/ou de potassium. La charge en produits de protection des cultures est pratiquement stable.

Le revenu des facteurs de la branche agricole se redresse

Le montant total des subventions à la branche agriculture est quasiment stable, autour de 9,1 milliards d'euros. Les subventions sur les produits augmentent de 1,3 %, avec notamment la mise en place d'une aide à la pomme de terre de féculerie. Les subventions d'exploitation, qui constituent désormais les principales aides directes à l'agriculture, baissent de 1,0 % malgré les premiers remboursements liés au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). La préfiguration de la prochaine politique agricole commune (PAC) fait diminuer le paiement unique au profit des aides agroenvironnementales.

Dans ce compte provisoire de l'agriculture, le revenu des facteurs de la branche agricole augmente nettement (+ 10,2 %), sans compenser la baisse de 2013 (). Ce redressement est dû à celui de la valeur de la production agricole (+ 1,1 %) combiné à une baisse des consommations intermédiaires (- 3,1 %) et de la consommation de capital fixe (- 0,2 %). Comme l'emploi agricole total diminue de 0,8 %, le revenu des facteurs de la branche agricole par actif croît un peu plus vite : + 11,1 % (). En termes réels, il s'accroît de 10,5 % en 2014, après un recul de 15,6 % en 2013 et trois années à un niveau élevé. Il retrouve un niveau comparable à 2010 ou 2007 ().

Figure 3 - France : de la valeur ajoutée au revenu des facteurs de la branche agricole¹
Valeur 2014 (en milliards d'euros) Évolution 2014/2013 (en %)
1. Voir définitions.
Source : Insee, compte provisoire de l'agriculture arrêté fin mai 2015, base 2010.
Valeur ajoutée nette (a) 17,6 + 15,0
Subventions d'exploitation, dont : (b) 8,0 - 1,0
bonifications d'intérêts 0,1 -
Autres impôts sur la production (c) 1,6 - 0,3
Impôts fonciers 1,0 + 1,3
Autres 0,6 - 3,0
Revenu des facteurs de la branche agricole (d) = (a) + (b) - (c) 24,0 + 10,2
Figure 4 - France : croissance du revenu des facteurs de la branche agricole entre 2013 et 2014
en %
1. Unités de travail annuel (équivalents temps plein de l'agriculture).
Source : Insee, compte provisoire de l'agriculture arrêté fin mai 2015, base 2010.
Revenu des facteurs de la branche agricole + 10,2
Revenu des facteurs de la branche agricole par actif + 11,1
Revenu des facteurs de la branche agricole par actif en termes réels + 10,5
Évolution du prix du produit intérieur brut + 0,6
Évolution du nombre d'UTA (1) total - 0,8
Évolution du nombre d'UTA des actifs non salariés - 2,2
L'excédent du commerce extérieur décroît de deux milliards

En 2014, l'excédent du commerce extérieur en produits agroalimentaires (hors négoce international) diminue de 2,0 milliards d'euros et atteint 8,6 milliards d'euros.

L'excédent en produits bruts issus de l'agriculture, de la sylviculture et de la pêche recule de 1,5 milliard pour s'établir à 2,6 milliards. La dégradation du solde en produits bruts concerne aussi bien l'Union européenne, avec laquelle l'excédent atteint 3,8 milliards, en baisse de 1,0 milliard, que les pays tiers, avec lesquels le déficit se creuse de 522 millions et s'établit à 1,2 milliard.

Cette détérioration du solde des échanges en produits bruts résulte du repli de 10 % de la valeur des exportations sous l'effet d'une baisse des prix de 11,7 %, les volumes augmentant de 2 %. Les ventes sont particulièrement pénalisées par la diminution sensible des prix des céréales, qui entraîne une réduction des excédents de 526 millions (- 12,6 %) pour le blé tendre, de 484 millions (- 34,2 %) pour l'orge et de 431 millions (- 24,5 %) pour le maïs. Les prix des oléagineux et des pommes de terre sont également en net repli. Le déficit en fruits se réduit, bénéficiant de la progression soutenue des quantités expédiées, en particulier pour les pommes. L'excédent en animaux vifs reste stable.

S'établissant à 5,9 milliards d'euros, l'excédent en produits transformés est en baisse de 439 millions. Le solde avec l'Union européenne s'était fortement dégradé entre 2012 et 2013, la France passant d'une position excédentaire de 599 millions à une position déficitaire de 16 millions. En 2014, ce déficit se creuse et atteint 258 millions. Avec les pays tiers, l'excédent s'établit à 6,2 milliards, en repli de 197 millions.

Les exportations de produits transformés reculent de 182 millions d'euros (- 0,4 %). En 2014, les ventes de viandes et de boissons subissent les plus forts reculs, respectivement - 287 millions (- 5,9 %) et - 241 millions (- 1,7 %). Les ventes de viandes porcines ont été pénalisées par l'embargo russe et celles de viandes de volailles par le recul des expéditions vers le Moyen-Orient, notamment l'Arabie Saoudite. Les exportations de vins rouges de Bordeaux sont en net repli, en particulier vers le Royaume-Uni. Il en est de même pour celles de cognac vers l'Asie de l'Est. Au contraire, les exportations de champagne sont en hausse. Malgré une progression en volume, les ventes de sucre sont en baisse de 146 millions (- 11,6 %), du fait de la forte réduction des prix. La dégradation globale des ventes est cependant limitée par le dynamisme des exportations de produits laitiers, en hausse de 478 millions (+ 7,2 %).

De son côté, la facture française en produits transformés croît de 257 millions (+ 0,7 %). La principale contribution à cette hausse provient de l'augmentation de 426 millions (+ 6,1 %) des achats en « autres produits alimentaires », en particulier les produits à base de cacao, dont les importations croissent de 241 millions (+ 10,1 %). À l'opposé, les achats d'huiles se réduisent de 248 millions (- 7,3 %) en raison du recul des prix.

D'après les comptes prévisionnels établis en janvier 2015, dans l'Union européenne à 28 (sources), la valeur de la production agricole hors subventions en 2014 recule en termes réels (- 3,3 %) : les volumes augmentent (+ 3,0 %) alors que les prix baissent fortement (- 6,1 %). La production végétale diminue en valeur (- 5,8 %) : l'augmentation des volumes de production de betteraves, d'oléagineux, de pommes de terre et de céréales (entre + 6,5 % et + 11,2 %) a entraîné une forte baisse de leurs prix (entre - 12,0 % et - 28,6 %). De même, la diminution de la production animale en valeur résulte d'une baisse des prix (- 2,9 %), en partie compensée par la hausse du volume de production (+ 1,9 %). Le recul du prix de production est particulièrement marqué pour les porcins (- 7,1 %) et les bovins (- 5,3 %) ; l'augmentation des volumes concerne essentiellement le lait (+ 3,5 %) et la volaille (+ 3,2 %).

Les consommations intermédiaires diminuent de 3,8 % en termes réels, leur faible hausse en volume étant plus que compensée par les baisses des prix de l'alimentation animale (- 9,4 %) et des engrais (- 7,1 %). Les autres charges nettes baissent modérément, si bien que le revenu des facteurs par actif baisse légèrement (- 1,2 % en termes réels). Il recule dans 16 des 28 États membres. Les baisses les plus marquées se situent en Finlande (- 17,4 %), en Belgique, au Danemark et en Italie ; les plus fortes progressions ont lieu en Slovénie (+ 13,5 %), en Hongrie, en République tchèque ainsi qu'en Croatie.

Depuis l'année 2005, dans l'ensemble de l'Union européenne à 28, le revenu des facteurs de la branche agricole par actif a augmenté de 34,6 % en termes réels (), selon les données disponibles fin janvier 2015. Il a progressé dans 25 pays. Dans les États de l'ancienne Union européenne à 15, ce revenu n'a augmenté globalement que de 18,2 %, mais avec de fortes disparités. Il a notamment reculé en Irlande et au Luxembourg. Dans le même temps, il a augmenté de plus de 50 % en Allemagne, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. La France se situe en dessous de la moyenne. Pour les nouveaux États membres, il a presque doublé en Bulgarie et en Estonie et il a même plus que doublé en Slovaquie et en Hongrie. Ces bons résultats sont dus essentiellement à la forte réduction des effectifs agricoles.

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