Xavier Besnard, division Enquêtes thématiques et études transversales, Insee

Résumé

Entre 2010 et 2012, 53 % des sociétés de 10 salariés ou plus ont innové parmi celles relevant du champ de l'enquête Innovation. 37 % des sociétés ont innové en produits ou procédés et 42 % en organisation ou marketing. Une société sur six a introduit des produits nouveaux qui n'existaient pas sur le marché. À champ sectoriel constant, la propension à innover est quasiment stable entre les périodes 2008-2010 et 2010-2012. Les sociétés exportatrices innovent davantage que les autres (64 % contre 43 %), en particulier pour créer de nouveaux produits. Près de la moitié des sociétés innovantes ont reçu un soutien financier public. Les sociétés qui répondent à des marchés publics ou qui réalisent des travaux de sous-traitance pour un tiers sont en moyenne plus innovantes.

Publication Un peu plus de la moitié des sociétés du champ de l'enquête innovent

Au cours des années 2010 à 2012, dans les secteurs interrogés , 53 % des sociétés marchandes de 10 salariés ou plus implantées en France ont innové (figure 1). L'innovation est entendue ici au sens large : elle peut concerner la création ou l'amélioration de produits (biens ou prestations de services), porter sur les procédés de production, les modes d'organisation ou encore les stratégies de vente.

Les innovations technologiques, dédiées aux produits ou aux procédés de production, constituent le cœur de l'innovation, étant le plus directement liées à la production. De 2010 à 2012, 37 % des sociétés ont innové dans ce domaine, cette proportion variant de 54 % dans le secteur de l'information et de la communication à 18 % dans celui des transports (figure 2).

L'innovation en produits consiste pour une société en l'élargissement de sa gamme de biens ou de services, que ceux-ci soient déjà proposés ou non sur le marché. Parmi les sociétés innovantes en produits (24 %), 78 % ont innové en biens et 51 % en services ; un peu moins d'un tiers des sociétés ont innové dans les deux types simultanément. L'introduction d'un produit nouveau sur le marché, marqueur d'une réelle capacité créative des sociétés, est le fait de 16 % de l'ensemble des sociétés (figure 1).

L'innovation de procédés concerne également 24 % des sociétés, sans nécessairement qu'elles aient innové en produits. La majorité de ces innovations porte sur les procédés de fabrication, un peu moins sur les activités de soutien et sur les méthodes de logistique.

Par ailleurs,  quatre sociétés sur dix entreprennent des innovations d'organisation ou de marketing (innovations non technologiques). 34 % des sociétés innovent dans l'organisation, plus souvent dans les méthodes de travail et de prise de décision que dans les procédures ou les relations externes. Enfin, 25 % des sociétés innovent en marketing, notamment sur les modes de promotion, l'apparence ou les stratégies de tarification, un peu moins sur les méthodes de vente ou de distribution des produits.

Figure 2 - Poids de l'innovation en nombre de sociétés et en chiffre d'affaires entre 2010 et 2012
Note : les intitulés des secteurs d'activité respectent les sections de la NAF rév. 2 sauf « Commerce de gros » qui désigne la division 46 de la NAF rév. 2 et « Activités scientifiques et techniques » qui désigne les divisions 71, 72 et 73 de la NAF rév. 2. Le secteur « Activités financières et d'assurance » est hors holdings financières.
Lecture : entre 2010 et 2012, 24 % des sociétés de 10 salariés ou plus étaient innovantes en produits. Les ventes de produits nouveaux représentaient 13 % du chiffre d'affaires de l'ensemble des sociétés (les ventes de produits nouveaux pour le marché 6 % et, par différence, les ventes de produits nouveaux pour la société uniquement, 7 %). Une même société peut bien sûr réaliser des innovations de plusieurs types.
Champ : sociétés actives de 10 salariés ou plus implantées en France, divisions 05 à 39, 46, 49 à 53, 58 à 66 et 71 à 73 de la NAF rév. 2.
Source : Insee, enquête Innovation (CIS) 2012.
En % du nombre total de sociétés Part du chiffre d'affaires correspondant à la vente (en %) :
Innovations technologiques Organisation Marketing ... de produits nouveaux pour le marché ... de produits nouveaux (pour le marché ou pour la société uniquement)
Ensemble Produits Procédés
Secteur d'activité
Industrie manufacturière, industries extractives et autres 42 28 28 34 23 8 17
Commerce de gros 28 16 18 33 29 4 7
Transports et entreposage 18 9 15 26 15 4 8
Information et communication 54 44 33 45 38 9 17
Activités financières et d'assurance 48 36 35 53 45 5 15
Activités scientifiques et techniques 42 31 25 40 27 8 13
Effectif salarié
De 10 à 49 salariés 32 20 21 31 23 4 7
De 50 à 249 salariés 50 35 33 41 31 4 8
250 salariés ou plus 70 55 49 55 45 8 17
Ensemble 37 24 24 34 25 6 13
Information-Communication et Finance-Assurance sont les deux secteurs les plus innovants

Globalement, les deux secteurs les plus innovants sont l'information et la communication ainsi que les activités financières et d'assurance : respectivement 69 % et 67 % des sociétés de ces secteurs ont innové entre 2010 et 2012 . Une majorité de sociétés innovent également dans les activités scientifiques et techniques (61 %), l'industrie (55 %) et le commerce de gros (50 %).

La proportion de sociétés innovantes augmente avec la taille de celles-ci : 81 % parmi les sociétés de 250 salariés ou plus, contre 49 % parmi celles de 10 à 49 salariés. Elle est également plus élevée pour les sociétés appartenant à un groupe ou à un réseau d'enseignes : 60 %, contre 48 % pour les sociétés indépendantes.

Le taux d'innovation est globalement stable entre les périodes 2008-2010 et 2010-2012

, la part de sociétés investissant dans des innovations est stable : 53 % entre 2010 et 2012, contre 54 % entre 2008 et 2010. Globalement, le taux d'innovation technologique évolue peu (37 % contre 35 %). Il n'augmente sensiblement que dans le commerce de gros (28 % contre 23 %) et dans les activités financières et d'assurance (48 % contre 40 %), l'innovation étant plutôt stable dans les autres secteurs.

Dans l'ensemble, le taux d'innovation non technologique, en organisation ou en marketing, n'évolue pratiquement pas non plus (42 % en 2010-2012 contre 44 % en 2008-2010). Toutefois, il diminue significativement dans les secteurs des transports et entreposage (31 % contre 37 %), des activités scientifiques et techniques (48 % contre 53 %). À l'opposé, il progresse dans les activités financières et d'assurance (62 % contre 58 %). Prise isolément, l'innovation en organisation recule globalement de 3 points.

Les sociétés exportatrices sont plus innovantes que les autres

Entre 2010 et 2012, 64 % des sociétés exportatrices ont innové, contre 43 % des sociétés non exportatrices . En particulier, la proportion de sociétés engagées dans des innovations technologiques n'est que de 25 % pour les sociétés dont le marché est régional ou national contre 49 % pour les sociétés qui exportent. En outre, 25 % des sociétés exportatrices ont introduit un produit nouveau sur le marché, contre seulement 8 % des autres. Même dans l'information et la communication, où l'introduction de nouveaux produits est relativement fréquente (33 % des sociétés de ce secteur), cette part est nettement plus forte parmi les sociétés exportatrices (42 % contre 22 % pour les autres sociétés).

Une analyse « toutes choses égales par ailleurs » confirme ce constat : à secteur et taille identiques, qu'elles appartiennent à un groupe ou non, la probabilité d'innover est beaucoup plus élevée pour les sociétés exportatrices que pour les autres, surtout en produits, et notamment en produits nouveaux sur le marché. En effet, exporter implique une adaptation à un marché extérieur concurrentiel souvent exigeant. Il est plus difficile de s'imposer sur le marché international avec des produits déjà existants, en raison notamment des coûts engendrés par le commerce international (transport, adaptation aux normes en vigueur dans les différents pays...).

Une société technologiquement innovante sur deux a reçu un soutien financier public

Au cours des années 2010 à 2012, 49 % des sociétés ayant eu une activité d'innovation technologique ont reçu un soutien financier public pour la conduire . 40 % ont bénéficié d'un crédit d'impôt recherche (CIR) ou d'une autre exonération fiscale ou sociale et 24 % ont obtenu des subventions, prêts, avances remboursables ou garanties de prêt, 15 % ayant bénéficié de ces deux types de soutien public. La proportion de sociétés ayant reçu un soutien financier public, quel qu'il soit, dans le cadre d'innovations technologiques augmente avec la taille de celles-ci. Elle passe ainsi de 44 % pour celles employant 10 à 49 salariés à 59 % pour les 50 à 249 salariés et atteint 71 % pour celles de 250 salariés ou plus. La différence est plus marquée pour le CIR et les autres exonérations (proportions respectivement de 33 %, 51 % et 67 %) que pour les subventions, prêts ou avances (24 %, 26 % et 31 %). Cette proportion varie également selon les secteurs d'activité. Elle est assez faible dans les deux secteurs présentant un taux d'innovation technologique inférieur à la moyenne, les transports et entreposage (12 %) et le commerce de gros (26 %), mais aussi dans le domaine des activités financières et d'assurance (21 %). À l'opposé, elle est plus forte dans l'industrie et les activités scientifiques et techniques (respectivement 57 % et 61 %) et atteint 63 % dans l'information et la communication. Ces différences sectorielles s'observent quelle que soit la taille des sociétés.

Les sociétés innovantes exportatrices ont plus souvent reçu un soutien financier public que les sociétés innovantes non exportatrices (59 % contre 32 %). Les sociétés innovantes appartenant à un groupe français ont bénéficié plus fréquemment d'un CIR ou d'autres exonérations que les sociétés innovantes indépendantes (47 % contre 35 %). Ces dernières ont reçu par contre un peu plus souvent des subventions, prêts ou avances (28 % contre 23 %).

Les subventions, prêts et avances sont plus fréquemment attribués par un organisme national que par une collectivité territoriale ou que par l'Union européenne : parmi les sociétés bénéficiaires, 77 % ont eu au moins un soutien d'un organisme national, 48 % d'une collectivité territoriale et 29 % de l'Union européenne. Ce type de soutien représente plus de 30 % des dépenses d'innovation de l'année 2012 pour plus du quart des sociétés concernées.

Parmi les sociétés ayant eu un soutien financier public, près de la moitié ont trouvé que les conditions requises étaient exigeantes et, autant, que les démarches à effectuer étaient excessivement lourdes ; moins d'un quart ont eu des problèmes d'accès à l'information sur les financements possibles. Au contraire, pour les sociétés n'ayant pas eu ce type de soutien, le motif de non recours cité le plus fréquemment est le manque de connaissance des aides auxquelles elles pouvaient prétendre (44 % d'entre elles). Seulement 29 % de ces dernières ont trouvé les démarches à effectuer trop lourdes, 18 % les conditions requises exigeantes et 3 % ont vu leur demande refusée, tandis que 27 % indiquent ne pas en avoir eu besoin.

Les sociétés qui répondent à un marché public ou qui réalisent des travaux de sous-traitance sont plus innovantes

Les sociétés réalisant des prestations pour des tiers via des marchés publics, et plus encore via des contrats de sous-traitance, apparaissent plus innovantes que les autres ; ce constat se vérifie quelles que soient les caractéristiques de taille, de secteur, de présence ou non à l'export et d'appartenance ou non à un groupe. Ainsi 62 % des sociétés ayant répondu à des marchés publics entre 2010 et 2012 sont innovantes (elles représentent 35 % des sociétés innovantes), de même que 66 % des sociétés ayant travaillé en sous-traitance sur la même période (elles représentent 36 % des sociétés innovantes). Dans ces sociétés travaillant pour des tiers, l'innovation technologique est également plus fréquente que la moyenne (respectivement 42 % et 47 % contre 37 % en moyenne). Cependant, la majorité des sociétés innovantes titulaires d'un marché public ou de sous-traitance n'innovent pas spécifiquement pour répondre à ces marchés ; ce n'est le cas que de quatre sur dix d'entre elles . De fait, l'innovation n'est qu'assez rarement exigée dans les deux types de contrats : seules 14 % des sociétés innovantes titulaires d'un marché public déclarent que l'innovation était exigée dans au moins un des marchés publics qu'elles ont satisfaits ; cette proportion est de 16 % pour les contrats de sous-traitance.

Figure 5 - Lien entre le contrat considéré et l'innovation des sociétés innovantes au sens large sous contrat de marché public ou de sous-traitance
en % du nombre de sociétés
Lecture : parmi les sociétés innovantes ayant eu un contrat de marché public entre 2010 et 2012, 60 % n'ont pas innové pour satisfaire un contrat de marché public ; inversement, 40 % ont innové pour satisfaire au moins un contrat de marché public, bien que l'innovation ne fût exigée dans aucun des contrats de marché public pour 26 % de ces sociétés.
Champ : sociétés actives de 10 salariés ou plus implantées en France, divisions 05 à 39, 46, 49 à 53, 58 à 66 et 71 à 73 de la NAF rév. 2, et innovantes au sens large.
Source : Insee, enquête Innovation (CIS) 2012.
Sociétés innovantes ayant eu un contrat de marché public entre 2010 et 2012 Sociétés innovantes ayant eu un contrat de sous-traitance entre 2010 et 2012
Sociétés n'ayant pas innové dans le cadre de ce type de contrat 60 62
Sociétés ayant innové au moins une fois dans le cadre de ce type de contrat 40 38
- l'innovation était exigée dans tous les contrats 9 10
- l'innovation était parfois exigée dans le contrat 5 6
- l'innovation n'était exigée dans aucun contrat 26 22
Encadré

Pour maintenir ou augmenter la compétitivité de leurs innovations de produits ou de procédés introduites de 2010 à 2012, 19 % des sociétés technologiquement innovantes ont déposé un brevet, 21 % une marque et 12 % un modèle ou un dessin. Au total, un tiers des sociétés engagées dans une innovation technologique a recouru à l'un de ces trois moyens. Cette proportion est du même ordre dans tous les secteurs sauf dans le transport-entreposage où elle n'est que de 6 %. Cependant, le recours à chacun de ces moyens varie selon les secteurs. L'utilisation de brevets atteint 24 % dans les activités scientifiques et techniques et dans l'industrie alors qu'elle est très faible dans la finance et l'assurance (2 % des cas). Dans ce dernier secteur, la marque déposée est le moyen essentiellement privilégié (29 % des cas). Le dépôt de modèle est le moyen le moins fréquent dans pratiquement tous les secteurs ; cependant, environ 15 % des sociétés technologiquement innovantes de l'industrie et du commerce de gros y ont recours.

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