Claire Kubrak, direction régionale de Midi-Pyrénées, Insee

Résumé

Entre 2010 et 2012, plus de la moitié des « PME régionales » de l'industrie manufacturière, de l'information-communication et des activités scientifiques et techniques ont innové. Cette part varie selon les régions, en fonction du secteur d'activité et de la taille des sociétés locales. L'ouverture à l'export, l'investissement, les qualifications des salariés jouent également. Au-delà de ces facteurs individuels, la région d'implantation des sociétés semble aussi avoir de l'importance sur l'innovation.

Publication Plus d'une « PME régionale » sur deux innove

La grande majorité des « petites et moyennes entreprises » (PME ; sources) concentrent plus des quatre cinquièmes de leurs salariés dans la même région. Ces PME « régionales » représentent 90 % des sociétés de 10 salariés ou plus dans l'industrie manufacturière, l'information-communication et les activités scientifiques et techniques. Dans ces secteurs, 56 % d'entre elles ont innové entre 2010 et 2012, selon l'enquête communautaire sur l'innovation (CIS). L'innovation est entendue ici au sens large ; il peut s'agir d'innovation technologique (création de nouveaux produits ou procédés), d'innovation en marketing ou encore en organisation. Ce taux de sociétés innovantes dépasse de trois points celui publié sur le champ global de l'enquête (). L'écart s'explique essentiellement par le champ d'activité ciblé dans cette étude. En effet, ces secteurs offrent davantage d'opportunités technologiques que les autres secteurs d'activité.

Sur le champ étudié, des résultats de l'enquête CIS représentatifs au niveau régional sont disponibles pour neuf régions (sources). La part des PME ayant innové entre 2010 et 2012 y varie de 49 % dans le Nord - Pas-de-Calais et en Corse à 59 % ou 60 % dans les Pays de la Loire, en Provence - Alpes - Côte d'Azur (Paca) et en Guyane ().

Des écarts régionaux malgré des potentiels d'innovation proches

Les écarts entre les neuf régions s'expliquent en partie par des effets de structure, liés à la répartition des sociétés locales par secteur d'activité et par taille. En effet, certains secteurs sont en moyenne plus innovants. Par exemple, 67 % des PME régionales de l'information-communication ont innové, contre 48 % dans l'industrie agro-alimentaire (). Par ailleurs, plus les PME sont grandes, plus elles tendent à innover : elles bénéficient en effet d'un accès plus facile à des financements, ou d'une palette plus large d'activités permettant de mieux répartir les risques.

Mais le secteur d'activité et la taille des PME n'expliquent que partiellement les différences entre régions. En effet, sur le champ considéré, les tissus productifs régionaux se ressemblent suffisamment pour que les effets de structure restent limités. Les « taux d'innovation attendus » (ou « potentiels d'innovation »), calculés à la fois au regard des résultats nationaux et des caractéristiques régionales d'activité et de taille, sont peu dispersés (). Seules la Corse et la Guyane se distinguent par des taux attendus plus faibles que la moyenne. Elles comptent en effet beaucoup de petites PME de l'industrie agro-alimentaire et relativement peu de PME dans l'information-communication et les activités scientifiques et techniques.

Les écarts entre les taux d'innovation observés ne s'expliquent pas seulement par les spécificités des tissus productifs régionaux en termes de secteurs d'activité et de taille des entreprises. De fait, les taux observés sont parfois très différents des taux attendus. Ainsi, le Nord - Pas-de-Calais et la Picardie innovent moins que leur potentiel ; les taux observés sont inférieurs respectivement de 7 et 3 points aux taux attendus. À l'inverse, la Guyane innove bien au-delà de son faible potentiel (+ 10 points).

Des contextes régionaux plus ou moins favorables

La dimension du marché, l'investissement et la qualification de la main-d'œuvre influent aussi sur la probabilité d'innover. Ainsi, à caractéristiques comparables (), les PME régionales qui ont exporté en 2009 ont plus de chances d'avoir innové entre 2010 et 2012. Le bénéfice est d'autant plus marqué que le poids des exports dans le chiffre d'affaires est élevé. Même constat pour l'investissement : plus les PME régionales investissent et plus leur propension à innover est forte. Les compétences internes à la société, évaluées par les parts des ingénieurs, cadres techniques, et des emplois destinés à la conception et à la recherche favorisent également l'innovation.

Mais des écarts entre régions subsistent même lorsque l'on contrôle aussi des caractéristiques propres des entreprises. Ils suggèrent que la région d'implantation des sociétés, et donc l'environnement dans lequel elles exercent leur activité, joue également un rôle. Les PME des Pays de la Loire et de la Guyane ont les probabilités d'innover les plus fortes, celles du Nord - Pas-de-Calais et de Picardie affichent un déficit d'innovation par rapport aux sept autres régions.

Encadré
Analyse « toutes choses égales par ailleurs » de la propension à innover

La méthode utilisée pour mettre en évidence les facteurs d'innovation est un modèle « toutes choses égales par ailleurs », permettant d'isoler l'effet propre de chaque facteur. Les caractéristiques des sociétés prises en compte sont les suivantes : secteur d'activité, tranche d'effectif salarié, parts des ingénieurs, cadres techniques et des emplois de conception-recherche, taux d'export, d'investissement et taux de marge, chiffre d'affaires, appartenance à un groupe et région d'implantation.

Hormis le secteur d'activité et l'effectif salarié, toutes les variables du modèle sont relatives à 2009. Cela permet d'approcher au mieux les caractéristiques des sociétés avant innovation, pour ne pas considérer comme déterminant de l'innovation des performances déjà modifiées par l'innovation. Toutefois, les entreprises ayant innové entre 2010 et 2012 avaient pu déjà innover auparavant.

Sources

Les résultats présentés ici proviennent de l'enquête communautaire sur l'innovation (CIS) 2012. Les résultats nationaux sont présentés dans l'Insee première n° 1521. L'enquête a fait l'objet d'une extension dans les neuf régions suivantes : Auvergne, Corse, Guyane, Limousin, Nord - Pas-de-Calais, Pays de la Loire, Picardie, Provence - Alpes - Côte d'Azur et Rhône-Alpes.

Dans cette étude, on se restreint aux unités légales (appelées ici « sociétés ») de 10 à 249 salariés. On parlera ici de PME selon l'ancienne nomenclature utilisée pour les unités légales : elle diffère de la nouvelle nomenclature d'entreprises « au sens économique » issue de la Loi de modernisation de l'économie (décret d'application n°2008-1354 de l'article 51). Ce concept économique ne peut pas être appréhendé à partir de l'enquête.

On se restreint également aux sociétés « régionales », c'est-à-dire celles dont plus de 80 % de l'effectif salarié est localisé dans la même région. Enfin, le champ sectoriel retenu est celui de l'industrie manufacturière (section C de la nomenclature NAF rév.2), de l'information et de la communication (divisions 58 à 63) et des activités scientifiques et techniques (divisions 71 à 73).

A total, l'échantillon compte 10 800 sociétés, dont 7 100 dans les neuf régions concernées par une extension.

Le taux d'innovation attendu (ou potentiel d'innovation) d'une région est calculé en appliquant le taux de sociétés innovantes mesuré nationalement dans chaque secteur d'activité et tranche de taille à la proportion de ces entreprises dans chaque région.

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