* Les manifestants ont présenté leurs demandes

* Le Premier ministre promet des "réformes radicales"

* Grande manifestation prévue vendredi

* La crise pourrait compromettre la lutte contre l'EI (Actualisé avec retrait des manifestants)

par Stephan Kalin et Ahmed Rachid

BAGDAD, 1er mai (Reuters) - Les manifestants qui occupaient depuis 24 heures la "zone verte", le secteur fortifié du centre de Bagdad, l'ont quitté dimanche après avoir présenté leurs revendications et ont promis d'y revenir à la fin de la semaine pour maintenir la pression.

L'Irak est en crise politique depuis plusieurs mois. Le Premier ministre Haïdar al Abadi, un chiite comme la majorité des Irakiens, veut remplacer des ministres politiques du gouvernement par des techniciens dans le cadre d'un plan de lutte contre la corruption. Le Parlement, divisé, n'a pas approuvé cette proposition.

La frustration engendrée par ce blocage a débouché sur l'occupation de la zone verte. Samedi, plusieurs centaines de partisans du puissant imam chiite Moktada al Sadr ont envahi cet endroit ultra-sécurisé de Bagdad, où se trouvent les ambassades, des ministères et le Parlement. Ils ont pénétré à l'intérieur du Parlement puis ont installé des tentes non loin de là pour passer la nuit, afin de protester contre l'absence de vote sur un nouveau gouvernement en Irak.

Les sadristes multiplient les initiatives depuis des semaines pour obtenir la constitution du gouvernement de techniciens promis. Ils étaient des milliers mardi dans les rues de Bagdad pour exiger des parlementaires un vote en faveur d'un remaniement.

Mais les partis irakiens et leurs représentants au Parlement résistent aux efforts déployés par le Premier ministre pour remplacer certains ministres, choisis en fonction de critères partisans, ethniques ou religieux, craignant le démantèlement du clientélisme à l'origine de leur influence et de leur richesse.

Les manifestants de la zone verte ont multiplié les revendications. Outre le vote du Parlement sur le gouvernement de techniciens, ils réclament aussi la démission du président de la République, du Premier ministre et du président du Parlement, ainsi que de nouvelles élections.

DÉSOBÉISSANCE CIVILE

Si aucun de ces souhaits n'est exaucé, les manifestants utiliseront "tous les moyens légitimes", y compris la désobéissance civile, a déclaré une de leurs porte-parole, selon ses propos retransmis par les chaînes de télévision.

Quelques moments après, plusieurs centaines de manifestants quittaient pacifiquement la "zone verte".

Cette sortie de crise en douceur est intervenue après une réunion organisée par le Premier ministre. Haïdar al Abadi avait invité le président, le président du Parlement et les chefs de file des groupes politiques qui ont qualifié l'intrusion dans la "zone verte" de "violation de la constitution qui fera l'objet de poursuites".

Les réunions de haut niveau de ce genre se poursuivront dans les prochains jours, ont dit les participants qui ont promis "des réformes radicales".

L'ancien Premier ministre Nouri al Maliki, qui dirige le parti Daoua, et les représentants de l'imam Moktada Sadr n'étaient pas de cette réunion, a dit à Reuters un homme politique qui y a pris part.

Lors de la réunion Haïdar al Abadi a été accusé d'avoir mal géré la crise, a déclaré un participant. Un autre a déclaré que la crise était devenue un conflit entre chiites pour savoir qui allait diriger l'Irak.

Le Premier ministre a fait valoir que la crise politique pourrait compromettre la lutte contre l'Etat islamique, qui contrôle toujours d'importants territoires dans le nord et l'ouest du pays.

Deux attentats à la voiture piégée revendiqués par l'organisation fondamentaliste sunnite ont fait 32 morts et plus de 70 blessés dimanche dans le centre de Samaoua, une ville du sud de l'Irak.

Une intrusion dans la zone verte, est sans précédent depuis la guerre déclenchée par les Etats-Unis en 2003, même si cette zone de dix kilomètres carrés le long du Tigre a déjà été visée, il y a plusieurs années, par des pluies d'obus de mortier. (Avec Saïer al Soudani; Jean-Stéphane Brosse, Eric Faye et Danielle Rouquié pour le service français)