(Actualisé avec précisions, commentaire, contexte)

par Ahmed Rasheed

BAGDAD, 16 août (Reuters) - Une commission parlementaire irakienne a demandé dimanche le renvoi devant la justice d'une trentaine de responsables politiques et militaires, dont l'ancien Premier ministre Nouri al Maliki, pour leur rôle dans la chute de Mossoul, la grande ville du Nord conquise en juin 2014 par les djihadistes de l'Etat islamique (EI).

L'actuel chef du gouvernement, Haïdar al Abadi, a par ailleurs approuvé le renvoi devant une cour martiale d'officiers accusés d'abandon de poste lors des combats ayant mené, au printemps dernier, à la chute d'une autre ville importante, Ramadi, la capitale de la province d'Anbar, à l'ouest de Bagdad.

Ces décisions interviennent une semaine après le lancement par Abadi d'une vaste campagne de réformes politiques et administratives, avec pour objectifs affichés la lutte contre la corruption et l'abandon de la répartition des postes entre les différentes communautés ethniques ou religieuses du pays.

Aucune enquête officielle n'a expliqué à ce jour pourquoi Mossoul, la deuxième plus grande ville d'Irak, avait été perdue, ni qui avait donné l'ordre aux soldats irakiens d'abandonner le combat.

La prise de Mossoul a été un tournant dans l'émergence de l'Etat islamique, qui contrôle près d'un tiers du territoire de l'Irak.

Le rapport des parlementaires, que Reuters a pu consulter, conclut que Nouri al Maliki, avait une vision inexacte de la menace pesant sur Mossoul car il s'était entouré de généraux corrompus qui n'assumaient pas leurs responsabilités.

Le rapport met aussi directement en cause, entre autres, l'ancien gouverneur de Mossoul Athil al Noujaïfi, ainsi qu'un ancien ministre de la Défense, le commandant des forces de police de la province de Ninive, dont Mossoul est la capitale, ou encore un ancien vice-ministre de l'Intérieur et un ex-responsable des services de renseignement de l'armée.

Le rapport accuse en outre les combattants kurdes d'avoir pris possession d'armes et de munitions abandonnées par l'armée.

"NUL N'EST AU-DESSUS DES LOIS"

Selon des témoignages recueillis en octobre par l'agence Reuters, l'insuffisance des effectifs militaires stationnés à Mossoul et des dissensions entre officiers supérieurs et acteurs politiques ont alimenté un mouvement de panique à l'origine de l'abandon de la ville par ses défenseurs.

Maliki, accusé d'avoir attisé les tensions sectaires en Irak et poussé de ce fait hors du gouvernement l'été dernier, a accusé pour sa part des pays tiers d'avoir comploté avec des commandants et des adversaires politiques pour que la ville tombe.

"Nul n'est au-dessus des lois et de sa responsabilité devant le peuple", a déclaré dimanche le président du Parlement, Salim al Jabouri, dans un communiqué. "La justice punira les auteurs et les délinquants."

Le rapport parlementaire a été approuvé par 16 des 24 membres de la commission qui ont voté, a précisé un député. Le Parlement dans son ensemble devrait se prononcer sur ces conclusions lundi. S'il est adopté, il sera transmis au parquet et à Haïdar al Abadi, successeur de Maliki à la tête du gouvernement.

Abadi a déjà approuvé dimanche les conclusions d'une enquête officielle sur les circonstances de la chute de Ramadi en mai, un autre revers cinglant pour l'armée irakienne.

Le communiqué publié par ses services ne précise pas l'identité des officiers appelés à comparaître devant une cour martiale.

Pour Jassim al Bahadli, un ancien général aujourd'hui analyste à Bagdad, le Premier ministre a raison de vouloir réformer les forces de sécurité.

"La décision d'Abadi de renvoyer des officiers de l'armée devant un tribunal vise à l'évidence à adresser un message fort à tous les autres officiers sur le fait qu'il appliquera la tolérance zéro en cas de future retraite dans la lutte contre Daech".

Signe de la résistance à laquelle se heurte la politique du Premier ministre, le député Talal al Zobaïé, qui préside la commission chargée du renvoi des dossiers de corruption devant la justice, a annoncé que son convoi avait été pris pour cible samedi à environ 25 km de Bagdad; l'un de ses gardes du corps a été tué par les assaillants et trois autres blessés, a-t-il précisé.

"Il est clair que j'ai été pris pour cible parce que je m'attaque à des gens corrompus", a-t-il dit à Reuters.

(Henri-Pierre André et Marc Angrand pour le service français)