Après l’éclatement en 1991 d’une gigantesque bulle spéculative, le Japon s’enlise dans une déflation structurelle à partir de 1999. Avant l’éclatement de la bulle, l’indice Nikkei a atteint son record historique de 38.957 points.  Entre 1999 et 2013, le Japon n’aura vécu que 4 années hors de la déflation.

La situation japonaise s’est depuis considérablement améliorée. Shinzo Abe lance en 2012 les « abenomics » reposant sur 3 piliers : une politique monétaire ultra-accommodante, une politique budgétaire expansive et des réformes structurelles pour améliorer la compétitivité. A ce jour, c’est le Japon qui obtient la palme d’or en matière de politiques monétaires non conventionnelles. Le bilan de la Banque du Japon (BoJ) a été multiplié par 3 depuis 2012, alors que celui de la BCE a été multiplié par 3 depuis 2009.  Après des débuts difficiles, cette politique semble enfin porter ses fruits : La publication des résultats du premier trimestre 2015 annonce une croissance annualisée de 3.9%, bien au-dessus des estimations prévues. Le conseil de la BoJ a donc maintenu vendredi sa politique ultra-accommodante d’augmentation de la base monétaire de 80 000 milliards de yens par an (548 milliards d’euros).

Les indicateurs économiques japonais clignotent à nouveau dans le vert (retour à la croissance, baisse des coûts de l’énergie, forts investissements des entreprises, rebond de la consommation, baisse de la dette privée, tourisme de masse grâce à la dépréciation du Yen…).

On peut observer sur le graphique ci-dessous l’évolution de la croissance et de l’inflation japonaise, témoignant d’un retour à la normale à partir de 2012-2013. 

Evolution du PIB et de l’inflation du Japon depuis 15 ans.




La baisse du Yen est la conséquence directe de la politique ultra-accommodante japonaise. On peut observer sur le graphique ci-dessous la perte de valeur du Yen à partir du début des « abenomics » en 2011. Cela favorise donc les exportations et pénalise les importations. Mais le Japon compense l’augmentation du coût des importations par la faiblesse des cours mondiaux des matières premières.

Evolution du Yen/USD depuis 15 ans




Les marchés financiers japonais se portent bien, voire très bien. Le Japon n’a pas été épargné financièrement par la crise de 2007-2008 : le Nikkei a été divisé par 3 (il est passé de 18138 points en juin 2007 à 7568 points en février 2009). L'indice a ensuite doublé en 2 ans et demi depuis 2013. Cela traduit donc une bonne santé des marchés financiers que la croissance économique atone ne permet pas d’expliquer. Il est alors possible qu’une bulle spéculative se forme sur le Nikkei, comme chez son voisin chinois (le Shanghai Composite a augmenté de 84% depuis le début de l’année). 

 
Evolution du Nikkei 225 depuis 5 ans



 
C’est donc la politique monétaire ultra-accommodante du gouvernement japonais qui explique majoritairement l’augmentation de l’indice (la hausse du prix des actions est une conséquence directe du Quantitative easing). On peut observer sur le graphique ci-dessous la corrélation entre l’augmentation de la base monétaire de la BoJ et la croissance de l’indice Nikkei. Certaines valeurs du Nikkei 225 ont connu un excellent début d’année. Sojitz Corporation (industries chimique et énergie) et EISAI (Industrie pharmaceutique) opèrent pour l’instant les plus belles progressions de la bourse de Tokyo (70 %).     
                                                                                
Evolution du bilan de la BoJ et du Nikkei depuis 5 ans



 
On doit aussi relativiser la situation japonaise. Les « abenomics » comportent de graves dangers en gonflant le bilan de la banque centrale et la dette de l’Etat. Elles favorisent aussi une guerre des monnaies avec ses pays voisins. 
Equivalente à 240% du PIB, la dette de l’Etat japonais n’est pour l’instant pas vraiment préoccupante mais elle le deviendra un jour. Les investisseurs nippons détiennent plus de 90% de celle-ci, dont une grande partie par les banques et les sociétés d’assurance, ce qui protège le marché de mouvements de panique. L’arrêt des politiques ultra-accommodantes provoquera une remontée des taux d’intérêts et donc une baisse du prix des obligations. Ainsi,  les japonais seront tentés de vendre leurs obligations d’Etat, et le Japon pourrait à nouveau sombrer dans une crise très grave.