"Quel regard portez-vous sur le secteur bancaire allemand ?
Le secteur bancaire allemand est un secteur très hétérogène. Une surexistence de banques prédomine depuis longtemps. Alors qu’on dénombre une banque pour 62 000 habitants en Europe, on compte une banque pour 42 000 habitants en Allemagne.
Il y a par ailleurs outre-Rhin un large réseau de banques publiques que sont les landesbanken. Pendant une trentaine d’années ces dernières ont nourri de financement peu cher une grande partie de l’économie allemande, notamment le fameux Mittelstand, autrement dit le tissu d’entreprises de taille petite et moyenne.

La crise de 2008 a mis en lumière la fragilité du secteur bancaire de l’Allemagne ?
L’importante surcompétition et la distribution massive de crédits à des marges réduites ont eu pour conséquence une moindre profitabilité de l’industrie bancaire allemande. Nous avons connu le phénomène inverse en France où la position quasi oligopolistique des banques françaises leur ont permis de maintenir une bonne rentabilité.

De nombreuses institutions allemandes se sont alors retrouvées dans une configuration compliquée. Un fonds de sauvetage a été créé, dont les engagements s’élèvent à 480 milliards d’euros. Plusieurs entités ont été placées dans un processus de restructuration ou d’extinction de leur activité.

Pensez-vous que le ralentissement de la dynamique de l’Allemagne a l’heure actuelle tient notamment à la mise à mal de son secteur bancaire ?

Il est tôt pour tirer des conséquences mais y a un lien de cause à effet évident. La question de la bonne santé du secteur bancaire allemand est déterminante pour l’avenir de l’économie du pays. La facilité des entreprises à se refinancer à des coûts peu onéreux est en train de disparaitre.
Certaines banques qui dégageaient des pertes et qui ont dû se mettre sous tutelle de l’Etat n’ont plus été autorisées à poursuivre leur activité de prêt.

Pensez-vous que la publication des conclusions de l’audit des actifs détenus dans les bilans des banques et des stress tests prévue à la fin du mois soulignera davantage la faiblesse du secteur allemand ?

Très clairement. L’image donnée sera en partie biaisée par le fait qu'un grand nombre d'entre elles n’entraient pas dans le champ des stress tests soit en raison de leur petite taille ou du fait de la spécificité de leur profil. Cependant, il est certain que ces exercices vont rappeler que la situation des banques allemandes est loin d’être glorieuse.

Etes-vous d’avis que cette publication aura une incidence sur la distribution du crédit en Allemagne notamment par le biais des LTRO de la Banque centrale européenne ?
Je pense que les LTRO, autrement dit les opérations de refinancement des banques européennes par la BCE ne pouvaient pas avoir d'efficacité jusque là. Pour qu’une banque puisse prêter, deux composantes doivent être réunies : la liquidité et le capital. Or au cours de ces cinq dernières années, on a cessé de demander aux banques européennes d’augmenter leurs fonds propres et de nettoyer leur bilan. Ces dernières ont alors drastiquement diminué leur encours de nouveaux prêts. Ainsi toutes les injections massives de liquidité de la BCE
dans le système ont eu un effet purement psychologique. L’idée étant de montrer que la BCE était bel et bien présente pour soutenir la zone euro.

A l’issue des cinq années de restructuration, caractérisée par des levées importantes de capital, par de multiples cessions d’actifs, les banques européennes vont pouvoir de nouveau se positionner pour prêter aux agents privés. Ce d’autant plus que dans le règlement européen portant sur la CRR (Capital Requirement Regulation) a été instauré une disposition pour créer le « SME discount factor » qui prévoit depuis le 1er janvier 2014 pour une banque européenne qui prête à une PME, une diminution de ses fonds propres  réglementaires de 25%. Le cout de financement à l’économie est ainsi réduit.

En conséquence, les prochaines opérations de LTRO devraient avoir un réel intérêt à l’avenir et permettre un mécanisme plus efficace de transmission monétaire.

Deux phénomènes vont se croiser pour l’Allemagne. D’un coté, nous aurons une réduction du financement par les banques publiques. De l’autre, nous aurons un sucroit de financement par les banques habilitées à emprunter auprès de la BCE. Il y aura lieu de surveiller si les deux phénomènes se compenseront in fine.

Quid de l’impact de cette publication sur la consolidation du secteur
bancaire allemand ?

Les pays qui nous paraissent les plus murs pour une vaste consolidation sont l’Espagne et l’Italie. Nous devrions avoir une nette accélération des mouvements en 2015.
La consolidation devrait être plus tardive en Allemagne car il reste beaucoup de choses à nettoyer dans le secteur.

En résumé, il ne faut pas s’attendre à ce que l’économie allemande soit stimulée par le moteur bancaire dans les mois à venir ?
Je ne le pense pas.
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