(Actualisé avec ministre allemand de la Justice)

par Marcin Goettig et Anna Wlodarczak

VARSOVIE, 23 juillet (Reuters) - Le gouvernement polonais est resté ferme samedi, malgré les critiques venues de l'étranger l'accusant de vouloir remettre en cause l'indépendance de la justice.

Le projet de réforme de la Cour suprême présenté par le parti Droit et justice (PiS) au pouvoir a été adopté tôt samedi matin au Sénat, malgré les mises en garde de ses détracteurs et de l'Union européenne.

Le texte, qui doit encore être promulgué par le président Andrzej Duda, allié du PiS, prévoit la mise à la retraite et le remplacement des juges de la Cour suprême, à l'exception de ceux choisis par une commission judiciaire désignée par le parlement.

Le projet a soulevé l'indignation des magistrats, des mouvements de défense des droits de l'homme et de l'opposition. Il a également donné lieu à de vastes manifestations, qui se sont poursuivies, samedi soir, dans plusieurs dizaines de villes, dont Varsovie, Cracovie, dans le Sud, ou encore Poznan, dans l'Ouest.

Dans la capitale, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées devant la villa de Jaroslaw Kaczynski, président du PiS, qui n'a aucune fonction gouvernementale, ce qui ne l'empêche pas d'être le véritable leader du pays.

La Commission européenne a menacé mercredi la Pologne de sanctions et lui a donné une semaine pour renoncer à la réforme de la Cour suprême, qui se prononce notamment sur la validité des élections.

D'autres gouvernements eurosceptiques comme celui de Hongrie opposeraient probablement leur veto à une mesure de privation des droits de vote, qui requiert l'unanimité.

Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, a ainsi promis samedi son aide. "L'offensive inquisitrice contre la Pologne ne réussira jamais parce que la Hongrie utilisera tous les moyens légaux dans l'Union européenne pour montrer sa solidarité avec les Polonais", a-t-il déclaré.

"SURPRISE"

Outre l'Union européenne, les Etats-Unis ont demandé vendredi à Varsovie "de respecter les principes d'indépendance de la justice et de séparation des pouvoirs", une demande que le ministère polonais des Affaires étrangères a accueilli avec "surprise".

"Le fait que le processus législatif est toujours en cours rend de tels commentaires prématurés", dit-il dans un communiqué, assurant que le projet de loi garantit l'indépendance du pouvoir judiciaire.

Le sénateur américain John McCain, membre du Parti républicain, a qualifié samedi sur Twitter la réforme de la Cour suprême de "recul pour la démocratie" en Pologne.

"Ceux qui montrent si peu de respect pour l'Etat de droit s'exposent à l'isolement politique", dit quant à lui le ministre allemand de la Justice, Heiko Maas, dans les colonnes de Bild am Sonntag.

Le président Duda dispose de 21 jours pour se prononcer sur le texte. Il peut soit l'approuver et lui donner force de loi, soit opposer son veto ou encore solliciter l'avis de la Cour constitutionnelle.

Le chef de l'Etat, a déclaré samedi le porte-parole de la présidence, estime que le projet de loi comporte des incohérences. Le porte-parole n'a pas précisé ce qu'allait faire Duda, qui est actuellement en vacances au bord de la Baltique mais doit avoir un entretien, lundi, avec le président de la Cour suprême.

Depuis la victoire du PiS aux élections législatives de 2015, le parquet a été placé sous contrôle direct du gouvernement et les capacités de la Cour constitutionnelle à rejeter un projet de loi ont été limitées.

La Commission européenne a entamé en janvier une procédure de surveillance du respect de l'État de droit en Pologne, mais les pressions de Bruxelles sont jusqu'ici restées lettre morte.

Parlant d'ingérences dans ses affaires intérieures, le gouvernement polonais les a même jugées inacceptables.

"Nous ne céderons pas à la pression. Nous ne nous laisserons pas intimider par les défenseurs polonais et étrangers des intérêts de l'élite", a promis la Première ministre, Beata Szydlo, dans d'une allocution télévisée.

Selon un sondage réalisé pour la chaîne privée TVN, 55% des Polonais estiment que le président Duda ne doit pas promulguer la réforme de la Cour suprême et 29% sont d'un avis contraire.

Un autre sondage, réalisé après l'adoption du projet de loi sur la Cour suprême, traduit un recul de quatre points de la cote de popularité du PiS, à 32%, par rapport aux 36% enregistrés en juin. (Avec Marton Dunai à Budapest, Jean-Philippe Lefief, Gilles Trequesser et Eric Faye pour le service français)