La SVB, 16e banque américaine, a été fermée par les régulateurs après un "bank run", comprendre une ruée sur les retraits de fonds de la part des clients, qui a détruit l'établissement vedette des startups de tout poil, du numérique aux fintechs en passant par les biotechs. Je ne referai pas l'explication détaillée ici faute de place, mais globalement, la banque a été forcée de céder des actifs obligataires pour répondre aux demandes de retrait, ce qui l'a conduite à matérialiser des pertes latentes dues à la remontée des taux (vous vous souvenez, quand le rendement d'une obligation augmente, son prix diminue). Les investisseurs ont commencé à paniquer. La banque a voulu lever des fonds pour rassurer le marché. Les investisseurs ont encore plus paniqué. D'où le "bank run", avec des demandes de retrait qui ont atteint sur une seule journée 42 Mds$, soit le quart des dépôts de l'établissement. Insoutenable évidemment, d'où la mise sous tutelle de la SVB. Si vous êtes curieux du mécanisme à l'œuvre et des risques qui avaient été pris par la banque, lisez ce solide décryptage du Macro Compass.

La question s'est rapidement posée de savoir si la faillite de la SVB allait créer une réaction en chaîne, d'autant qu'une partie des dépôts logés au sein de la banque n'étaient pas sécurisés. La garantie des dépôts par la FDIC fonctionne à hauteur de 250 000 USD aux Etats-Unis, ce qui est élevé pour un particulier mais faible pour une entreprise. Cela signifie que les clients n'ont plus eu accès à une grosse partie de leurs ressources. Ils ont toutefois une bonne probabilité de récupérer leur mise, car la valeur des actifs de la SVB n'est pas nulle. Mais cela ne signifie pas pour autant qu'ils seront en capacité d'honorer leurs obligations à court terme, ne serait-ce que payer les salaires et les factures. D'où un gros, gros problème, d'autant que la totalité du secteur bancaire américain a commencé à sérieusement tanguer : toutes les banques ont des pertes latentes sur leurs portefeuilles obligataires, même si les établissements sérieux ont des produits de couverture, ce qui n'était manifestement pas le cas de SVB.

Bref, les autorités financières américaines ont rapidement pris les choses en main. Le spectre de 2008 est encore trop présent pour qu'elles aient oublié que la rapidité et la vigueur de la réaction sont fondamentales. Pour le présenter de façon un peu triviale, la FDIC, la Fed et le Département du trésor ont procédé à une amputation et à une cautérisation (voir le communiqué commun ici). Le trio va démanteler la SVB (et une autre grosse banque malmenée, Signature Bank) mais garantit à tous les clients l'accès à leurs dépôts dès aujourd'hui 13 mars. L'objectif est d'éviter une panique et une vague de faillites chez les entreprises clientes. Les actionnaires et certains créanciers non-garantis ne seront pas protégés, les dirigeants ont été démis de leurs fonctions et le Département du trésor affirme que cela ne coûtera pas un kopeck au contribuable. Enfin, et c'est loin d'être anodin, la Fed mettra l'argent nécessaire sur la table pour que les banques puissent répondre aux besoins de leurs déposants. Ça, ça ressemble fort à un message envoyé aux marchés pour éviter un nouveau "bank run". Ne paniquez pas bonnes gens la Fed est là, en somme. C'est l'Agence tous risques. Un refrain qu'on entend beaucoup depuis quelques années, n'est-ce pas ?

L'affaire laisse quand même une impression malsaine. D'un point de vue froid et pragmatique, trois banques américaines ont fait faillite en deux semaines. Silvergate, certes une banque crypto, puis SVB et Signature, deux établissements aux profils atypiques mais avec des dépôts conséquents. Et les autorités ont dû sortir du bois pour rassurer tout le monde. L'affaire est suffisamment grave pour qu'elle pèse sur la politique monétaire. Les paris de hausse de taux de 50 points de base lors de la réunion de la Fed, la semaine prochaine, se sont évaporés. Le marché n'entrevoit plus qu'un tour de vis de 25 points de base, et quelques économistes pensent déjà que la Fed ne fera rien, pour éviter d'autres SVB. C'est le cas de Goldman Sachs, qui estime dans un papier publié hier que la banque centrale américaine sera forcée de passer son tour le 22 mars. Plus prosaïquement, je parie qu'on va voir fleurir rapidement des papiers du type "bah, à quoi ça sert que la Fed punisse l'économie avec des taux élevés si c'est pour balancer des garanties de fonds illimitées pour les gens qui prennent trop de risques ?". Et de fait, la question mérite d'être posée.

Allez, on arrête pour ce matin avec ce sujet qui sera omniprésent jusque dans les médias généralistes dans les jours et les semaines à venir, pour passer à quelques banalités. Les Etats-Unis sont déjà passés à l'heure d'été au cours du week-end, quinze jours avant l'Europe. Wall Street ouvrira donc à 14h30 heure de Paris, tandis que les horaires des statistiques récurrentes sont avancés d'une heure. Sur l'agenda macro de la semaine, deux événements majeurs : d'une part les chiffres de l'inflation de février aux Etats-Unis (mardi) et d'autre part la décision de politique monétaire de la BCE (jeudi). Le calendrier hebdomadaire des sociétés compte encore quelques résultats trimestriels, chez Porsche AG, Volkswagen, Vinci, Progressive Corp, BMW, Adobe ou Enel.

En Asie Pacifique ce matin, le Japon perd 1% mais la Chine est en vive hausse, de 1% à Shanghai et de 2,2% à Hong Kong. La Corée du Sud gagne 0,6%, pendant que l'Australie et l'Inde sont en baisse de 0,3 à 0,5%. Les indicateurs avancés européens sont haussiers, tandis que les "futures" américains sont en vive progression. Reste à savoir si cette euphorie de court terme biberonnée aux garanties fédérales est bien rationnelle. Le CAC40 a ouvert en légère baisse, mais a rapidement creusé ses pertes à -0,7%.

Les temps forts économiques du jour

Aucun événement majeur n'est attendu ce jour. Tout l'agenda ici.

L'euro bondit à 1,0720 USD. L'once d'or remonte fort à 1879 USD. Le pétrole tient bon, avec un Brent de Mer du Nord à 83,10 USD le baril et un brut léger américain WTI à 77 USD. Le rendement de la dette américaine sur 10 ans chute à 3,70%. Le bitcoin se négocie autour de 22 400 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Aspo : Inderes passe d'alléger à accumuler en visant 9 EUR.
  • British American Tobacco : J.P. Morgan passe de surpondérer à neutre en visant 3100 GBp.
  • Bunzl : J.P. Morgan passe de neutre à surpondérer en visant 3375 GBp.
  • Burberry : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 2100 à 2400 GBp.
  • Casino : Barclays réduit son objectif de cours de 8 à 6,50 EUR.
  • Elis : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 21 à 22 EUR.
  • Faurecia : Morgan Stanley passe de surpondérer à pondération en ligne en visant 20 EUR.
  • Flutter : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 15 000 à 18 000 GBp.
  • Glencore : J.P. Morgan reste à surpondérer avec un objectif de cours réduit de 630 à 620 GBp.
  • Icade : Oddo BHF passe de sousperformance à surperformance en visant 61 EUR.
  • K+S : Jefferies démarre le suivi à l'achat en visant 29 EUR.
  • KWS : Jefferies démarre le suivi à l'achat en visant 79 EUR.
  • OCI : Jefferies démarre le suivi à conserver en visant 30 EUR.
  • Saint-Gobain : Jefferies reste l'achat avec un objectif de cours relevé de 65 à 75 EUR.
  • SES-imagotag : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 170 à 175 EUR.
  • Sulzer : UBS reste neutre avec un objectif de cours relevé de 70 à 76 CHF.
  • Swisscom : DZ Bank reste à la vente avec un objectif de cours relevé de 440 à 505 CHF.
  • Vilmorin : Jefferies démarre le suivi à conserver en visant 52 EUR.
  • Yara : Jefferies démarre le suivi à sousperformance en visant 384 NOK.

En France

Annonces importantes (et moins importantes)

Dans le monde

Résultats des entreprises (les commentaires sont donnés à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres)

  • Saudi Aramco : le bénéfice net 2022 atteint un niveau inimaginable de 161,1 Mds$.

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Les autorités de tutelle américaines ferment la SVB Financial. Plusieurs établissements comme JPMorgan Chase, Morgan Stanley ou PNC Financial seraient sur les rangs pour reprendre une partie des activités. HSBC annonce le rachat de la filiale de Silicon Valley Bank au Royaume-Uni.
  • L'autorité de tutelle de Signature Bank ferme l'établissement, dont les déposants seront indemnisés.
  • Silver Lake et CPPIB mettent 12,5 Mds$ sur la table pour l'achat de Qualtrics. La part de SAP valorisée 7,7 Mds$.
  • Meta Platforms prévoirait de nouvelles réductions d'effectifs, selon le Wall Street Journal.
  • Holcim finalise l'acquisition de INDAR au Mexique.
  • La Finma n'enquête plus sur les propos du président de Credit Suisse.
  • Moderna prévoit d'embaucher 2 000 nouveaux employés dans le monde en 2023 et d'étendre sa présence aux États-Unis.
  • Deutsche Post accepte des augmentations de salaire pour éviter les grèves.
  • L'administration fédérale de l'aviation autorise Boeing à relancer les livraisons de 787.
  • Les principales publications du jour : Porsche AG, KE Holdings, Gitlab, De'Longhi, Basic-Fit, Schweiter, Tod'sTout l'agenda ici.

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