par Edward Taylor et Markus Wacket

FRANCFORT/BERLIN, 19 février (Reuters) - Un tribunal décidera jeudi si les villes allemandes peuvent interdire la circulation de voitures très polluantes, un jugement lourd de conséquences pour les constructeurs de modèles diesel.

L'association de protection de l'environnement Deutsche Umwelthilfe (DUH) a porté plainte contre Stuttgart, siège de plusieurs constructeurs automobiles, et Düsseldorf, concernant les niveaux de particules émis par les voitures, qui ne seraient pas conformes aux normes européennes d'émissions d'oxyde d'azote (NOx).

Depuis que Volkswagen a reconnu en 2015 avoir faussé ses tests anti-pollution, les voitures diesel font l'objet d'une attention accrue en raison de leurs émissions de NOx, jugées responsables de maladies respiratoires.

Quelque 15 millions de véhicules diesel circulent en Allemagne et les associations de défense de l'environnement estiment que leur niveau de pollution dans au moins 90 villes dépasse le seuil autorisé par l'Union européenne (UE).

Les tribunaux locaux ont ordonné aux municipalités concernées d'interdire les voitures diesel non conformes aux dernières normes les jours de forte pollution, une décision que contestent les constructeurs automobiles car une interdiction totale pourrait entraîner une décote sur le marché de l'occasion et une hausse du coût des contrats de location, qui sont basés sur la valeur résiduelle des véhicules.

Les Länder concernés, où les constructeurs automobiles et leurs fournisseurs disposent d'une forte influence, ont fait appel des décisions, laissant le dernier mot au tribunal administratif fédéral. La plus haute juridiction en la matière du pays doit décider si de telles interdictions peuvent être imposées légalement au niveau local.

"La question clé est de savoir si les interdictions peuvent déjà être considérées comme des instruments juridiques", a déclaré Remo Klinger, un avocat de DUH. "C'est une question de droit complètement ouverte."

Paris, Madrid, Mexico et Athènes ont annoncé leur intention d'interdire les véhicules diesel dans les centres-villes d'ici 2025, tandis que le maire de Copenhague veut interdire l'accès à la ville dès l'année prochaine aux nouvelles immatriculations diesel. En 2040, les voitures neuves à essence et diesel seront totalement interdites en France et en Grande-Bretagne, au profit des véhicules électriques.

LE DIESEL? NEIN DANKE !

Selon le cabinet Evercore ISI, un recul de 5% de la valeur résiduelle du diesel pourrait se traduire par une baisse de 1,6 milliard d'euros du bénéfice d'exploitation de huit constructeurs automobiles européens et américains.

Les analystes de Bernstein Research estiment pour leur part que le constructeur français PSA serait le plus affecté par une interdiction du diesel en Europe, suivi de Renault.

Au sein des constructeurs automobiles allemands, la flotte mondiale de Daimler est exposée au diesel à environ 38%, suivie de BMW (35%) et VW (26%), indique Bernstein dans un rapport datant de 2016.

Pour éviter des interdictions totales de leurs véhicules, les constructeurs ont mis à jour leurs systèmes de gestion du moteur afin d'améliorer les filtres de traitement des gaz d'échappement. Mais cette initiative n'est possible que qur les véhicules équipés de systèmes de gestion basés sur des logiciels.

Les associations écologistes ont toutefois jugé insuffisantes les mises à jour logicielles et font pression pour que les voitures aux normes d'émissions Euro-6 et Euro-5 reçoivent des mises à jour matérielles de leurs systèmes de traitement des gaz d'échappement, ce qui représente un coût d'au moins 1.500 euros par véhicule.

La part de marché du diesel dans l'Union européenne (UE) est passée de 53,6% fin 2014 à 49,9% fin 2016, selon les données les plus récentes de l'Association des constructeurs européens d'automobiles (ACEA). (Claude Chendjou pour le service français, édité par Véronique Tison)

Valeurs citées dans l'article : Bayerische Motoren Werke, Daimler, Peugeot, Renault, Volkswagen