* Le gouvernement pourrait lancer la répression des pro-Morsi

* Il pourrait ne pas agir avant dimanche, à la fin de l'Aïd

* Des sénateurs US prônent le dialogue, la libération de prisonniers (Actualisé avec affrontements à Alexandrie)

par Maggie Fick et Shaimaa Fayed

LE CAIRE, 7 août (Reuters) - Les chances d'une sortie de crise négociée en Egypte semblaient nulles mercredi matin, le gouvernement instauré par l'armée après la destitution de Mohamed Morsi s'apprêtant à officialiser l'échec de la médiation étrangère.

Selon le quotidien public Al Ahram, l'annonce devrait intervenir incessamment.

Le gouvernement devrait aussi déclarer, toujours selon le journal, que les manifestations organisées par les Frères musulmans, dont est issu Mohamed Morsi, ne sont pas pacifiques, signal voulant dire que les gouvernement entend y mettre un terme par la force.

Quelques heures auparavant, deux sénateurs américains en mission de médiation avaient indiqué qu'ils considéraient l'éviction de Mohamed Morsi comme un coup d'Etat militaire, suscitant un tollé dans la presse égyptienne et s'attirant une réaction énergique du président égyptien par intérim.

Les deux sénateurs, les républicains Lindsey Graham et John McCain, ont également appelé l'armée à libérer des prisonniers politiques et à entamer un dialogue national pour ramener l'Egypte sur le chemin de la démocratie.

Il s'agit d'une "ingérence inacceptable dans la politique intérieure" de l'Egypte, a déclaré à la télévision publique égyptienne, le président par intérim Adly Mansour.

Sur les chaînes de télévision privées, les réactions ont également été furieuses lors des émissions politiques. Lamis al Hadid, sur CBC TV, a qualifié les propositions des sénateurs de "grande insulte pour l'Egypte et son peuple".

L'Egypte est en crise depuis le renversement par l'armée de Mohamed Morsi le 3 juillet après des manifestations monstres contre son régime.

FAIT ACCOMPLI

Un mois plus tard, les violences qui ont suivi ont fait près de 300 morts, le président reste détenu dans un lieu tenu secret et ses partisans continuent à camper par milliers dans deux endroits du Caire, à Rabaa et al Nahda.

Mardi dans la soirée, des affrontements entre pro et anti-Morsi à Alexandrie ont fait un mort et 35 blessés, a-t-on appris auprès des responsables de la sécurité.

Des émissaires des Etats-Unis, de l'Union européenne, du Qatar et des Emirats arabes unies tentent de résoudre la crise et d'éviter un nouveau bain de sang entre les partisans du président déchu et les forces de l'ordre.

Mais l'espoir d'une avancée s'est amenuisé avec l'article du journal Al Ahram, le gouvernement rejetant la faute sur l'intransigeance es Frères musulmans.

Selon le journal, le gouvernement s'apprête à annoncer "l'échec de toutes les délégations, américaine, européenne, qatarie et des EAU à convaincre les Frères d'une solution pacifique à la crise actuelle."

Le journal souligne que le gouvernement a autorisé les émissaires à rendre visites aux dirigeants de la confrérie emprisonnés dans le but de donner chance à une solution pacifique, mais qu'il considère désormais le renversement de Mohamed Morsi comme un fait accompli et qu'il va mettre en oeuvre sa propre "feuille de route" pour des élections dans neuf mois.

A Washington, un responsable du département d'Etat a déclaré après ces commentaires : "Nous restons attachés à nos efforts en cours visant à calmer la tension, prévenir la violence et aller vers un processus politique comprenant toutes les parties."

Les forces de l'ordre ont promis la semaine dernière aux manifestants qui campent au Caire une sortie en toute sécurité s'ils acceptent de quitter mes lieux tout en prévenant qu'il y avait des limites à leur patience.

COUP D'ETAT

Les autorités pourraient toutefois ne rien faire avant dimanche, qui marquera la fin de l'Aïd al Fitr, la fête qui clôt le jeûne du Ramadan.

Ces derniers événements semblent signer la fin de la mission des sénateurs Graham et McCain, entreprise à la demande du président américain Barack Obama.

Après avoir rencontré le ministre de la Défense et chef d'Etat-major des armées, le général Abdel Fattah al Sissi, le vice-président par intérim Mohamed ElBaradei et le Premier ministre par intérim Hazem el Beblaoui, le sénateur Graham a déclaré lors d'une conférence de presse : "Les gens au pouvoir n'ont pas été élus. Les gens qui ont été élus sont en prison. Le statu quo n'est pas acceptable."

Ils ont aussi appelé les Frères musulmans, dont beaucoup de leurs dirigeants sont en prison outre le président Morsi, à éviter le recours à la violence et à participer au dialogue.

Mais ce fut la description du renversement de Mohamed Morsi comme un coup d'Etat qui a mis le feu aux poudres.

Le terme est un sujet de controverse entre les deux camps. L'armée et les civils qui la soutiennent le réfutent. Ils font valoir qu'elle a agi sur l'ordre de millions d'Égyptiens qui s'étaient emparés de la rue pour réclamer le départ de Morsi.

Le mot coup d'Etat, que les responsables américains avaient soigneusement évité, pourrait, selon la législation américaine en vigueur, déclencher une réduction de l'aide de 1,3 milliard de dollars reçue chaque année par l'Egypte.

John McCain a toutefois déclaré : "réduire l'aide serait envoyer le mauvais signal au mauvais moment".

Un porte-parole du gouvernement a déclaré à Reuters que le gouvernement s'en tiendrait à son programme de transition. Il a rejeté l'appel des médiateurs américains à la libération des membres des Frères musulmans emprisonnés. Ce sera à la justice de s'en occuper, a-t-il fait valoir. (Henri-Pierre André, Pascal Liétout et Danielle Rouquié pour le service français)