Si je demande à mon voisin Emile – 85 ans et plutôt roublard – les ingrédients d'une hausse de la bourse, il y a de bonnes chances pour qu'il parle de conditions économiques favorables, de confiance dans l'avenir et de contexte géopolitique bénin. Et aussi des derniers ragots du village, mais c'est une autre histoire. Manifestement, il aurait tort, parce que les marchés financiers continuent à se redresser, voire à battre des records pour certains, alors que le tableau d'ensemble est plutôt sombre. Hier soir, Wall Street a légèrement progressé, suffisamment pour que le Nasdaq 100 signe un nouveau pic historique et qu'Apple enquille une 5e séance de hausse consécutive. On parle déjà du cap des 2000 Mds$ de capitalisation pour la marque à la pomme. Je me rappelle qu'une sorte de frénésie puérile s'était emparée de nos médias pour le passage symbolique des 1000 Mds$... c'était, presque jour pour jour, il y a à peine 2 ans.

Covid, désordres sociétaux et politiques, guerre technologique et commerciale, chômage, compte à rebours environnemental… Les mauvaises nouvelles sont neutralisées par les traitements à plusieurs centaines de milliards de dollars injectés par les banques centrales et les gouvernements. Ils ne guériront pas les maux les plus profonds, mais les investisseurs continuent à penser qu'ils permettront de refermer les plaies économiques de la pandémie.

Et après ? Je suis tombé lundi sur une vision de Bank Of America Merrill Lynch pour la nouvelle décennie, du genre de celles à laquelle on ne s'attend pas vraiment de la part d'une banque d'affaires américaine. Pour BofA, "les années 2010 ont été une décennie de liquidités, de mondialisation et de profits", mais les années 2020 "seront une décennie de déficits, de relocalisation et de redistribution". Cette révolution structurelle serait même annoncée par la hausse de l'or et la baisse du dollar. La banque produit un singulier tableau illustrant les changements de priorités. On passerait ainsi d'un monde "Wall Street, Capitalistes, Actionnaires, Argent, Dérégulation, Rachat d'actions, Globalisation, Paix, Croissance, Etats-Unis, Déflation" à un monde "Main Street, Salariés, Porteurs de parts, Santé, Interventionnisme, Taxation de la richesse, Syndicalisation, Guerre, Value, Europe / Marchés Emergents, Stagflation". Une théorie intéressante que l'on s'attend plus à trouver dans un pavé de Thomas Piketty que dans une note de recherche de banque américaine. BofA n'a pas totalement viré sa cuti et continuera à jouer son rôle de conseil : si ce scénario qui semble trop binaire pour être vrai se produit, il faudra privilégier les matières premières, les obligations à haut rendement et les actions autres qu'américaines. Et Apple et consorts dans tout ça ?

En attendant le Grand Soir, le CAC40 gagne 0,6% à 4920 points peu après l'ouverture, renforcé par l'Agence Reuters, qui a éventé un projet de rencontre au sommet, mais à distance, entre Chine et Etats-Unis sur l'accord commercial de phase 1 signé en début d'année. 

Les temps forts économiques du jour

Les indicateurs PMI (qui mesurent le moral des directeurs d'achats des entreprises) définitifs de juillet pour le secteur des services (et les PMI Composites, qui intègrent aussi les PMI Manufacturiers publiés lundi) seront communiqués tout au long de la journée pour plusieurs économies du Japon (2h30 cette nuit) aux Etats-Unis (15h45). Le PMI Caixin des services chinois a déçu mais reste en zone d'expansion à 54,3 points. Ils seront complétés par les ventes de détail en zone euro (11h00), puis aux Etats-Unis par la balance commerciale (14h30), l'ISM de services (16h00) et les stocks pétroliers hebdomadaires (16h30).

L'euro est remonté à 1,1817 USD. L'once d'or se négocie 2015 USD et vole de records en records. Sur le marché pétrolier, le Brent remonte à 44,40 USD pendant que le WTI s'échange à 41,63 USD. Le rendement de la dette américaine à 10 ans recule à 0,51%. Le Bitcoin évolue à 11 212 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Adecco : Citigroup reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 60 à 65 CHF.
  • Air Liquide : Goldman Sachs reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 127 à 135,50 EUR.
  • Applus : Berenberg passe de conserver à acheter avec un objectif relevé de 6,75 à 9 EUR.
  • Bayer : Liberum reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 87 à 85 EUR.
  • Capgemini : Deutsche Bank relève son objectif de 104 à 130 EUR.
  • Danone : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 70 à 64 EUR.
  • Fresenius Medical Care : Jefferies passe d'acheter à conserver avec un objectif de cours réduit de 70 à 68 EUR.
  • EasyJet : Davy passe de neutre à surperformance en visant 750 GBp.
  • Fresenius SE : Jefferies passe de conserver à sousperformance avec un objectif de cours réduit de 37 à 35 EUR.
  • Groupe Seb : Citigroup revalorise de 133 à 160 EUR.
  • Hugo Boss : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 27 à 25 EUR.
  • Infineon : Liberum reste acheteur avec un objectif relevé de 25 à 27 EUR. Goldman Sachs reste neutre avec un objectif de cours relevé de 22,50 à 24 EUR.
  • Jungheinrich : DZ Bank sort le dossier de sa liste de valeurs longues favorites.
  • Lonza : Baader Helvea passe d'accumuler à alléger malgré un objectif de cours relevé de 414 à 511 CHF.
  • M6 Métropole Télévision : Deutsche Bank relève sa recommandation de vendre à conserver avec un objectif de cours de 11 EUR.
  • Natixis : Bank of America Merrill Lynch passe de sousperformance à neutre.
  • Nestlé : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 94 à 109 CHF.
  • Société Générale : Barclays relève son objectif de cours de 15 à 17,70 EUR.
  • Swiss Re : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 62 à 75 CHF.

L’actualité des sociétés

En France

Publications de résultats :

  • Accor : le groupe hôtelier termine le semestre sur un chiffre d'affaires de 917 M€, divisé en deux à cause de la pandémie. Il accuse une perte nette de 1,52 Md€, notamment à cause d'un revenu par chambre disponible qui s'est effondré jusqu'à 90,6% en Europe au second trimestre. Incapable de faire des prévisions pour l'exercice en cours, le management est contraint de lancer un plan d'économies, qui passera notamment par la suppression d'un millier d'emplois dans les fonctions support.
  • Actia : l'équipementier automobile a enregistré une contraction de 23,5% de son chiffre d'affaires semestriel à 202 M€. La division communication, plus petite, a encore plus souffert que la division automobile. Sur l'exercice, le chiffre d'affaires devrait se contracter d'environ 20%, aussi le management met-il en œuvre les mesures nécessaires pour préserver les ressources financières et adapter son activité.
  • Neurones : le chiffre d'affaires est en hausse symbolique au premier semestre, à 254,4 M€, ce qui est un peu plus robuste que ce que prévoyait le management. Le groupe de conseil a relevé les prévisions formulées en mai dernier, en visant un chiffre d'affaires d'au moins 495 M€ sur l'exercice (vs. 475 M€ précédemment) et une marge opérationnelle d'au moins 8% (vs. 6% envisagés).

Le conseil d'administration de Mediaset doit se rencontrer aujourd'hui pour évoquer une proposition de Vivendi visant à solder le contentieux entre les deux groupes. Technicolor lance une augmentation de capital de 330 M€ à 2,98 EUR pièce, dans le cadre de son projet de refinancement. Eurofins lance des réactifs pour l'extraction automatisée de l'ARN génomique du SRAS-CoV-2 à partir d'écouvillons cliniques. Le CEA, qui pointe désormais à moins de 10%, n'a plus qu'un représentant au conseil d'administration de Soitec. Transgène récupère 22,2 M$ de la cession d'une partie de ses actions Tasly. Safe Orthopaedics émet les actions nécessaires à la finalisation du rachat de LCI Medical. Casigrengi négocie un rachat de la Société Française de Casinos à 1,70 EUR l'action, contesté par le Groupe Circus en référé.

Dans le monde

Publications de résultats :

  • Ahold Delhaize : le chiffre d'affaires du second trimestre a progressé de 15,9% à taux de change constant, à 19,1 Mds€. Le résultat opérationnel qui s'est envolé de 78% à 1 Md€. Le bénéfice net a pris la même trajectoire à 0,65 EUR par action. Ce solide trimestre permet au distributeur belge exposé à l'Europe et aux États-Unis de relever ses prévisions 2020, en tablant sur une croissance du bénéfice par action comprise entre 20 et 25% et sur une génération de cash-flow libre d'au moins 1,7 Md€.

  • Allianz : l'assureur a dégagé un résultat opérationnel de 2,57 Mds€ au second trimestre, un peu plus que ce qui était attendu par les analystes.
  • Atlantia : le gestionnaire d'infrastructures était déficitaire de 772 M€ au premier semestre 2020, une perte alourdie par le coronavirus et par les conséquences de l'effondrement du pont de Gênes il y a deux ans. Quant au projet de transfert des autoroutes italiennes à la Caisse des dépôts transalpine, il achopperait sur des questions de valorisation.
  • Beyond Meat : le roi du steak sans viande animale a dégagé un chiffre d'affaires de 113,3 M$ au second trimestre, plus élevé que les attentes du consensus (99 M$).
  • BMW : le constructeur de véhicules hauts de gamme allemand a réaffirmé ses prévisions annuelles, après avoir publié des résultats intermédiaires un peu plus faibles que prévu. La division automobile devrait être en mesure de dégager une marge opérationnelle comprise entre 0 et 3% cette année.

  • Commerzbank : la deuxième banque allemande s'attend à un déficit sur la totalité de l'exercice, après avoir publié ses résultats du second trimestre.
  • Telecom Italia : l'opérateur historique transalpin voit son bénéfice net trimestriel se réduire à 118 M€, assez loin de ce qui était attendu par le consensus. Il a notamment été pénalisé par la faiblesse du tourisme en Italie cette année. L'opérateur a par ailleurs suspendu le projet de cession d'une part minoritaire de son réseau terrestre à KKR, apparemment sous la pression du gouvernement.
  • Walt Disney : le titre gagnait plus de 4% post-séance malgré la publication d'une perte nette trimestrielle de 4,7 Mds$, atténuée par le succès de l'offre Disney+, forte de plus de 100 millions d'abonnés payants, et les commentaires optimistes des dirigeants.

Tencent plancherait sur la création d'un géant du streaming. Jim Hackett, le directeur général de Ford, fera valoir ses droits à la retraite en octobre sera remplacé par le directeur des opérations, Jim Farley. Walt Disney va finalement privilégier le streaming pour son dernier long-métrage, Mulan, en le proposant sur Disney+ plutôt qu'en salles, ce qui constitue un coup dur pour les exploitants de cinémas. Le gendarme des marchés financiers allemands, la BaFin, lance un audit sur les comptes 2017 à 2019 de Wirecard. La Commission européenne a ouvert une enquête sur le projet de rachat de Fitbit par Google pour 2,1 Mds$. Novavax a chuté de 30% hors-séance après des données mitigées pour son vaccin Covid-19, mais s'est retourné à la hausse par la suite. Apple promeut Greg Joswiak comme directeur marketing, à la place de Phil Schiller, qui conserve les commandes de l'App Store et des Apple Events. S&P abaisse la perspective d'évolution de la dette de Siemens de stable à négative. La SEC enquêterait sur la communication de Kodak vis-à-vis de la ligne de financement gouvernementale obtenue dans le cadre d'un contrat lié au coronavirus, selon le Wall Street Journal.

Ça publie. Costco Wholesale, Allianz, CVS Health, Fiserv, Regeneron, Deutsche Post, Honda Motor, Ahold Delhaize, Flutter, Sampo, Continental

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