(Actualisé avec lancement officiel du pacte, déclaration de Tusk)

par Robin Emmott

BRUXELLES, 14 décembre (Reuters) - Les Etats membres de l'Union européenne ont concrétisé jeudi une ambition vieille de 70 ans, celle d'une intégration accrue de leurs politiques de défense avec le lancement formel d'un pacte militaire lors du Conseil européen à Bruxelles.

Ce pacte de "Coopération structurée permanente" (Pesco), qui a été entériné par les dirigeants de 25 pays, vise à permettre le financement, le déploiement et la production de matériels militaires une fois que la Grande-Bretagne aura quitté l'UE, en mars 2019. Le Royaume-Uni a toujours été réticent à l'idée de défense européenne.

Avant que Londres n'y oppose son veto, officiellement par crainte d'affaiblir l'Otan, mais surtout pour ne pas déplaire aux Etats-Unis, c'est le Parlement français qui avait une première fois bloqué ce projet dans les années 1950.

Soixante-cinq ans plus tard, c'est à l'initiative de Paris et Berlin que la défense européenne commune a été relancée, ce qui a abouti à la signature le mois dernier du Pesco par les ministres des Affaires étrangères de 23 Etats-membres de l'UE.

Le pacte a été adopté jeudi par deux pays supplémentaires, seuls le Danemark et Malte se tenant à l'écart.

"Il y a plus d'un demi-siècle, la vision ambitieuse d'une Communauté européenne de la défense a vu le jour mais il manquait l'unité et le courage pour la concrétiser", a déclaré le président du Conseil européen, Donald Tusk.

"Le rêve était en porte-à-faux avec la réalité. Aujourd'hui, ce rêve est devenu réalité", a-t-il poursuivi, parlant d'une "mauvaise nouvelle pour nos ennemis".

Le président français Emmanuel Macron a salué des "progrès concrets", tandis que le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, a estimé que le pacte permettrait à l'UE de se montrer plus réactive.

"L'objectif n'est pas de remplacer l'Otan, mais d'être plus flexible et de mieux utiliser nos ressources", a-t-il dit.

LE PROBLÈME DU FINANCEMENT

Invité au Conseil européen, le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, est allé dans le même sens en estimant que l'Organisation de l'Alliance atlantique et l'UE seraient plus fortes ensemble, mais à condition de coopérer.

"Les forces et les capacités développées à l'initiative de l'UE doivent aussi être disponibles pour l'Otan, parce que nos forces sont les mêmes", a-t-il rappelé.

Le projet de défense européenne commune, promu par la France et l'Allemagne avec le soutien de l'Italie et de l'Espagne, a été relancé après le vote des Britanniques en faveur du Brexit, en juin 2016, pour réaffirmer l'unité des Vingt-Sept.

L'urgence d'une mise en commun des moyens s'est imposée aux Etats les plus réticents depuis l'élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, et son dédain affiché à l'égard des institutions multilatérales, à commencer par l'Otan, jusqu'alors pilier de la défense européenne.

Pour les Européens, le pacte de défense devrait permettre à l'avenir de ne plus avoir à se reposer totalement sur l'Otan et les Etats-Unis pour intervenir dans des conflits régionaux, comme les guerres en ex-Yougoslavie dans les années 1990, ou pour tenir tête aux ambitions de la Russie, illustrées par l'invasion de la Crimée en 2014.

Encore faudra-t-il pour cela résoudre l'épineux problème du financement des missions communes.

La création d'un fonds européen de défense, abondé pour la première fois par la Commission européenne, doit encore être approuvée, bien qu'un projet pilote existe déjà en matière de recherche militaire.

Quant au Royaume-Uni, qui avait signé en 1998 un accord de défense avec la France, il pourrait à l'avenir être associé au Pesco, dit-on de sources diplomatiques européennes, mais de manière exceptionnelle et à condition de fournir financements et expertise dans des domaines spécifiques. (Tangi Salaün pour le service français)