Zurich (awp) - L'année 2015 n'a pas été favorable pour les banques privées suisses, qui ont subi dans leur majorité une péjoration de leurs résultats. Dix pour cent d'entre elles ont disparu des radars au cours des derniers mois, à la faveur d'une fusion, d'une reprise ou d'une liquidation, selon une étude publiée jeudi par le cabinet de conseil KPMG. Ce dernier préconise un changement radical de modèle d'affaires à l'échelle de la branche.

La Suisse comptait 121 banques privées à fin 2015, contre 133 un an plus tôt, selon le décompte du cabinet. En juillet de cette année, la proportion s'est encore réduite à 117. "Nous sommes convaincus que le nombre d'établissements sera inférieur à 100 d'ici deux ans", a indiqué Christian Hintermann, conseiller en services financiers auprès de KPMG, lors d'une conférence de presse à Zurich.

L'activité de fusions/acquisitions dans la branche a réalisé un bond l'année dernière, à quinze transactions contre onze en 2014. Les cessions d'actifs, comme celle conclue entre UBP et Coutts, ont le vent en poupe.

Les auteurs de l'étude voient une corrélation entre taille et efficacité opérationnelle. De nombreux petits acteurs figurent parmi les "weak performers", les établissements à faible performance. La catégorie représente un tiers de l'échantillon, une proportion stable sur un an.

Cet indicateur s'avère toutefois trompeur car des banques faibles ont disparu en 2015 et d'autres ont pris leur place dans ce club, dont le nombre de membres croît de manière "fulgurante". Les faibles deviennent de plus en plus faibles, résument les auteurs de l'étude.

Les établissements solides représentent 18% de l'échantillon, les "moyens" à tendance haussière 27% et ceux à tendance baissière 22%.

RENOUVELLEMENT INFORMATIQUE

"Les exigences en termes de transparence ainsi que la régulation toujours plus complexe, les attentes de la nouvelles clientèle et un contexte difficile constituent un mélange empoisonné pour de plus en plus de banques privées", selon Philipp Rickert, chef des services financiers chez KPMG.

Ces acteurs modestes commettent l'erreur de vouloir fournir un service identique à tous les clients, indépendamment du volume d'avoirs gérés. KPMG pointe également du doigt leur propension à ne rien externaliser. "C'est incompréhensible que des petites banques continuent à tout faire toutes seules. Même Apple délègue certains services", a lancé M. Hintermann.

Le renouvellement des plateformes informatiques est présenté comme une des solutions aux difficultés actuelles. Les sociétés qui ne peuvent pas se payer les dernières innovations doivent externaliser, conseille KPMG. Seulement un quart des banques de l'échantillon bénéficient de logiciels de nouvelle génération.

La branche dans son ensemble a passé une année 2015 morose. En témoigne une masse sous gestion en recul de près de 7%, à 1449 mrd CHF et des afflux d'argent frais anecdotiques (+4,3 mrd), à hauteur de 0,03% des avoirs totaux. En règle générale, les petites banques et celles qui opèrent uniquement depuis la Suisse ont subi des reflux.

Pour M. Rickert, le coeur du problème réside dans le manque d'appétence pour l'investissement affiché par les clients, en raison d'un contexte incertain. Des plus en plus de fonds atterrissent sur des comptes plutôt que d'être engagés sur les marchés financiers, ce qui fait chuter le produit des opérations de commissions. Les dépôts ont représenté 18,5% de la masse sous gestion, contre 17,3% en 2014.

BANQUES PONCTIONNÉES

Les banques privées sont en plus ponctionnées sur cet argent: en 2015, elles ont versé 247 mio CHF à la Banque nationale suisse au titre des taux négatifs.

Deux tiers des établissements concernés ont fait face à un recul du rendement de leurs fonds propres et sont à la recherche de croissance. Un quart des banques privées affichent toutefois des perspectives positives, relativise l'étude.

Le ratio coûts/revenus moyen s'est péjoré de 1,2 points de pourcentage sur un an, à 82,2%. Les banques à faible performance ne sont plus rentables, avec une augmentation de 9,5 points à 106,8%. Les grands établissements présentent un rapport dépenses/recettes de 79,1%, contre 84,9% pour les petites.

Le nombre de postes nécessaires pour gérer 1 mrd CHF est resté stable, à 23 équivalents plein temps (EPT).

Les banques privées genevoises présentent le meilleur rendement des fonds propres (4,5% en moyenne), derrière leurs cousines de Lugano (4,1%) et de Zurich (3,1%). En revanche, elles sont dépassées par leurs concurrentes alémaniques et tessinoises en ce qui concerne le ratio coûts/revenus, les entrées d'argent et les EPT pour la gestion de 1 mrd CHF.

L'étude prend en compte 87 banques réparties sur trois zones linguistiques. Du côté romand, les géants Lombard Odier, Pictet et Mirabaud n'ont pas été pris en considération.

fr/rp