* L'armée a repris Cheikh Saïd et plusieurs autres quartiers

* La bataille touche à sa fin, estime l'OSDH

* Les bombardements sont les plus intenses depuis plusieurs jours

* L'opposition exclut toute concession

par Laila Bassam et Lisa Barrington

ALEP, Syrie/BEYROUTH, 12 décembre (Reuters) - La reconquête des quartiers rebelles d'Alep-Est est entrée dans sa "phase finale", a annoncé lundi un général syrien alors que l'armée et ses alliés ont encore repris plusieurs quartiers ces dernières heures.

Pour l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), qui suit le conflit syrien quotidiennement en s'appuyant sur un réseau d'observateurs sur le terrain, la bataille d'Alep, la plus grande ville de Syrie avant la guerre, que rebelles et loyalistes se disputent depuis 2012, touche à sa fin.

D'après une journaliste de Reuters sur place, les bombardements des derniers réduits rebelles sont les plus violents depuis son arrivée, il y a plusieurs jours.

S'adressant aux journalistes à Alep-Ouest, le général syrien Zaïd al Saleh a prédit que la bataille se terminerait rapidement. "Ils (les rebelles) n'ont pas beaucoup de temps devant eux. Ils doivent se rendre ou mourir", a-t-il dit.

"Nous sommes dans les derniers instants avant la proclamation de la victoire de l'Armée arabe syrienne dans la bataille d'Alep-Est. Nous pouvons l'annoncer à tout moment", a-t-on ajouté par la suite de source militaire.

Après la perte de Cheikh Saïd dans la nuit, les rebelles se sont retirés de tous les quartiers situés sur la rive est du Quoueiq, la rivière qui traverse Alep, selon l'OSDH. Leur poche de résistance s'est réduite de moitié en quelques heures, ajouté l'ONG basée à Londres, qui fait état de 60 morts pour la journée de lundi.

"La situation est extrêmement difficile aujourd'hui", a déclaré Zakaria Malahifdji, un responsable du groupe insurgé Fastakim de l'Armée syrienne libre (ASL) présent à Alep.

Un responsable du Djabha Chamiya, autre groupe rebelle de la ville, n'a pas exclu que les insurgés tentent de prendre position sur la rive ouest, qui pourrait devenir une "nouvelle ligne de front".

"EFFONDREMENT DU MORAL DES TERRORISTES"

Leur retraite soudaine témoigne d'un "effondrement du moral des terroristes", d'après un responsable militaire syrien.

Selon la Russie, principale alliée de Damas avec l'Iran, plus de 2.200 insurgés se sont rendus depuis le début de la bataille d'Alep et 100.000 civils ont quitté les quartiers qu'ils tenaient.

La télévision a diffusé des images du quartier de Salihine, tombé aux mains de l'armée, qui n'est plus qu'un tas de ruines et d'immeubles à demi effondrés, avec des corps jonchant le sol et quelques civils errant dans les décombres, en tenant par la main un enfant ou quelques bagages.

D'après un correspondant de l'agence de presse officielle Sana, 3.500 personnes ont fui le quartier de Cheikh Saïd lundi à l'aube après sa prise.

La chute d'Alep-Est, qui semble désormais imminente, porterait un coup sévère aux rebelles et renforcerait l'emprise de Bachar al Assad sur la "Syrie utile", sans pour autant rétablir son autorité sur l'ensemble du pays, comme en témoigne la reprise de Palmyre par les djihadistes de l'Etat islamique (EI) dimanche.

A travers le pays, des dizaines de milliers de civils restent pris au piège et sans ressources dans des zones sous contrôle rebelle pilonnées par l'artillerie et l'aviation syriennes.

L'OPPOSITION EXCLUT TOUTE CONCESSION

Une offre russo-américaine proposant aux rebelles d'évacuer Alep avec les civils leur a été présentée dimanche, mais Moscou a déclaré par la suite qu'aucun accord n'avait été conclu dans le cadre des discussions en cours à Genève.

Sergueï Lavrov, chef de la diplomatie russe, les a jugées dans l'impasse et accusé les Etats-Unis d'avoir laissé l'EI reprendre Palmyre pour permettre aux insurgés de souffler.

La Russie, a-t-il assuré, est prête à négocier rapidement l'ouverture de corridors pour permettre l'évacuation des rebelles d'Alep, mais elle refuse qu'une trêve soit conclue au préalable, comme le réclament les Etats-Unis. "A ce que je comprends, ce serait juste un répit pour les rebelles", a ajouté Sergueï Lavrov en visite à Belgrade.

A Washington, on indique que Moscou a réclamé le report d'un éventuel cessez-le-feu pour permettre aux dizaines de milliers civils toujours présents de quitter la ville, ce qui a été jugé inacceptable.

"Plutôt que d'accepter la proposition américaine de cessez-le-feu immédiat, les Russes nous ont informés qu'une trêve ne pourrait débuter avant plusieurs jours, ce qui signifie que l'assaut du régime et de ses alliés va se poursuivre jusqu'à ce qu'un éventuel accord entre en vigueur", a expliqué John Kirby, porte-parole du département d'Etat américain.

"Etant donné la terrible situation à Alep et les informations faisant état de la poursuite des attaques de civils et d'infrastructures, c'était tout simplement inacceptable", a-t-il ajouté.

A Bruxelles, les ministres européens des Affaires étrangères n'ont pas évoqué les sanctions dont ils avaient menacé la Russie en octobre pour son implication dans le conflit syrien. Le sujet ne sera donc pas à l'ordre du jour du Conseil européen de jeudi. Le ministre français des Affaires étrangères a néanmoins reproché au Kremlin de tenir "un double langage" et de se livrer à "une forme de mensonge permanent".

"D'un côté, on dit : 'On négocie, on négocie et on va arriver à un cessez-le-feu', puis, de l'autre, on continue la guerre. C'est la guerre totale, c'est la volonté de sauver le régime de Bachar al Assad et de faire tomber Alep (...)", a déploré Jean-Marc Ayrault.

Malgré la progression de l'armée et ses alliés, l'opposition syrienne ne fera pas de concession, a assuré à Paris le coordinateur général du Haut-Comité de l'opposition syrienne.

"Si Bachar al Assad et ses alliés croient qu'une avancée militaire dans certains quartiers d'Alep signifie que nous allons faire des concessions ou marchander sur les buts de la révolution : non !", a dit Riyad Hijab à l'issue d'un entretien avec François Hollande à l'Elysée.

(Avec Vladimir Soldatkin à Moscou et Tom Perry à Beyrouth, Nicolas Delame, Tangi Salaün, Jean-Stéphane Brosse et Jean-Philippe Lefief pour le service français)