L'avenir d'Alitalia s'est brusquement assombri lundi lorsque ses salariés ont rejeté un plan de restructuration prévoyant des suppressions de postes et des baisses de salaires, empêchant ainsi la compagnie de solliciter des fonds nécessaires au maintien de son activité.

D'après des sources proches du dossier, Alitalia, qui compte 12.500 employés, ne devrait plus avoir d'argent d'ici deux ou trois semaines.

La compagnie, qui accumule les pertes, s'apprête désormais à se placer sous un régime spécial avec la désignation d'un administrateur qui déterminera si elle peut conserver un avenir, soit de manière indépendante soit via une vente totale ou partielle, ou si elle est vouée à être démantelée.

Rome cherche à obtenir l'accord de l'Union européenne pour accorder à Alitalia un prêt relais de 400 millions d'euros le temps de trouver un repreneur mais le ministre de l'Economie a exclu toute participation de l'Etat à une recapitalisation.

"Le gouvernement ne souhaite pas participer directement ou indirectement à la moindre augmentation de capital", a dit Pier Carlo Padoan devant les députés italiens.

L'affaire a pourtant une dimension politique, le gouvernement n'ayant a priori aucun intérêt à laisser disparaître la compagnie nationale des Italiens alors qu'approchent des élections législatives, au plus tard en mai 2018.

"Le gouvernement n'est pas assez solide pour laisser couler Alitalia, nous sommes à l'approche d'une élection et il y a tous les emplois en jeu", a souligné Andrea Giuricin, spécialiste des transports à l'université Bicocca à Milan.

INTESA SANPAOLO N'A PAS DE "PLAN B"

L'ancien président du Conseil Matteo Renzi, qui va tenter dimanche de reprendre la tête du Parti démocrate au pouvoir lors de primaires, a promis de dévoiler d'ici le milieu du mois de mai un plan de sauvetage d'Alitalia sans mobiliser de fonds public. Il n'a toutefois fourni aucun détail.

Le temps compte pourtant, alors que les acteurs privés en Italie comme à l'étranger ne paraissent pas enclins à participer à un éventuel sauvetage d'Alitalia.

L'allemande Lufthansa, souvent citée dans la presse italienne comme un acquéreur potentiel, et la compagnie norvégienne à bas coûts Norwegian Air ont démenti jeudi tout intérêt pour leur homologue italienne.

La banque italienne Intesa Sanpaolo, à la fois actionnaire et créancière d'Alitalia, a démenti avoir un "plan B" pour sauver la compagnie, contrairement à ce qu'a écrit un journal italien lui prêtant un projet alternatif censé aboutir à une alliance avec Lufthansa.

On estime que les gouvernements italiens successifs ont injecté 7 milliards d'euros dans Alitalia au fil des ans sans jamais vraiment réclamer de stratégie industrielle en échange. Le dernier sauvetage en date remonte à 2014 et a abouti à faire d'Etihad Airways le premier actionnaire d'Alitalia avec une participation de 49%

La compagnie des Emirats arabes unis espéraient faire d'Alitalia une compagnie rentable en 2017.

(Gianni Montani à Turin, Alberto Sisto et Steve Scherer à Rome et Agnieszka Flak à Milan; Bertrand Boucey pour le service français)