* L'opération ouvre un nouveau front dans le conflit

* Une centaine de cibles visées par les avions turcs

* Les miliciens kurdes promettent de "résister à l'agression"

* La Syrie condamne, Moscou et Washington appellent à la retenue (Actualisé tout du long avec bilan, Premier ministre turc, communiqué militaire, réaction de Damas et des YPG)

par Mert Ozkan et Ellen Francis

HASSA, Turquie, BEYROUTH, 20 janvier (Reuters) - Après l'artillerie, l'aviation turque est intervenue samedi en Syrie contre les milices kurdes YPG dans la région d'Afrin, au deuxième jour d'une opération de "sécurisation de la frontière" dénoncée par Damas.

Les raids aériens ont coûté la vie à six civils et trois combattants kurdes à Afrin, a déclaré un porte-parole des forces kurdes.

Une centaine de cibles liées aux YPG (Unités de protection du peuple) ont été visées par les avions de combat turcs, a dit l'armée turque dans un communiqué.

La plupart de ces cibles ont été détruites, a déclaré le Premier ministre Binali Yildirim.

Les forces terrestres entreprendront dimanche les "opérations nécessaires" en fonction de l'évolution de la situation sur le terrain, a ajouté le chef du gouvernement.

A ce stade, aucun soldat turc n'a été déployé en Syrie.

Les YPG, qui ont combattu le groupe Etat islamique avec le soutien des Etats-Unis, ont annoncé qu'elles n'avaient "pas d'autre choix que de résister", accusant l'aviation turque de viser des quartiers civils.

"Nous repousserons cette agression, comme nous en avons repoussé d'autres contre nos villages et nos villes", a déclaré la milice kurde.

Damas "condamne fermement cette agression brutale contre Afrin qui est une part intrinsèque de la terre syrienne", a dit un responsable du ministère syrien des Affaires étrangères. Le gouvernement syrien dément avoir été prévenu par Ankara.

"MANBIJ SUIVRA"

Des avions de combat turcs ont bombardé plusieurs quartiers d'Afrin et des villages alentour et des accrochages se sont également produits entre forces turques et leurs alliés syriens de l'ASL (Armée syrienne libre) en bordure d'Afrin, a déclaré Rojhat Roj, un responsable des YPG dans la ville.

Hevi Mustafa, haute responsable de l'administration civile d'Afrin, a déclaré que sept personnes avaient été blessées, dont trois enfants. "La plupart des blessés sont des civils", a-t-elle dit. "Il y a des affrontements. Nos unités répondent farouchement à cette occupation."

Selon les autorités dans la région et les observateurs du conflit, au moins un demi-million de personnes habitent dans le canton d'Afrin, parmi lesquelles de nombreux déplacés.

Les premiers tirs d'artillerie par-delà la frontière ont débuté dans la nuit de jeudi à vendredi, a précisé vendredi matin le ministre turc de la Défense. Samedi en milieu de journée, le président Recep Tayyip Erdogan a officialisé le lancement de cette opération baptisée "Rameau d'olivier".

"Nous détruirons progressivement ce couloir de terreur comme nous l'avons fait lors des opérations contre Djarablous et El Bab, en commençant par l'ouest. L'opération d'Afrin a de facto commencé sur le terrain. Manbij suivra", a déclaré le chef de l'Etat turc.

Ankara assimile les YPG aux séparatistes du PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan qui combat les forces turques depuis 1984 dans le sud-est de la Turquie.

Mais les YPG sont aussi les alliés de Washington au sein des Forces démocratiques syriennes (FDS), dont elles sont le fer de lance dans la lutte contre les groupes djihadistes.

"Dans une situation comme celle-ci, nous attendons de tout le monde, et en particulier de nos alliés, qu'ils se rangent à nos côtés, pas à ceux des terroristes", a déclaré le chef de la diplomatie turque Mevlut Cavusoglu, référence claire à Washington.

EVITER L'ESCALADE

L'offensive fait suite à de nombreux avertissements lancés ces dernières semaines par le pouvoir turc. Ankara a été particulièrement outré par l'annonce que les Etats-Unis allaient prendre en charge la formation d'une force de 30.000 hommes dans l'Est syrien contrôlé par les FDS.

Le département américain de la Défense a "encouragé toutes les parties à éviter l'escalade et à se concentrer sur la tâche prioritaire de vaincre l'EI".

"Nous comprenons les préoccupations turques en matière de sécurité vis-à-vis du PKK", a déclaré un porte-parole du Pentagone, ajoutant: "Les Etats-Unis ne fournissent aucune aide au PKK." La coalition internationale dirigée par Washington n'a aucune opération en cours à Afrin, a-t-il dit.

Présente en Syrie où elle soutient l'armée gouvernementale syrienne, la Russie s'est dite préoccupée par l'opération turque et le ministère russe des Affaires étrangères a lancé un appel à la retenue.

Franz Klintsevich, un député russe cité par l'agence RIA, a annoncé que la Russie allait saisir les Nations unies pour obtenir la cessation de l'intervention turque.

Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov et son homologue américain Rex Tillerson se sont téléphoné samedi pour discuter des moyens de garantir la stabilité dans la région, a fait savoir le ministère russe des Affaires étrangères. (Avec Orhan Coskun, Ezgi Erkoyun,; Henri-Pierre André, Nicolas Delame et Jean-Stéphane Brosse pour le service français)