"Les extrêmes tensions que subissent aujourd'hui les marchés n'ont rien à voir avec la dégradation de la dette américaine par S&P, la première d'une longue série. L'économie mondiale est tout simplement en train de s'enfoncer à nouveau dans une profonde récession, si elle ne s'y trouve pas déjà. Les marchés boursiers s'inscrivaient déjà en baisse avant même l'abaissement de la note américaine et les rendements obligataires réagissaient comme l'on pouvait s'y attendre aux très mauvais indicateurs économiques, note Albert Edwards de SG Cross Asset Research.

"Avec la dégradation de la dette américaine, le S&P a peut-être franchi sa ligne de support située à 1.250, mais n'importe quel événement aurait en réalité pu provoquer cette cassure et engendrer cette débâcle technique. Préparez-vous à un nouveau test de cette ligne de cou avant que le marché ne renoue avec son destin."

"L'ajustement des prévisions de croissance du PIB aux Etats-Unis, opéré récemment, a démontré l'incapacité du second assouplissement quantitatif (QE2) à relancer l'économie, avec une croissance annualisée de seulement 0,9% enregistrée au S1 2011. Quand on est armé d'un marteau, tous les problèmes ressemblent à des clous. C'est pourquoi, en dépit de la hausse de l'inflation sous-jacente, les vives tensions économiques et/ou boursières pourraient appeler la mise en oeuvre d'un troisième épisode d'assouplissement quantitatif (QE3). Cependant, les réelles difficultés ne se matérialiseront que lorsque les effets de la décharge d'adrénaline du QE3 se dissiperont encore plus rapidement que ceux du QE2."

"Des optimistes purs et durs continuent toutefois de penser qu'une récession est tout à fait improbable et que les marchés vont se rétablir. La croissance du PIB aux Etats-Unis est pourtant passée sous les 2%, un seuil au-delà duquel l'économie ne semble plus en mesure de reprendre de la hauteur mais plutôt de s'enfoncer dans la récession. Dans le contexte actuel, il incombe maintenant aux optimistes d'expliquer les raisons pour lesquelles ils continuent de tabler sur un redressement de l'économie au S2 2012."

"Le problème pour moi avec la théorie de l'Age de glace c'est que le patient est le plus clair du temps en rémission, profitant à la fois d'une reprise cyclique et de rebonds boursiers. La dévalorisation à long terme des actions lorsqu'elle se produit est brutale. C'est la raison pour laquelle mes prévisions d'une baisse du S&P à 400 et de rendements obligataires à 10 ans de 1,5% aux Etats-Unis sont tournées en dérision."

"Dans le contexte de l'Age de Glace, les événements des dix dernières années sont tout à fait compréhensibles. Alors que nous assistons, après une reprise de courte durée, à un nouvel effondrement dans la récession deux ans seulement après la reprise cyclique, nous tenons à rappeler que les événements au Japon ont connu une tournure identique."

"La reprise fragile, pénalisée par le désendettement du secteur privé, a été enrayée par les tentatives d'un gouvernement en quasi-faillite pour contenir l'envolée de ses déficits. Nous entrons à présent dans la troisième phase de l'Age de glace au cours de laquelle le retournement du cycle se combine à une dévalorisation à long terme des actions et à une réappréciation des obligations d'Etat."

"L'économie mondiale a vécu pendant des années largement au-dessus de ses moyens. Si une quantité massive de la richesse nationale a été redistribuée aux citoyens les plus riches, les revenus réels des classes moyennes ont quant à eux stagné. Une situation tolérée seulement parce que les banquiers centraux, en créant des bulles immobilières, ont permis aux classes moyennes appauvries de continuer à emprunter et à consommer. Cette illusion de prospérité a empêché que les classes moyennes ne se révoltent. La Fed et la Banque d'Angleterre ont selon moi activement contribué à appauvrir les classes moyennes en faveur des plus riches."

"Les dettes excessives du secteur privé ont été transférées au secteur public en 2008 pour éloigner le spectre d'une dépression qu'un allègement de la dette aurait inévitablement fait surgir. Notons cependant que ces dettes sont tout aussi insoutenables dans les mains du secteur public que dans celles du secteur privé. Les politiques des banques centrales n'ont pourtant pas évolué. La planche à billets tourne à plein régime."

"Dans la zone euro, les marchés prennent conscience à présent de ce qui aurait dû être évident dès le départ. Les autorités ne sont pas dans la meilleure posture pour redresser la situation. Lors de la période de stabilité économique inhabituellement longue connue aussi sous le nom de La Grande Modération, la zone euro a utilisé les mêmes instruments de destruction mutuelle que ceux employés à une plus grande échelle par la Chine et les Etats-Unis."

"La politique monétaire excessivement accommodante des Etats-Unis a provoqué la bulle immobilière et le boom de la consommation et a abouti à l'immense déficit commercial volontiers financé par une Chine mercantile qui, dans le seul dessein de garder son taux de change fixe, fait sans retenue aucune tourner sa planche à billets. Les Chinois sont donc à cet égard mal placés pour critiquer l'extrême prodigalité des Etats-Unis. La zone euro s'inscrit dans une même dynamique."

"Certains de ses pays membres bénéficient (ou pâtissent) de la politique monétaire très accommodante de l'UEM, une situation dont ils ne sont en rien responsables, contrairement aux Etats-Unis, qui a alimenté la bulle immobilière et le boom de la consommation et a abouti à un immense déficit commercial financé principalement par l'Allemagne et ses excédents commerciaux à la chinoise, les banques des pays européens les plus solides prêtant de l'argent aux pays périphériques déficitaires pour que la fête continue de battre son plein."

"Ainsi, pendant La Grande Modération, si la situation commerciale globale de la zone euro apparaissait comme équilibrée vis-à-vis du reste du monde, elle n'en était pas moins toujours aussi instable et empoisonnée que celle des Etats-Unis et de la Chine. La situation de la dette en Italie est-elle finalement plus enviable que celle des Etats-Unis ? C'est probable si l'on se réfère aux projections des dettes publiques de la BRI. Même sans réduire drastiquement les prestations de retraite, l'Italie présente au moins une bonne chance de parvenir à maintenir les choses sous contrôle contrairement à la plupart des autres pays."

"Les optimistes continuent de compter sur la progression des bénéfices américains pour soutenir le marché. Le problème c'est que la croissance des bénéfices de l'ensemble de l'économie américaine ralentit extrêmement rapidement et qu'elle tend à être un indicateur avancé du marché actions. La croissance des bénéfices est le principal facteur déterminant de la croissance des dépenses des entreprises, ce qui explique la faiblesse des dépenses du secteur privé cette année. En outre, ceux qui misent sur la croissance des marchés émergents pour soutenir l'économie mondiale devraient y réfléchir à deux fois. En effet, ces marchés affichent actuellement un ralentissement encore plus rapide que celui enregistré par les marchés développés."