La croissance de l'économie française a rebondi de 0,2% au troisième trimestre après son trou d'air du printemps, a déclaré vendredi l'Insee, ce qui fragilise l'hypothèse d'une croissance de 1,5% sur l'ensemble de l'année retenue par le gouvernement.

La contribution positive des variations de stocks a permis de compenser une demande intérieure poussive et le solde négatif du commerce extérieur, selon les premiers résultats.

L'institut a dans le même temps confirmé le chiffre du deuxième trimestre, à savoir un recul de 0,1% du produit intérieur brut (PIB) mais il a revu en baisse de 0,1 point la croissance du premier trimestre, à +0,6%.

L'acquis de croissance pour 2016, à savoir l'évolution du produit intérieur brut (PIB) si l'activité stagnait au quatrième, se situe à 1,1% au 30 septembre.

"Pour obtenir 1,5% de croissance en 2016, il faudrait après le 0,2% du T3, 1,4% au T4. C'est un peu fort je crois", observe Philippe Waechter, chef économiste de Natixis Asset Management, sur Twitter.

Il est peu probable que la croissance française atteigne ce niveau au quatrième trimestre, d'autant plus que les indicateurs de conjoncture suggèrent un mois d'octobre décevant, confirme dans une note Alexandre Mirlicourtois, économiste chez Xerfi. Il souligne également qu'"il faut remonter au premier trimestre 1990 pour trouver trace d'un tel niveau".

LA REPRISE PAS COMPROMISE, DIT SAPIN

Le ministre de l'Economie et des Finances Michel Sapin s'est voulu plus rassurant, estimant dans un communiqué que ce chiffre ne remettait pas en cause "la dynamique de reprise".

"Il ne change rien sur le front du chômage qui baisse nettement, comme sur le front du déficit qui recule et atteindra les objectifs fixés", a ajouté Michel Sapin.

Le locataire de Bercy a par ailleurs précisé sur RTL que ce chiffre ne compromettait pas non plus la prévision du gouvernement d'une croissance de 1,5% en 2017.

La croissance depuis le début de l'année a été pénalisée par des événements ponctuels, à savoir les grèves du printemps, l'impact des attentats sur le tourisme, et la faiblesse des récoltes agricoles, a-t-il rappelé.

Mais "ce sont des événements ponctuels, dont on peut dire et espérer qu'ils ne se reproduiront pas et c'est ça qui me fait penser que (...) même si ce chiffre qui vient de tomber rend difficile d'atteindre 1,5% cette année, je ne vais pas le nier, (il) ne remet pas en cause les chiffres de croissance pour l'année prochaine", a précisé Michel Sapin.

Dans le projet de budget pour 2017, en cours de discussion au Parlement, le gouvernement a prévu de ramener le déficit public à 2,7% du PIB, en se fondant sur l'hypothèse d'une croissance de 1,5%. Mais ce scénario de croissance jugé trop optimiste par les économistes et par le Haut conseil des finances publiques a alimenté les doutes sur la capacité de la France à ramener son déficit public sous le seuil de 3% du PIB, conformément à ses engagements.

Les 37 économistes interrogés par Reuters anticipaient en moyenne une croissance de 0,3% pour le troisième trimestre, comme la Banque de France. Mais dans sa dernière prévision, l'Insee anticipait une croissance de 0,2%.

PAS DE MOTEUR ENCLENCHÉ

Comme sur la période avril-juin, la contribution de la demande intérieure finale a été limitée à 0,1 point au troisième trimestre.

Celle de la variation des stocks des entreprises, très volatile, a atteint +0,6 point après -0,8 point au trimestre précédent, ce qui a permis de compenser la contribution négative du commerce extérieur, qui s'inscrit à -0,5 point après +0,6 point au deuxième trimestre.

Pour Philippe Waechter, la structure du PIB du troisième trimestre "ne fait pas rêver", avec une demande intérieure faible, beaucoup de stock et un commerce extérieur pénalisant.

Dans le détail, les dépenses de consommation des ménages, qui soutiennent traditionnellement l'économie française, ont stagné pour le deuxième trimestre consécutif.

"On voit que la consommation des ménages français ne peut plus être le grand moteur de la croissance, parce qu'on a des prix qui vont recommencer à augmenter légèrement et donc ça va amputer le pouvoir d'achat", a déclaré à Reuters François Letondu, économiste chez Société générale.

L'investissement global a progressé de 0,3%, l'accélération de l'investissement public (+1,1% après +0,4%) et de celui des ménages (+0,8% après +0,4%) ayant permis de compenser un deuxième recul consécutif de l'investissement des entreprises (-0,3% au deuxième comme au troisième trimestre).

La confirmation du redressement de l'investissement des ménages - et donc du secteur de la construction - constitue un "élément rassurant" pour l'économiste de la Société générale.

Cette reprise déjà amorcée dans la construction exerce un impact positif sur la croissance, "par des effets directs, sur l'investissement des ménages, indirects, sur l'emploi dans le secteur et donc à terme sur la consommation", souligne-t-il.

Pour François Letondu, il ne s'agit donc pas d'"un ralentissement de la croissance française mais plutôt d'une stabilisation à un niveau assez faible."

Cette évolution inégale, caractérisée par un profil très heurté depuis le début 2015, met en évidence que "l'économie française reste très dépendante des facteurs de soutien (...) et plus généralement de tous les événements extérieurs, ce qui montre bien qu'il n'y a pas de dynamique intrinsèque très puissante mise en place", indique Axelle Lacan, économiste de l'institut COE-Rexecode.

(Avec Michel Rose, édité par Yves Clarisse)

par Myriam Rivet