par Isabel Coles et Saif Sameer

ERBIL/BAGDAD, 21 octobre (Reuters) - Les combattants de l'Etat islamique (EI) ont progressé mardi en direction des monts Sinjar, resserrant leur étau autour de membres de la minorité religieuse yazidie restés sur place après une première offensive des djihadistes dans ce secteur du nord-ouest de l'Irak en août.

Selon divers témoignages, des milliers de Yazidis ont été exécutés, enterrés vivants ou réduits en esclavage cet été par les membres de l'Etat islamique.

Ces derniers ont lancé un nouvel assaut lundi matin à l'aube. Ils ont attaqué plusieurs complexes résidentiels à bord de Humvees et de véhicules civils, contraignant nombre de Yazidis à trouver refuge dans la montagne.

"Nous avons été dépassés en nombre et en puissance de feu. Nous ne savons pas combien de temps nous pourrons les retenir", a dit Ali Kassem, un volontaire yazidi dans la montagne.

Selon lui, la plupart des familles avaient fui avant le déclenchement de cette nouvelle attaque mais certaines n'ont pas pu partir et se trouvent désormais prises au piège à l'est du relief montagneux.

Les Etats-Unis ont commencé en août à bombarder les positions de l'Etat islamique dans le nord de l'Irak pour empêcher un éventuel "génocide" de minorités religieuses, selon les termes du président américain Barack Obama.

Cette campagne de bombardements a aidé les peshmergas kurdes à repousser les djihadistes. Un couloir a pu être créé pour évacuer des milliers de Yazidis du secteur de Sinjar.

Les monts Sinjar étaient toutefois restés sous la menace des djihadistes et les frappes américaines n'avaient pas empêché ces derniers de gagner du terrain ailleurs en Irak mais aussi en Syrie, où ils assiègent notamment la ville majoritairement kurde de Kobani depuis septembre.

PLUSIEURS ATTAQUES SUR LA LONGUE LIGNE DE FRONT

Un parlementaire yazidi présent sur les monts Sinjar s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles les Etats-Unis bombardaient activement les djihadistes autour de Kobani mais pas à Sinjar.

"Malheureusement, les avions de la coalition sont dans le ciel et peuvent voir les chars mais ils ne les frappent pas", a dit Mahama Khalil. "Pourquoi défendent-ils Kobani et pas Sinjar?"

Les combattants de l'Etat islamique ne se sont pas contentés depuis lundi d'attaquer les forces kurdes aux monts Sinjar le long de la ligne de front qui s'étend sur plus de 1.000 kilomètres de la frontière syrienne jusqu'à la province orientale de Diyala, adossée à l'Iran.

Dans cette province, des combattants déguisés en Kurdes ont tenté lundi de prendre la localité de Kara Tapa. Ils ont ensuite précipité un camion-citerne bourré d'explosifs contre les lignes kurdes dans le district de Wana, tuant jusqu'à 15 peshmergas, selon deux responsables.

Wana se trouve à une quarantaine de kilomètres au nord-ouest de Mossoul, près du plus grand barrage d'Irak, dont les djihadistes se sont emparés en août avant d'en être délogés au profit des combattants kurdes par des bombardements américains.

D'après un haut fonctionnaire au sein de l'exécutif autonome du Kurdistan irakien, les récentes attaques de l'Etat islamique dans le nord de l'Irak sont une diversion pour créer une brèche destinée à une offensive contre Kirkouk et la ville de Khanakine, dans la province de Diyala.

"Ils ont des intérêts stratégiques ici aussi mais leur grand dessein stratégique est Kirkouk et d'autres secteurs kurdes de Diyala afin d'encercler Bagdad", a dit Ari Mamshae.

Dans un communiqué diffusé lundi soir, l'Etat islamique dit avoir mené une attaque contre les "milices laïques yazidies" et détruit l'un de leurs sanctuaires.

"La progression est continue et les armées qui ont libéré Ninive et Aïn al Arab (Kobani-ndlr) effectuent un nouveau pas en direction du barrage de Mossoul, dont les moudjahidine sont très proches", affirme l'Etat islamique. (Bertrand Boucey pour le service français)